Jacqueline (professeure de danse classique)

44 ans.

Durée : 45 minutes.

Elle arrive en retard, 15 min. et en mangeant, (notons qu’il est 12h30).

E - Comment avez-vous commencé dans la danse ?

J - La danse euh… (elle mange) je fais comme tous les enfants qui aiment bouger et qui aiment la musique, donc j’ai voulu faire de la danse, parce que j’ai aimé bouger, j’ai aimé faire de la musique et le premier cours de danse que j’ai pris c’est à quatre ans sur la plage, avec les autres petits enfants pendant l’été, sur la plage en Normandie et après euh, j’ai fait de patin à glace aussi, moi ce qui m’intéressait dans la danse c’est l’énergie le mouvement et la relation à la musique, c’était ce côté énergique qui m’intéressait ; j’ai fait beaucoup de patin à glace quand j’étais petite à six, sept ans, et la danse en même temps et après j’ai choisi de rester pour la danse.

E - Donc, c’était à quel âge que vous avez commencé dans la danse ?

J - A vraiment… huit ans.

E - Huit ans ?

J - mh (elle s’étrangle) Quatre ans, quatre ans, mais la danse pour les bé (elle s’étrangle) pour les petits enfants quoi mais la danse classique sept ou huit.

E - Pourquoi avez-vous choisi la danse plutôt que le patin à glace ?

J - Le goût de l’énergie, le goût du mouvement et de l’énergie, voilà mais le patin à glace, pour moi c’était aussi bien que la danse, c’est l’énergie c’était le côté sauter, tourner, marcher, courir, c’est ça vraiment c’était de bouger, avec de la musique

E - Vous avez commencé dans une petite école ?

J - Oui, une petite école à Paris (pause). Après euh j’étais chez un vieux danseur de l’Opéra de Paris, un vieux monsieur qui avait une école privée. Après nous avons déménagé en banlieue, et j’ai été au conservatoire CNR, de Versailles, après je suis rentrée au conservatoire de Paris (pause), supérieur, CNSMD de Paris et après j’ai quitté, j’ai démissionné du conservatoire, pour être dans l’école de Béjart à Bruxelles (pause) et après j’ai été danseuse, mais j’ai fait plusieurs écoles différentes.

E - Quand vous étiez chez Béjart, ça se passait comment ?

J - Dans l’école ou dans la compagnie ?

E - Les deux.

J - L’école c’était formidable parce qu’on faisait de la danse classique, de la danse contemporaine, improvisation, cours de théâtre, cours de chant, cours de percussions, de rythme, cours de danse indienne, cours de danse africaine, cours de danse espagnole, beaucoup, beaucoup de choses, pendant trois années. Donc, tous les jours Il n’y avait pas les classiques et les contemporains, il y avait tout le monde ensemble : la classe de classique, la classe de contemporain, enfin de moderne, enfin à l’époque on l’appelait, ça c’était le matin et après l’après-midi on faisait soit la percussion et le théâtre, soit le chant et la danse espagnole, mais je suis partie à l’école seulement quand j’ai eu mon baccalauréat, donc j’avais déjà dix-huit ans parce que je voulais, mes parents et moi on voulait que j’aie mon baccalauréat avant de partir dans cette école où on avait pas le temps de faire les études, il fallait avoir fini les études pour faire cette école et après dans la compagnie je suis restée quinze ans. J’étais le groupe des danseurs qui ont fait l’école, donc c’est le groupe des danseurs qui faisaient beaucoup d’improvisation sur scène, quand il y avait les textes ou le chant sur scène on faisait, parce que Béjart faisait le théâtre total, la danse avec le théâtre mélangés. Et j’étais donc dans ce groupe, un petit peu spécial, et j’ai dansé aussi le répertoire des anciennes pièces de Béjart, et les nouvelles et les créations, et petit à petit j’ai eu les rôles, j’étais soliste à la fin et j’ai dansé beaucoup de rôles aussi bien dans les créations que dans les reprises de ballets anciens.

E - Et avec le groupe, ça se passait comment en tant que danseuse professionnelle ?

J - Avec le groupe ? A quel sujet, tu veux dire ? A quel… ça s’est passé comment, à quel sujet ?

E - C’est comme vous venez de dire, par rapport au groupe.

J - Oui, mais, toi, qu’est-ce que tu veux entendre parce que je peux te dire, euh le plaisir ou le travail ou si on gagne beaucoup d’argent, si on fait beaucoup de tournées

E - De tout.

J - Oui mais (pause) c’est, c’est un peu vaste, si tu veux, la question c’est vaste.

E - Oui, c’est pour ça….

J - Oui, mais c’est toi qui fais l’interview….

E - Oui c’est pour ça, je voudrais que vous parliez de ce que vous voulez

J - Non, moi je voudrais que moi je voudrais que tu (pause) me demandes ce que toi tu veux savoir, et moi je peux te répondre. Tu vois ?

E - Non mais ce n’est pas comme ça…..

