3.4.- Conclusion

« Beaucoup de chorégraphes ont ce fantasme d’écrire avec le corps des autres une « loi » qu’on puisse maîtriser. Et déjà au départ, au déclenchement, le corps danseur improvise, cherche à saisir le point critique et singulier qui sert d’ancrage, de l’écriture dont son corps sera l’instrument, l’objet, le sujet » 2 .

Pour le chorégraphe, une source infinie d’inspiration est l’attachement comme représentation physique de la fusion, érotique ou spirituelle, et forcément désirée, comme une figure antique d’une unité d’avant la vie, fantasme d’une complétude que nous aurions perdue en naissant.

« Le corps dansant produit de l’appel et du rappel entre deux corps- qui déjà sont quatre : ses deux corps à lui, et les deux du spectateur ; et très vite il y en a six dès qu’il y a un autre danseur et ça se morcelle et se compose et se décompose pour fomenter des appels d’être inattendus, qui parlent d’autant plus fort » 3 .

« La danse questionne le corps de l’Autre, son existence, sa forme, ses possibles. C’est un questionnement dynamique, qui peut passer par des points morts : corps-effigie ou corps-idole. Dans ces cas limités, la danse capte l’élan de la foule, narcissique ou idolâtre, pour le dévoyer ou pas » 4 .

« La danse fait le pas décisif : d’ériger sur scène ces rappels de transfert, ces miroirs-mémoires. Le corps y fait jouer sa présence au monde, il rencontre des choses, des gestes, des éléments (la terre, l’air, la lumière…) et aussi les traces charnelles d’autres corps.(…). Ainsi l’effet-miroir tel que la danse le manifeste déborde l’imitation, le reflet, la doublure. C’est l’interaction des corps à la recherche de leurs limites d’être, et qui se font l’instrument de cette recherche » 1 .

« C’est dire que l’effet miroir accompagne le processus identitaire, et rebondit sous d’autres formes : un texte, un tableau, un corps dansant l’actualisent. La rencontre miroitée est à l’œuvre dans toute danse, qui est aussi un affrontement en miroir, y compris le miroir qu’elle-même reproduit, en essayant de le briser ou de le franchir » 2 .

« Dans la danse l’effet-miroir mise à fond sur une force étrange du corps : sa force d’entraînement, d’une pensée ou de l’impensable ; sa force d’attraction qui emmène avec lui les fantasmes d’autres corps » 3 .

« En principe, l’Autre est l’espace où se prélève l’image du corps, le projet de se faire une place, de se déplacer dans l’espace « autre » 4 . Autrement dit : c’est l’objet de la présence, signifié par un mouvement pulsionnel de l’Autre, par son image, et qui indique la présence du sujet.

« La pulsion de mouvement lie et enchaîne la série des images, et organise la structure imaginaire dans sa dimension économique de diffusion des tensions et de leurs excès, entre idéal du moi à satisfaire et surmoi insatisfait » 5 .

« Le travail de miroir rappelle que tout fragment de langage est un miroir, qu’on peut se mirer dans un mot ou un geste, et même s’y perdre, dès qu’on y transfère un bout de mémoire cristallisé, un fragment d’imaginaire ». 6

« Dans la danse, le Corps, prend le relais du langage ordinaire pour bouger l’Autre de sa place : pour le séduire » 7 . Et finalement, la jouissance, qui nous montre un autre univers, mène peut-être vers la mort.

Un corps qui danse, est supposé ressentir des émotions, des éveils, et les transmettre ou les rappeler aux autres corps qui les regardent ou à lui-même comme nécessité d’issue pulsionnelle gestuelle sur la structure traumatisée hors le fantasme qui appareille normalement la douleur.

Le danseur « en donnant tous ces gestes au spectateur, lui donne aussi un questionnement de son corps, un ensemble d’appels de corps qui le rappellent à son image, à ses impasses de jouissance, (…) » 1

Ce sera donc, le thème à être traité dans le dernier chapitre, ce qui suit, passant d’abord par la souffrance et sa relation avec la douleur, le masochisme, l’objet perdu ; pour continuer avec le plaisir / déplaisir, pour arriver au paradoxe de la jouissance.

Notes
2.

SIBONY, D. Le corps et sa danse.Ed. Du Seuil. Paris, France, 1995. p. 119.

3.

Ibidem. 151.

4.

Ibidem 79-80.

1.

Ibidem. 208.

2.

SIBONY, D. Le corps et sa danse. Ed. Du Seuil. Paris, France, 1995. p. 203.

3.

Ibidem. p. 208.

4.

Ibidem. p. 209.

5.

LAPOSTOLET, M. « Sublime, sublimation. L’aspect gestuel de l’inconscient ». in QUARTO 40/41. Décembre 1993.

6.

SIBONY, D. Ibidem. p. 210.

7.

Ibidem. p. 158.

1.

SIBONY, D. Op. Cit. p. 342.