La transformation des émigrations temporaires et répétées des travailleurs algériens masculins en immigration de peuplement correspond à un tournant historique. Le mouvement mis en branle par les émigrations de la première moitié du siècle s'est précipité après la seconde guerre mondiale. D'une part, il est directement lié à la pénétration brutale de l'argent dans des communautés paysannes restées jusque là à l'écart de l'économie monétaire, brutalité inhérente au choc entre économie précapitaliste et économie capitaliste dans le contexte de l'Algérie colonisée. D'autre part, il se trouvait que les travailleurs algériens ont constitué pendant deux décennies une main d'œuvre déqualifiée bien adaptée aux intérêts des entreprises industrielles françaises. Conjoncturellement. Le passage de l'émigration à l'immigration n'a donc pas été concerté, il s'est fait en dépit des vœux d'une grande partie des émigrés et en dépit de la volonté politique du pays d'accueil.
Les parents des vingt et une enquêtées d'origine algérienne (n=19) 36 sont tous nés en Algérie, les pères entre 1919 et 1942, les mères entre 1929 et 1947. Les émigrations qui ont eu lieu entre 1947 et 1960, donc pendant la colonisation (n=12) étaient des émigrations d'hommes seuls, celles qui ont suivi immédiatement l'accès de l'Algérie à la souveraineté nationale, entre 1962 et 1969 (n=7) étaient plus diversifiées.
Au début des années 1990, deux couples étaient repartis en Algérie à l'initiative du père avec les enfants les plus jeunes, deux hommes étaient repartis seuls après leur divorce, l'un était mort. Les autres couples et les mères divorcées étaient toujours établis dans la région lyonnaise.
19 parents pour 21 enquêtées : dans deux cas, on a interviewé deux sœurs.