«équilibrages archéomodernes»

Dans le premier sous-ensemble (n=7), il y a des chances que les pratiques et les représentations soient en adéquation avec la logique de la famille-communauté indivise. La propension des parents à souder l'avenir des enfants au leur ou au contraire à l'en dissocier peut servir de critère indiquant s'ils continuent de s'y référer ou s'ils se sont convertis de facto à la famille conjugale autonomisée, donc à la logique de la société salariale.

On constate que certaines familles configurent les succès scolaires des enfants filles et garçons en support de légitimité sociale (n=5) , d'autres non (n=2). On étudiera le sens des études à partir de cette ligne de clivage. Les représentations de la première sous-population sont elles-mêmes structurées par un clivage de niveau inférieur, qui partage les familles rurales en deux, laissant en dehors la famille urbaine (Leïla). Dans les unes, études, réputation et réussite professionnelle forment un tout (Nora, Malika), dans les autres, un rapport de moyen à fin est établi entre études et réussite professionnelle (Assia, Isabelle).

La mère de Nora (organisation «acéphale») et le père de Malika (organisation «autocéphale») nouent en un bloc indivisible les succès scolaires des enfants et la réussite sociale de la famille, scotomisant les médiations institutionnelles. Au présent, temporalité dont la consistance sensible coagule le passé et le futur, la bonne figure que font les enfants à l'école prend valeur de légitimation de la famille dans l'espace public. La mère de Nora habille ses quatre aînés à la mode pour qu'ils ne soient pas minorés par rapport aux enfants qu'ils côtoient, et elle encourage ses filles à "s'imposer" à autrui. Le père de Malika magnifie la personne de ses enfants de façon beaucoup plus systématique comme si, à travers eux, il affirmait publiquement son pouvoir 236 . Non seulement il les veut toujours bien vêtus mais il leur fait jouer le premier rôle dans des fêtes ritualisées. Au début de chaque mois, il pose sur la table un monceau de friandises et de sirops multicolores et s'efface : "Servez-vous!". Avant chaque rentrée scolaire, il équipe de neuf toute la fratrie 237 . A posteriori, Malika s'étonne de cette munificence sans en saisir la valeur politique.

‘— "Mon père était très très très exigeant vis-à-vis de ça il fallait qu'on soit impeccables, très propres bien coiffés bien habillés, et ça je m'en rappelle beaucoup c'est marrant, et puis en plus c'est vrai j'ai retrouvé des photos en plus, et on était nickel quoi, d'ailleurs je me demande comment faisait ma mère avec tant de gosses. Enfin elle passait sa vie à faire ça quoi, elle se levait avant nous elle se couchait après nous, c'est vrai en plus je me rappelle, mais enfants bon on se rendait pas compte quoi du mal qu'elle se donnait en fait... mais mon père était très très exigeant." (Malika)’ ‘— "Vous vous rendez compte on était quand même pas mal d'enfants, tous les ans à la rentrée des classes mon père nous emmenait à Carrefour pour tout nous racheter, et on était un cas dans le quartier, on était vraiment un cas, et surtout par rapport aux Algériens mais même par rapport aux Français, parce que bon c'étaient tous des ouvriers ou des petits employés de bureau, qui étaient comme nous en fait. Mon père était un cas, on était les seuls à avoir des cartables tout neufs toutes les rentrées des classes." (Malika)’

Tout en donnant aux enfants les moyens de se faire valoir au présent, la mère de Nora gère avec prévoyance les intérêts familiaux — comme il revient aux femmes de le faire. Anticipant le moment du retour collectif en Algérie, elle délègue au fils aîné la responsabilité de diriger quotidiennement la séance nocturne de devoirs, afin que les enfants ne rentrent pas "la tête vide", qu'ils aient en mains des diplômes, à commencer par des bacs. Elle configure ces titres scolaires en instruments de la reconnaissance professionnelle à venir. Le père de Malika prend une posture voisine quand il incite ses fils à bien travailler à l'école pour ne pas devenir cantonnier ou balayeur. Mais il prolongerait volontiers indéfiniment les études de sa fille aînée, s'installant dans la dépense «démonstrative», pour reprendre le qualificatif de Bourdieu. Il montrerait ainsi publiquement qu'il a le pouvoir de payer pour elle de longues études, qu'il ne cherche nullement à la marier au plus vite. On comparera les deux énoncés.