J - Si, si parce que ça, sinon, toi tu dois être très précise dans les questions

E - Pas vraiment.

J - Si c’est important, je t’explique pourquoi c’est important parce que c’est toi qui dois faire un travail de recherche, donc toi tu dois faire un travail de recherche comme étudiante

E - Mais j’ai ma façon de faire le travail.

J - Mais, sinon moi je te donne un livre et tu le lis.

E - Non, je dois parler avec la personne, c’est pour ça…..

J - Mais il me semble que c’est très important que toi tu aies des questions très ciblées pour que moi je puisse te dire ce que toi tu recherches, mais si tu recherches rien, je te donne une liste de livres sur Béjart et tu lis les livres. Tu vois ? mais c’est délicat parce que ha, je peux je peux te dire des choses très très précises, mais je peux aussi te dire n’importe quoi, mais non ça m’intéresse pas moi, tu vois. Tu comprends ce que je veux dire, c'est-à-dire que si tu fais l’interview, pour que tu fasses un travail pour toi, ce n’est pas moi qui dois te raconter, c’est toi qui dois provoquer une interrogation pour que je puisse te répondre. Tu vois c’est important hein !.

E - C’était ça ma question : comment ça se passait dans le groupe, la compagnie ?

J - Oui mais, entre nous les danseurs ?

E - Oui.

J - entre Béjart et moi ?

E - Non, le groupe.

J - Ah ! comment ça s’est passé entre les danseurs dans le groupe. Voilà.

E - Oui, c’est ce que j’ai dit…

J - Non, non tu m’as dit «comment ça s’est passé dans le groupe ?» Mais à quel niveau ? voilà : comment ça c’est passé entre les gens dans le groupe ? ça c’est la question, voilà c’est ça ? voilà. Donc, il faut que tu formules comme ça. Là c’est juste. Donc, comment ça s’est passé entre les danseurs, entre les individus, dans le groupe ; ça s’est passé magnifiquement bien. Il y avait vraiment de très très bonnes relations, humaines et artistiques, parce qu’on voulait tous travailler avec Béjart et que lui-même est un très bon « manager » pour un groupe ; il nous emmenait sur des réflexions, il nous emmenait sur une interrogation de travail très intéressante ; il était pas seulement le chorégraphe créateur, mais aussi il recherchait avec nous, et entre les êtres humains qui faisaient ce groupe il y avait déjà le passé d’être dans la même école, d’avoir eu la même formation, d’avoir le même « feeling », donc c’était des relations très harmonieuses et très enrichissantes et ça le travail était très productif.

E - D’accord, et là, dans la compagnie, tout le monde restait le même temps ou… chacun partait …

J - Non, non, il y avait des (pause) Les gens restaient longtemps chez Béjart, en général. Maintenant les danseurs ils restent deux ans, après ils vont trois ans par-là, ils bougent beaucoup ; à l’époque, surtout lorsqu’on choisissait de travailler avec un chorégraphe important et que ce chorégraphe nous choisissait, il y avait une espèce de fidélité : on restait dix ans, quinze ans, huit ans, pour approfondir le travail, vraiment. Donc il y avait une vraie (pause) une vraie osmose entre les danseurs. Parfois, très rarement, il y avait quelqu’un qui restait un an, et soit il se sentait mal parce qu’il venait d’un autre pays, qu’il était malheureux, ou soit il avait des ambitions qui n’étaient pas assez nourries rapidement, donc il partait mais c’était très rare les gens qui sont restés seulement une année ; ça bougeait beaucoup.

E - D’accord ; mais pour vous, vous me disiez que vous avez commencé tôt, quand vous étiez enfant, mais c’est vos parents aussi qui vous ont dit de choisir, ou ils vous ont laissé faire ?

J - Tout à fait. Ils m’ont laissé choisir. On voyait beaucoup de spectacles quand on était petits, beaucoup de chanteurs engagés, des spectacles de musique traditionnelle, des concerts et le premier spectacle que j’ai vu c’est les ballets russes de Moïsseïev, le premier spectacle que j’ai, je n’ai pas vu la danse classique. J’ai d’abord vu le ballet Moïsseïev avec les danses de caractère, l’Ukraine, les tsiganes, danses géorgiennes, etc. Et ça m’a emballée toute cette énergie, les couleurs, la musique très forte. Maman, elle m’a fait aussi un peu la danse libre, il y avait la danse libre ; elle m’a proposé quand j’ai dit je veux faire la danse, elle m’a proposé la danse classique et la danse libre, c’était Irène Poupart qui faisait des danses libres, un peu inspirées, un peu hein, comme Isadora Duncan. Moi, ça ne m’intéressait pas cette danse parce que c’était trop facile, et cette danse je pouvais la faire toute seule à la maison, cette danse libre. Je voulais un professeur qui m’apprenne quelque chose, pas quelqu’un qui me fait faire ce que je sens, parce que ça je pouvais le faire chez moi. Je voulais apprendre les choses, je voulais la rigueur, je voulais, un peu que ça soit difficile, pour tourner, pour tirer les pieds, ça m’intéressait vraiment mais euh (pause), je trouvais vraiment du plaisir dans ça, dans la difficulté, dans apprendre quelque chose vraiment.

