3.1.2. reconnaissance et auto-contrainte

Pour analyser la différenciation des pratiques des conditions de Temps1 «équilibrages archéomodernes» à celles de Temps1 «société salariale» on s'appuiera comme précédemment sur la variable accompagnement maternel à l'école.

Si l'on jette d'abord un rapide regard rétrospectif sur les transformations historiques dans le pays d'accueil, on note la diffusion auprès des parents, dès les années 1930, d'une propagande militante en faveur de la socialisation scolaire 189 . Dans la période de l'après-guerre émerge l'idéal de la «famille heureuse», capable d'éviter tous les dysfonctionnements grâce à la consommation des savoirs dérivés de la psychanalyse, sous la tutelle de conseillers conjugaux de tout poil. Les femmes se voient invitées, notamment par l'intermédiaire des magazines, à favoriser par leur conduite la bonne adaptation scolaire des enfants. Le B.A.BA, pour une mère n'ayant pas d'emploi rémunéré, est d'accompagner chaque jour les enfants à l'école maternelle ou élémentaire et de se trouver postée à l'heure de la sortie devant la porte de l'école. Les pratiques dans la sous-population mettent en évidence que l'accompagnement maternel prend une valeur différentielle selon qu'il s'inscrit dans la logique de cette consigne ou dans celles des familles «autocéphales» d'«équilibrages archéomodernes».

Notes
189.

J. Donzelot décrit ainsi le contexte des années trente dans lequel a été fondée l'Ecole des parents : "Il se caractérise d'abord par une hégémonie déclarée de l'école sur toutes les autres formes de socialisation. Le missionariat laïc est à son apogée. Inculcation des contenus culturels «républicains» aux enfants des couches populaires, mais aussi colonisation des familles par le biais de la diffusion des normes d'hygiène publique et privée : conférences faites par les instituteurs aux parents ou bien perfusion dans les familles par l'intermédiaire des enfants. Les lycées et collèges voient gonfler leurs effectifs et perdent progressivement leur isolement élitiste. (...) En 1927, instauration de la gratuité dans les classes de sixième où l'on peut entrer par le certificat d'études primaires, qui devient la préfiguration du futur examen d'entrée en sixième. De 1928 à 1929, cette gratuité entraîne un «déferlement des hordes scolaires», pour parler comme les associations de parents d'élèves de l'époque. D'une rentrée à l'autre, les effectifs doublent. Manifestation évidente des dirigeants de l'appareil scolaire d'établir l'école unique.", J. Donzelot, La police des familles, Ed. de Minuit, Paris, 1977, pp. 182 sqq.