‘— "Mes parents c'est vrai que... bon ils ont toujours toléré qu'on travaille hein, donc pour eux c'était aussi une reconnaissance une valorisation, pas simplement bon de rapporter de l'argent et d'avoir un salaire, mais c'était aussi raconter au pays et raconter dans le quartier que bon “Ma fille est infirmière” ou “Ma fille a fait des études”, “Ma fille n'est pas à l'usine ou femme de ménage” quoi, comme la plupart des femmes immigrées." (Nora)’ ‘— "Mon père il est spécial phou, mon père en fait si ça c'était bien passé moi j'aurais fait des études... il aurait payé mes études jusqu'à trente ans, pourtant je suis une fille." (Malika)’

Bref, dans ces deux famille rurales, le sens des études est prédéfini et une injonction contradictoire se cache dans l'incitation à réussir à l'école. Dans un même mouvement, les parents mettent l'écolière sur le devant de la scène et l'attachent à la place de «représentant». Encouragée à l'individuation, elle en est en même temps empêchée par la logique d'un univers social qui met en compétition des groupes familiaux indivis et non des personnes. Dans les autres familles rurales de la sous-population, celles d'Assia et d'Isabelle-Inès, l'une d'origine algérienne et l'autre d'origine espagnole, le cosmos de sens s'est divisé. Tout en se conduisant à la maison en chefs de famille «autocéphale», les pères sont conscients d'être socialement des ouvriers salariés. Leur conduite laisse transparaître des traces du cosmos de sens en phase avec le primat de la réputation comme support de légitimité, manifestations de joie lors de la réussite aux examens ou contrôle exercé sur le choix des vêtements, mais leur discours met l'accent sur la valeur instrumentale des titres scolaires. L'école peut faire accéder les enfants à un métier meilleur que celui du père. Là est son intérêt. La posture des deux hommes est identique, leur monde de références ne l'est pas. Le père espagnol souhaite que ses filles franchissent une frontière spatiale dans la division hiérarchico-spatiale de l'entreprise, qu'elles travaillent dans les bureaux et non à l'atelier ou en usine. Le père algérien, qui ne connaît que la division métiers du commun vs métiers de l'élite imagine déjà ses enfants en avocats ou en médecins 238 .

‘— "Oh ben son truc son argument principal c'était “je veux pas que mes enfants soient une mule comme moi une bête à travailler comme moi”, ma mère je te dis elle était assez passive .." (Inès)’ ‘— "Mon père nous expliquait qu'il n'était que chauffeur de camion, que ce qu'il voulait pour ses enfants c'est qu'ils soient ingénieurs médecins qu'ils fassent des études pour ça, au niveau matériel d'école on manquait de rien, tout ce qui concernait l'école c'était... c'était la grande priorité c'était pour l'avenir, et puis il nous disait “C'est pour vous c'est pas pour moi là c'est pour construire votre avenir.” (Assia)’

Dans la famille urbaine, l'existence individuelle des enfants est également dissociée de celle des parents. Mais la transformation est beaucoup plus complexe. Les deux parents ne parlent pas d'une seule voix. Ils valorisent l'école, mais à partir de points de vue et d'ethos différents. Aux yeux du père de Leïla, faire faire des études aux enfants est un impératif social; aux yeux de la mère, elle-même retirée brutalement de l'école à la puberté, c'est leur donner le moyen de s'accomplir personnellement dans une profession et d'être économiquement indépendants quand ils seront adultes. Le premier contrôle les devoirs en essayant de former les écolier(e)s à la rigueur des apprentissages scolaires — énoncés précis et temps compté —, la seconde leur communique, au moins en partie, sa soif de savoir.