E - Donc, c’était le plaisir de la difficulté, mais toujours dans le mouvement, dans les cours, la discipline, quelle difficulté ?

J - Eh bien, de tendre mes pieds, monter le dos, allonger les jambes, de sauter en cinquième, de faire des pirouettes, la danse classique, c’est difficile, non ? Tu as appris la danse classique ? c’est difficile, c’est pas facile ; ça me plaisait de faire le « challenge », qu’il y ait un « challenge », que, dans la danse libre, c’était facile, fallait faire ce qu’on sentait, sauter sur un pied, comme ça, en parallèle, pour moi, c’était (pause) c’était ridicule, j’avais pas besoin d’aller dans une école pour apprendre ça, je pouvais le faire sur la plage, dans la campagne, je faisais ça, déjà. Donc, c’était pas la peine que, maman elle paye un professeur pour que je fasse ça, je faisais ça à la maison. C’est mon idée que d’enfant, hein, je ne dis pas mon idée d’adulte, mais mon idée d’enfant. Je voulais faire la danse, la vraie danse, pour moi c’était la vraie danse, et maman elle était pas du tout au courant avec la danse, elle était professeure de maths, elle savait rien sur la danse ; donc, euh c’est pour ça qu’elle a eu l’intelligence de me faire choisir de danse et j’ai très vite choisi.

E - D’accord, donc ça c’était vos pensées quand vous étiez enfant et maintenant ?

J - Et maintenant, je pense que (pause) ce genre de danse libre, comme ça, elle disparaît un peu, qu’il y a une vraie danse contemporaine avec une vraie technique, avec des difficultés aussi, avec d’autres sortes de difficultés que la danse classique, avec des « challenges », avec des choses qu’il faut travailler pour réussir des choses et que si même chaque chorégraphe, chaque professeur a une écriture différente et un vrai engagement dans cette recherche corporelle et pas seulement dans les fantaisies. Bon je dis pas que Isadora Duncan a pas apporté des choses et je respecte tout à fait son travail et ce choix de danse libre je l’aurais fait beaucoup ha ! Moi euh , et Isadora elle a choisi ça parce qu’elle a fait la danse classique aussi d’abord et qu’elle a refusé la danse classique pour aller quelque part, et qu’elle a refusé une technique pour trouver quelque chose d’autre. Mais je trouve que la liberté on la trouve aussi dans la technique et dans le travail ; que plus on a de technique plus on est libre, parce qu’on fait vraiment ce qu’on veut avec son corps, quoi, après.

E - Et qu’est ce que serait le corps d’une danseuse ?

J - Qu’est-ce que tu penses que c’est toi, le corps d’une danseuse ? Ouais, mais il n’y a pas de corps d’une danseuse, il n’y a pas des corps indispensable à une danseuse ; il y a un corps pour une danseuse classique qui veut danser « Paquita » et un corps pour une danseuse « béjartienne » et un corps pour une danseuse, ou un danseur ah !, il faut pas oublier les garçons, pour faire « Forsythe » et il y en a même qui sont capables de faire tout ça tellement ils ont un corps façonné, travaillé et tout. Après dans certaines autres danses il n’y a pas un corps, il y a des corps, il y a des esprits (pause) mais c’est pas pour La Danse, c’est pour certaines formes de danses euh, de la même façon euh on peut regarder chez les peuples africains. Tu fais ethnologie ?

E - (signe que non de la tête).

J - Qu’est-ce que tu fais ? sociologie, c’est ça ?, Qu’est-ce que tu fais comme recherche ?

E – Psychologie.

J - Psychologie, moi je parle au niveau ethnologie quand on regarde les peuples africains, chaque peuple africain a une danse différente, et ils ont des corps différents. Ils ont développé leurs danses parce qu’ils ont un corps différent, parce qu’ils appréhendent le mouvement différemment. Et c’est vrai qu’il y a des peuples africains très grands et qui sautent avec des jambes raides et tendues comme ça et il y a des peuples africains plus ronds qui vont avoir une danse plus ronde, les petits pygmées vont avoir une danse très rapide et ça je pense que un corps il a une couleur et il va faire une danse qui correspond à son corps, mais il y a aussi des techniques qui façonnent le corps et qui font des instruments et l’instrument pour moi c’est pas péjoratif, qui font un instrument formé d’âme pour une danse très virtuose ou un instrument très malléable ; en anglais on dit « versatil » pluridisciplinaire qui peut faire plusieurs danses et puis il y en a d’autres au contraire, des chorégraphes ou des formesde danses qui vont être intéressés à des corps tous très différents avec des énergies différentes parce qu’ils recherchent d’autres qualités sur ce qu’ils vont dire avec leur corps.

E - Tout à l’heure vous disiez qu’il y avait une jouissance dans la difficulté, est-ce que vous pouvez me l’expliquer ?