‘— "Elle nous dit toujours : “Si moi j'avais... ” quand on réussissait pas dans les études, “si moi j'avais su [si j'avais été instruite] moi j'aurais été avocat moi” . Mais bon c'est vrai que... je trouve que bon heureusement qu'elle avait cette soif d'apprendre on a essayé de pas la décevoir en fait." (Leïla)’ ‘— "Ma mère par exemple elle veut des choses et tout mais la vaisselle n'est pas débarrassée elle te dit : “Bon ça va repose-toi tu la feras après”, mon père non c'est le genre : “T'as fini tu te dépêches” tu vois. Au niveau scolarité c'est un type quand même qui... moi je me rappelle quand j'étais petite mon frère et ma sœur eh ben tous les soirs c'est lui qui nous faisait faire les devoirs hein et puis il y avait pas de “J'ai mal à la tête” ou de trucs comme ça c'était : “On travaille on travaille”. Et s'il y avait du rouge le Vu par exemple les professeurs mettaient Vu il disait " Pourquoi elle t'as mis Vu, elle t'as pas mis Très Bien. Bon mais je le remercie pour ça, je lui donne toute ma reconnaissance d'avoir suivi... bon d'avoir mis des claques des fois parce que c'était mal fait, d'avoir déchiré des feuilles." (Leïla)’

Bref, selon l'origine rurale ou urbaine des familles, l'éclatement du bloc d'existence indivis de naguère se fait de façon différentielle. Dans le premier milieu, il est corrélé à une pluralité de clivages binaires. Les enfants sont distingués des parents et les moyens des fins. Le présent cesse de contenir l'avenir, qui devient un futur modelé par la scolarité accomplie individuellement : l'ancienne posture de prévoyance féminine, corrélée à la gestion prudente des réserves de nourriture, se redéfinit potentiellement en stratégie à mettre en œuvre. Dans le second milieu, la valeur de l'école est plurielle, elle intègre potentiellement des contradictions : les parents, individués l'un et l'autre, l'évaluent à partir de points de vue hétérogènes, le père se référant à l'intérêt du groupe familial, la mère définissant ce qui est bon pour ses filles à partir de sa propre expérience d'individu.

Dans les deux dernières familles, rurales, le désintérêt du père à l'égard de l'école est total. Celui du père algérien d'Amel et Nacera s'inscrit dans l'indifférence qu'il montre à l'égard d'une de ses descendances. Celui du père italien de Gabrielle et des mères dans leur ensemble s'ancre dans les conditionnements qui portent à figer l'ordre social en place en ordre des choses intangible.

‘— "[Le père et la mère] ils nous ont donné la même éducation sur... faut travailler dans la vie faut travailler ça vient pas tout seul faut être honnête; il faut pas... oui ne jamais se mettre en avant, et puis t'as toujours des meilleurs que toi... enfin c'est pas de rester humble... mais si si dans ces villages c'est un peu comme ça en tout cas dans les deux familles hein, bien rester à sa place, et puis t'as toujours des gens qui sont plus intelligents donc c'est eux qu'il faut écouter." (Gabrielle)’

Le discours résigné des parents de Gabrielle fait ressortir l'énergie déployée par les autres pères et par la mère de Nora. A travers les longues études de leurs enfants, les migrants voient l'avenir miroiter devant eux.

La variation des pratiques vestimentaires rend patents les découpages des espaces-temps de la vie empirique, qui matérialisent des variations entre les univers de sens. Dans les familles «autocéphales» spécifiées par l'origine algérienne, le découpage de l'espace est défini par le père; il concorde à la fois avec la dualité de l'espace masculin (espace public et espace domestique) et avec les structurations de la «société salariale». Un espace public aux limites indéfinies intégrant l'école s'oppose à l'espace privé du domicile et de ses dépendances. Dans les familles de Malika, d'Assia, de Leïla, les écolières portent des vêtements au goût du jour, généralement achetés par les pères et ne se changent pas pour jouer aux abords du logement. En fin de journée, en revanche, on a vu que le père de Malika est accueilli par la mère préparant le repas, tandis que les enfants lavés, en pyjama et en pantoufles, font leurs devoirs autour de la table. Et dans la famille urbanisée de Leïla, on fête l'Aïd en famille. La cellule conjugale s'autonomise par rapport à la communauté de voisinage.