J - Est-ce qu’il y a une jouissance à manger la soupe ? Est-ce que toi tu as une jouissance à manger la soupe ? Moi, oui, j’adore le goût de la soupe. Comment je peux te dire ? Le goût est bon, la texture est très bonne, elle n’est pas assez chaude, dommage, mais j’aime manger de la soupe ; je te parle du goût, je te parle de la texture, je te dis que c’est bon pour la santé aussi en plus, parce qu’il y a les légumes avec (pause). La danse, la virtuosité, comment je peux te définir ça ? Aimer le challenge de sauter plus haut, de tourner plus, de monter les jambes, de courir très vite ; qu’est-ce que c’est que ça ? L’énergie qu’est-ce que c’est, ça a un goût l’énergie, la douceur ça a un goût, ça a une texture comme la soupe, ça a une texture coupée, « tacatastacccato », ça a une texture large, c’est la soupe plus douce des champignons, velouté de champignons, ou avec les grosses carottes, c’est une autre soupe. C’est pareil avec le plaisir d’une énergie différente avec la danse. C’est très dur de définir qu’est ce que ça veut dire que le plaisir de la virtuosité. Si tu comprends le mot plaisir et si tu comprends le mot virtuosité et que tu comprends qu’on peut aimer de faire des choses plus difficiles que ce qu’on arrive à faire d’habitude, tu peux pas être plus pointue pour expliquer, enfin moi je peux pas t’expliquer encore plus pointu ce qu’on peut éprouver à sauter très haut à s’envoler à faire beaucoup pirouettes, à monter sur pointes, je peux juste te dire que j’ai ce plaisir de ce « challenge »-là, mais je peux pas le décortiquer plus.

E - Est-ce que vous pensez qu’il peut y avoir des problèmes spécifiques à la danse ?

J - Oui, c’est dangereux, si on est pas en dehors et qu’on se force l’en-dehors on se fait mal aux hanches, si on n’a pas de cou-de-pied on monte pas bien sur pointes, on ne peut pas bien monter, si on a trop de cou-de-pied… Il y a des problèmes pathologiques à la danse classique, à la danse contemporaine aussi ah ! Il y a des problèmes. Quand tu fais du cheval, ce n’est pas très bon pour les vertèbres, et tu peux tomber de cheval et te faire mal, quand tu fais du ski les genoux ils s’abîment aussi. Je crois que toutes les activités physiques qui demandent un « challenge, » une difficulté à se surpasser, si on les fait dans le but professionnel, si on les fait dans le but d’acquérir encore plus, et d’être pas en compétition avec les autres, mais de faire des progrès, d’être en émulation et de faire des progrès on peut se faire mal. Donc, il y a une façon de travailler, sans se faire trop mal et il y a aussi une honnêteté à dire à des jeunes qui n’auraient pas du tout les capacités physiques pour la danse classique, je dis pas des capacités de beauté de lignes car c’est encore une autre histoire, esthétique, déjà les capacités physiques de pas être ouvertes parce quepour faire la batterie il faut être en dehors, pour faire les cinquièmes il faut être en dehors, pour monter les jambes très haut, il faut être en dehors, donc, s’ils ne peuvent pas faire ça on ne va pas les casser pour réussir à faire ça ; donc, c’est dangereux la danse classique si on force des corps qui ne sont pas faits pour, et euh par contre les amateurs qui n’ont pas les capacités peuvent quand même se faire plaisir avec la danse classique sans forcer.

E - Peut-il y avoir d’autres problèmes comme l’anorexie, la boulimie euh.

J - Euh…Jejjj….On a jamais fait d’enquête moi, personnellement, pour savoir s’il y a plus d’anorexiques chez les danseurs que chez les autres enfants. Il y a des états de minceur qu’on qualifie d’anorexie, mais qui ne sont pas des anorexiques qui sont juste des filles qui ont des lignes un petit peu trop appuyées, on va dire. Mais, euh (pause)

Je pense que dans toutes les choses…..Peut-être que chez les jeunes violonistes, il y a des anorexiques aussi, si ils ne réussissent pas à être bons violonistes s’ils veulent être super violonistes. Il y a cette mauvaise réputation chez la danse classique que les enfants soient anorexiques, enfin que les jeunes danseuses soient anorexiques. Maintenant, il y en a moins chez les danseurs contemporains parce qu’en effet il y a une image du corps qui est pas du tout la même et puis que le « challenge » il est moins forcé quand même. Moi, j’ai eu cette grande chance jamais il y a eu d’anorexiques dans cette école, parce qu’on est pas obsédé avec la ligne par contre on a des enfants un petit peu….., des jeunes filles qui sont un peu trop rondes, il faut qu’elles maigrissent, parce que par rapport à cette esthétique de la danse classique c’est vrai que si on… et puis parce que c’est très difficile de se monter sur pointes quand on pèse soixante kilos alors que quand on pèse cinquante kilos c’est pas trop difficile, voilà ; et que en effet le problème de la ligne c’est un problème esthétique mais c’est aussi inhérent à des difficultés, j’essaye de penser à des sportifs … la danse c’est pas un sport hein, on est bien d’accord, c’est un art, et ça exprime et échange d’autres choses que le sport. Je cherche dans les sportifs de haut niveau, à part les lanceurs de poids, les haltérophiles, les sportifs ils sont minces en général, les rugbymen ils sont baraqués mais les sportifs ils sont minces parce que les muscles sont toniques, il n’y a pas trop de graisse, la graisse est perdue, l’énergie brûle et puis surtout parce que c’est plus facile de courir quand on a des muscles que quand on a trois kilos dans les fesses de graisse (pause) c’est plus facile. C’est d’autres qualités hein, par contre si on fait une danse libre, un peu dans le poids, dans […] c’est pas grave d’être plus rond, par contre le jour où les ronds doivent être très rapides et courir et être très dans l’énergie, ils se fatiguent très vite, c’est plus fatigant, donc je pense qu’il y a une relation avec ça aussi, avec l’esthétique et la possibilité de, pour fermer les cinquièmes si on a des cuisses c’est vachement difficile pour faire les entrechats quatre aussi. Si on est plus mince ça c’est facile, si on est trop maigre, c’est pas beau, c’est pas beau et les gens se fatiguent très vite, quoi, c’est toujours une question d’équilibre à garder quoi, entre être mince, être élancée, avoir des beaux muscles bien formés, je dis beau dans cette esthétique là ; il y a des femmes rondes qui sont très belles, je me mets toujours dans cette esthétique là, hein. Mais euh…

E - Quelle serait l’esthétique en danse classique ?

J - En danse classique ? L’Esthétique ? Alors, euh…. L’esthétique de la danse classique ou mon esthétique à moi ?

E - Eh bien, votre esthétique.

J - Des jambes longues, une proportion du corps où les jambes sont longues et non pas les jambes courtes et un grand buste ; une taille marquée, pas des hanches trop larges, des bras longs et déliés, plutôt du cou, pas les épaules dans les oreilles ; ça a à voir avec le costume aussi, vous pensez un tutu, si on a les épaules dans les oreilles, le diadème, euh on est plus dans l’esthétique ; le pied un petit peu en cou-de-pied et des formes, des formes, mais légères, un peu de poitrine, pas trop plat, des fesses musclées et rebondies mais pas un gros « popo » comme on dit, en russe, c’est les russes qui disent le « popo » et les français ils ont dit ça après. Je connais des danseuses trapues qui n’ont pas de cou, qui n’ont pas les bras très longs, mais qui sont des danseuses géniales, mais elles ont des qualités vraiment spécifiques, extraordinaires de technique ; quand je dis le mot « technique » c’est pas tellement la virtuosité, c’est aussi la « niaque » la façon dont on rentre (pause). Par exemple je pense à une danseuse chez Forsythe qui est magnifique, je sais plus son nom, chez….oui à Forsythe , elle est petite, elle a pas des grandes jambes, elle a un petit cou, elle est ronde mais elle a développé une telle énergie, elle est comme un petit feu follet qui traverse l’espace, dans les énergies de Forsythe elle est magnifique, c’est une grande danseuse, par contre avec un tutu, elle serait ridicule. Et pour moi Forsythe sauf dans ses dernières pièces c’est un danseur qui utilise la danse classique, il a des pointes aux pieds, il fait des tours, on voit les pièces comme « in the middle » ou « step, step » etc… c’est des pièces où il faut une excellente maîtrise de la virtuosité classique et il y a des mouvements il y a des bougers vraiment très bien comme un danseur qui est capable de faire plusieurs sortes de danses. Tu as vu Forsythe déjà ?

E - Est-ce que vous pensez que, aussi pour entrer dans une compagnie, il faut avoir une certaine esthétique ou…. ?

J - Alors, une audition, pour entrer dans une compagnie, je reste dans l’idée de compagnie classique, hein, je parle pas de la danse contemporaine. Quand il y a quatre cents danseuses qui viennent, je pense qu’il faut avoir un œil critique parce que le chorégraphe il voit six cours dans la journée, il regarde six classes avec cinquante danseuses dans chaque classe et automatiquement son regard va se porter vers une fille qui a des longues jambes, qui est belle dans cette esthétique que j’ai décrite et que pour percevoir que quelqu’un va être génial, danser très très bien malgré un physique disgracieux, disgracieux dans cette, je crois, qu’il faut un saint comme chorégraphe, comme directeur de compagnie, qui aurait la patience de voir tout le monde, jusqu’au bout de sa prestation mais les chorégraphes ils savent ce qu’ils veulent comme corps, Forsythe il sait qu’il veut des corps différents, Béjart il, Monsieur Cohen à Genève il sait qu’il veut plutôt des grandes filles qui ont vingt deux, vingt trois ans, une femme un petit peu plus mûre mais qui a des grandes jambes qui a beaucoup de technique, ils savent hein ce qu’ils cherchent. Un chorégraphe c’est comme un cinéaste qui fait un casting, il sait quel rôle il a besoin, si c’est un prince ou un bandit ou un, donc, il va chercher des gens qui vont correspondre à l’idée que lui il a qu’il cherche et il va éliminer tous ceux qui sont pas dans son ….. C’est peut-être pas … c’est terrible hein, peut-être c’est pas humain, mais c’est la loi, c’est la loi du marché, c’est la loi de (pause). C’est pour ça que c’est dur quand on est professeur et qu’on voit des gosses qui ont des potentiels, qui ont des qualités mais qui n’ont pas le physique allongé on les pousse pour qu’en effet, enfin on les pousse gentiment, on leur explique, que s’ils veulent être danseurs classiques il faut qu’ils soient tellement incroyables que même ce physique qui n’est pas dans les canons va intéresser quelqu’un ou alors qu’ils soient très ouverts sur d’autres formes de danses où ils pourront. Parce que leurs qualités physiques sont pas celles du classique mais peuvent être celles d’autres danses, ils pourront s’orienter vers une autre forme de danse X ou Y.

E - Comment avez-vous commencé comme professeur ?

J - Quand j’ai arrêté de danser, je voulais pas du tout enseigner ça ne m’intéressait pas je voulais rester dans la création et euh… j’ai été décoratrice pour le théâtre et pour la danse donc faire les costumes, les maquettes de costumes et sur les décors, travailler avec des ateliers ; j’ai travaillé quatre ans comme ça pour des compagnies à Stuttgart, à Monte-Carlo, des compagnies de théâtre, etc.… Et puis je euh j’ai travaillé avec une compagnie de théâtre qui avait un jeu théâtral très physique, vous savez se jeter par terre, monter, faire des portés, tomber, etc., ils se faisaient mal parce qu’ils n’avaient pas d’entraînement. Je leur ai proposé de leur faire un entraînement tous les matins avec des non-danseurs. Pendant un an j’ai travaillé avec eux, j’ai développé un travail pour des gens adultes non-danseurs, et ils étaient ravis, ça a bien marché et ça m’a intéressée d’enseigner, à cause d’eux et par hasard on m’a demandé d’enseigner avec (quelqu’un rentre et elle dit plus fort : c’est pas moi)pour une petite école, de donner un coup de main à une amie où j’ai enseigné pour la dépanner. C’était une époque où il n’y avait pas encore de diplôme obligatoire. Ces deux rencontres m’ont donné, m’ont dit o.k., j’ai envie d’enseigner maintenant ; ça fait six ans que j’ai quitté Béjart, quatre ans que j’ai quitté la danse, c’est le moment, j’étais mûre et j’avais envie et je pense qu’enseigner quand on n’a pas envie ça ne doit pas être le deuxième métier après la danse, directement, sauf si on a déjà envie mais, des danseurs qui arrêtent de danser qui enseignent tout de suite parce qu’il faut gagner l’argent, au début c’est dur parce qu’ils ont pas l’énergie, le désir vraiment.

E - Vous avez dansé combien de temps ?

J - Professionnelle ? Vingt ans (pause), vingt ans (pause), mais là j’ai encore fait des spectacles, participé des fois à des spectacles mais dans des trucs, dans des groupes de théâtre où il y a avait une danseuse ou des choses comme ça ou un opéra mais je le compte pas, c’est vraiment (pause) un petit peu comme ça (pause).

Maintenant plus, mais il y a encore quatre, cinq ans j’avais encore (pause). Ça fait douze ans que j’enseigne à peu près, treize ans et, bon de temps en temps j’ai participé à des spectacles, des choses, j’ai fait des chorégraphies, ou des choses en dehors de l’enseignement, pour rester dans un état créatif.

E - Qu’est- ce que c’est pour vous être professeur ?

J - (Pause) Ce n’est pas transmettre ma passion de la danse, parce que ils l’ont déjà, s’ils sont là c’est qu’ils l’ont, je ne veux pas leur transmettre ma passion, je veux que eux ils transmettent leur passion au groupe, au prof, au public, etc. Moi c’est les guider leur apprendre les choses, enseigner c’est donner de la matière et leur matière, ils l’ont choisie, c’est eux qui ont choisi la danse classique, moi je suis là pour leur donner de la matière pour la danse classique. Si j’étais institutrice je ferais le dessin, le français, apprendre à lire, le calcul, etc., la matière. C’est pas pour transmettre ma passion, ma passion elle est à moi, je l’ai transmise au public. Parce qu’on dit toujours ça : « oh oui, je veux être professeur parce que j’adore la danse ». Je peux être public pour adorer la danse, moi c’est pas, la danse je la danse mais c’est pas ça que je veux leur donner, c’est j’adore enseigner, j’adore faire grandir, inventer comment ils vont réussir, leur donner des outils pour après ne plus avoir besoin de moi puisque c’est des professionnels, hein, avec des amateurs c’est un petit peu différent mais, avec des futurs professionnels c’est ça, leur donner un bagage pour qu’ils puissent faire ce qu’ils ont envie de faire, cette danse-là.

E - Est-ce que d’une certaine façon vous sculptez le corps des danseuses ?

J - J’essaye mais je n’arrive pas toujours un violo (elle s’étrangle) un violoniste quand il veut faire du violon il va acheter un violon et il travaille son corps mais il va acheter son violon, nous, quand on veut être danseur on va dans un studio et on fabrique son violon, on le fabrique, on fabrique les muscles, on fabrique la rapidité, on fabrique la légèreté, on fabrique le s…, le geste, tout, donc on sculpte, on essaye on aide, on donne des conseils, ça marche pas toujours, ça marche pas parce que (pause) des fois c’est (pause) des corps on peut travailler sur le muscle, on peut travailler sur la graisse, mais on peut pas travailler sur l’os, on peut pas toucher à l’os, il y a des profs de gymnastique des fois ils touchent aux os, on casse un peu le dos, la colonne vertébrale pour cambrer, moi ça me crrrrr.. c’est horrible ça, moi je peux pas toucher d’os et eux ne doivent pas y toucher c’est le muscle qu’on va faire travailler qui va faire que les os vont se mettre dans un certain alignement pour réussir des choses, et ce que je veux pas, je veux pas non plus sculpter leur tête, je veux leur ouvrir la capacité d’avoir des critiques pour des choses et aussi d’accepter des choses d’être….il y a des lois, on peut être critique avec les lois mais si on est dans une certaine danse, dans une certaine école, on doit accepter les lois de cette école, les lois de cette danse, on peut les critiquer. On peut dire : « oui mais non la cinquième ça m’intéresse pas en définitive » mais si on est pas intéressé par la cinquième il faut changer de danse. Tu vois je te fais un exemple avec ça. Bon moi ça j’ai envie de leur montrer qu’on peut être critique de quelque chose mais l’accepter quand même, parce que j’ai choisi ça, je suis pas d’accord avec ça, mais je l’accepte et je le fais quand même. Donc, cet esprit de critique, de jugement et en même temps, pour moi le plus intéressant c’est quand ils sont autonomes, quand ils sont capables de se corriger tout seuls, de comprendre tout seuls ce qu’on veut, où est-ce qu’on veut aller, etc.…(pause). Donc, ce que fait peut-être l’esprit mais pas ce qu’ils vont offrir […] mais il faut qu’ils acceptent qu’il y ait une discipline quand même, sinon on ne fait pas la danse classique, […..] ou on fait de….Si on fait de la voile, si on fait du bateau « barcavella » si tu acceptes pas le vent et les vagues c’est pas la peine de faire la voile, tu fais euh…des châteaux de sable, tu vois ce que je veux dire, et ça c’est important et que ça empêche pas d’avoir un esprit critique mais il faut accepter certaines règles mais sinon tu peux pas être dedans et pas vraiment dedans.

E - Et vous pensez qu’il existerait une certaine souffrance ?

J - Non, ce n’est pas de la souffrance. C’est de la souffrance quand c’est moral. C’est de la souffrance quand la douleur n’est pas reconnue mais si t’as mal au pied parce que tu t’es fait une entorse t’as mal au pied parce que tu t’es fait une entorse mais c’est pas de la souffrance, par contre si tu as mal au pied parce que tu t’es fait une entorse et que ton professeur dit « monte sur pointes, monte sur pointes » là c’est de la souffrance, tu vois la nuance que je fais, c’est de la souffrance quand il y a un déni de la douleur du professeur par rapport à l’élève, de la douleur, c’est dommage, c’est terrible, ça me fait de la peine, ça fait de la peine à l’élève, ça me fait de la peine parce qu’elle va pas faire les progrès parce qu’elle a mal et qu’elle peut pas continuer, ça me fait de la peine parce ce qu’elle est triste de pas continuer, mais c’est pas de la souffrance morale puisque je suis avec elle pour lui dire « je sais que tu as mal, mets pas les pointes aujourd’hui ! » Maissi tu as pas vraiment mal et que tu me dis « je mets pas les pointes parce que…. » je dis non, non là c’est….je sais que tu peux mettre les pointes, il faut une complicité aussi, mais la souffrance c’est quand il y a du déni de douleur, je trouve.

E - Donc, quand elles ont une entorse ou un malheur quelconque dans le corps, vous les laissez arrêter ou ?

J - Je les oblige à arrêter pour se soigner, parce que je sais qu’elles vont avoir ce problème toute leur vie de danseuse et après la danse, alors moi, je suis attentive aux problèmes, aux douleurs, aux pathologies etc., mais je suis aussi attentive quand on est un peu « feignant » et qu’on dit « je mets pas les pointes j’ai un peu une ampoule » je dis une ampoule ça c’est pas grave tu auras enlevé l’ampoule, il faut, tu mets du sparadrap et tu danses par contre si on a… « j’ai une courbature très forte ici j’ai mal » je dis bon tu fais la barre très simple tu montes pas les jambes, je dis pas non, vas-y travaille parce que là ça devient de la souffrance (pause). C’est terrible parce que moi on me dit toujours « ouais, la danse classique c’est de la souffrance, c’est de la souffrance, quand ils se font une entorse ça doit…. » mais tous les gosses qui font du patin à roulette, ils mettent un casque, parce que au début, ils ont eu des…. Ils ont mal aux genoux, ils ont mal au dos ; personne ne dit : c’est de la souffrance de faire du skate-board dans la rue, personne vient me dire ça ; on a mis une espèce d’image sur la danse classique, c’est une vieille image ; il y a de la discipline, faut être endurant, faut accepter des fois que ça tire un peu mais quand on a mal et on a mal, on fait attention et il faut être prudent. Tu vois la différence que je fais ? En danse contemporaine aussi on a mal des fois ; tu sais pieds nus, quand tu tournes pieds nus, tu arraches ici hein et personne me dit « ah, la danse contemporaine y a la souffrance » personne me dit ça, mais y en a aussi, moi je me souviens j’ai fait beaucoup de danse contemporaine, quand tu te brûles là c’est terrible, ça fait vraiment mal, mais c’est pas de la souffrance.

E - Voulez-vous ajouter quelque chose ?

J - Par rapport à mon rôle de professeur ou de danseuse ?

E - oui

J - Euh…moi je peux ajouter que c’est un super métier vraiment magique, magnifique, que c’est aussi, toi tu peux comprendre ça, que gagner sa vie avec une chose qu’on aime vraiment, qui nous intéresse au-delà, qui nous passionne, qui fait même que on s’en fout de pas avoir d’enfant, ou de pas avoir une vie familiale bien carrée parce que ça remplit tellement ta vie, c’est tellement génial d’être interprète ; être interprète c’est, c’est de la gen…tu…tu…quelqu’un t’a donné quelque chose, tu dois le donner au public, tu vois c’est super et tu changes de personnage, et tu as toute cette excitation du rôle ou du corps de ballet, tu te sens fort quand tu as un corps de ballet, tout ce plaisir d’être danseur, puisque c’est un vrai vrai plaisir, même si des fois tu es crevée et que tu as le décalage horaire et que t’en peux plus des fois tu es déçue parce que tu voulais un rôle et c’est l’autre qui l’a dansé t’es un peu triste, mais bon … tu… s’il y a une bonne ambiance dans le groupe, tu dis ok, elle danse bien, elle est super, y a pas de problème, mais de vivre de sa passion c’est génial. Et moi, c’est ce que je leur dis beaucoup ; je pensais à des jeunes là qui font une école de secrétariat parce ce qu’elles savent pas quoi faire d’autre, alors on peut se faire plaisir à être secrétaire dans une entreprise géniale ou secrétaire dans une entreprise où on fabrique des choses formidables tout le monde participe, bon tu peux aussi t’emmerder dans un bureau ou à la Sécurité Sociale, ou… n’oubliez pas que vous avez choisi quelque chose qui est difficile mais qui est quelque chose que vous aimez et que vous avez vraiment choisi. Je trouve que c’est la plus belle chose qu’on peut faire dans la vie autre que …une belle… un bon foyer, des enfants, toute cette harmonie qu’on peut trouver de créer aussi quelque chose dans sa famille, mais. D’avoir ce grand plaisir comme artiste, comme interprète, ou même comme businessman, hein, ou comme dentiste ou comme jardinier, ce grand plaisir de faire quelque chose qu’on a vraiment choisi, qu’on ne fait pas par raison économique, qu’on fait pour le bonheur, alors c’est bien, ça porte, si tu regardes les vieux danseurs, à part quelques-uns qui sont aigris, qui boivent pour oublier quand ils étaient beaux sur scène, parce qu’ils n’ont pas accepté de vieillir, tu regardes les danseurs c’est des gens épanouis, en général, les vieux danseurs. Quand tu te promènes, tu vois Anne Martin, elle est super, Dédé il est super, on voit des gens, même si c’est (pause), qui sont épanouis, je trouve, ils ont plein de choses en eux, ils ont vécu de belles choses, et maintenant ils ont envie d’aider les jeunes à trouver leur chemin, aussi maintenant (pause) c’est vrai qu’il y a des vieux danseurs aigris, mais c’est parce qu’ils ont pas bien fait la différence entre : quand j’étais danseur, quand je suis plus danseur et qu’ils sont encore sur leurs rêves. Il faut accepter aussi qu’il y ait un moment où ça bascule qu’il y ait autre chose qui se fait, accepter d’être peut-être moins porté par sa passion mais de trouver un intérêt aussi dans autre chose.

E – Merci

Notes
.

PETIT LAROUSSE. « FORSYTHE » : chorégraphe américain (…). Parfois provocateur, il se fonde sur le langage de la danse classique pour explorer les limites du mouvement du corps.