Dans les autres familles, ce sont les mères qui habillent les enfants. Les pratiques varient selon l'origine. Seule la mère d'origine algérienne de Nora dissocie l'école de l'espace du quartier, sur le modèle de l'opposition «espace public vs espace domestique». L'espace public, c'est-à-dire le monde étranger, commence au-delà de l'espace de voisinage circonscrit par les limites de la cité de transit, le «quartier». Dans le quartier, analogon d'un village algérien bien que les familles soient d'origines diverses, le temps est scandé par l'opposition quotidien vs fête. Les jours ordinaires, les petites filles se déplacent dans son enceinte habillées indifféremment de vieux vêtements, de robes arabes ou de tabliers; le jour de l'Aïd, parées de vêtements "traditionnels", robes neuves ornées de perles, cousues par les mères ou par des couturières, elles vont apporter des assiettes de gâteaux aux familles voisines. L'école est un espace de représentation, le quartier, soudé en communauté unie les jours de fête, est l'espace affectivement investi.

‘— "Ma mère était très disponible et je pense qu'elle voulait aussi que ses enfants eh bien ils soient européens je crois, qu'ils soient bien habillés comme les enfants qu'ils côtoient à l'école. Quand il y a eu la mode des pantalons pour les filles, parce que ce n'est pas venu tout de suite, on avait des pantalons, bon les robes on avait les robes qui étaient à la mode à l'époque, je me souviens de la mode des panties , eh bien on a eu les premiers panties sur le quartier." (Nora)’ ‘— " La fête de l'Aïd oui je sais qu'on a toujours apprécié ce moment-là parce que... bon on mettait nos plus beaux vêtements ma mère faisait des gâteaux les voisins faisaient des gâteaux, et en fait c'était l'occasion de... d'une fête commune quoi d'une unité au niveau de la communauté , bon c'est vrai que dans le quartier on n'était pas que des Arabes , mais même au niveau des Français des Portugais des gens qui étaient là ben c'était la fête parce que ils savaient qu'on allait leur apporter du couscous des gâteaux; nous voir habillés comme ça et bien c'était... ça donnait une gaîté au quartier." (Nora)’

La mère d'origine espagnole s'appuie sur une tripartition des espaces-temps pour habiller ses enfants aux moindre frais mais avec une sobre élégance qui sera remarquée — vêtements simples de semaine pour l'école, vieilleries pour le logement et ses abords, jolis vêtements pour le dimanche —, tandis que la mère d'origine italienne configure globalement la tenue vestimentaire de ses filles en support de sa réputation dans le groupe d'immeubles de la cité. Jours de semaine et dimanches, elle se met en compétition avec les autres mères, sans doute imaginairement : en rentrant de l'école, bien loin d'enfiler de vieux habits pour descendre jouer, Gabrielle ôte son tablier.

‘— "J'étais habillée toujours très proprement avec des affaires très simples, j'avais souvent des jupes plissées je me souviens bleu marine très strictes et puis des petits chemisiers, je mettais jamais de pantalon mon père voulait pas ... Euh on se changeait on avait des vieilles affaires qu'on mettait pour traîner, s'amuser, il était pas question d'aller s'amuser avec la jupe plissée hein. On avait les affaires du dimanche aussi, alors quand ma mère voyait que ça commençait à devenir un peu juste on finissait ça, on mettait ça pour aller à l'école la semaine. (...) . Le dimanche on était toujours très coquets, des petites socquettes blanches petites brides autour des chevilles, mes frères des culottes courtes bleu marine." (Isabelle)’ ‘- "Ma mère me dit toujours qu'elle.... par exemple elle donnait nos vêtements mais on n'a jamais porté des vieilles choses nous d'accord, par exemple quand on allait en Italie même pendant les grandes vacances elle nous donnait des tissus c'était un cadeau. Ma mère nous faisait toujours faire les mêmes robes à moi et ma sœur chez la couturière chez Giovanna, donc ma mère elle dit qu'on a toujours été très bien habillées, moi quand j'étais gamine je me rappelle de belles robes roses épaisses avec des froufrous des machins comme ça." (Gabrielle)’

La mère de Nacera et Amel qui habite un hameau où sont regroupées des familles d'origine algérienne ne songe pas à la réputation. Elle habille ses filles simplement, en tenant compte des impératifs climatiques et des impératifs religieux : chaussures fourrées pour l'hiver, robes achetées au marché — Nacera signale en riant qu'aujourd'hui elle a horreur des robes —, robe neuve le jour de l'Aïd.

En résumé, dans le sous-ensemble défini par «équilibrages archéomodernes» et spécifié par l'origine rurale, les cosmos de sens sont structurés par deux clivages majeurs. L'un est corrélé à la sexuation. Les pères donnent de l'importance à la réussite scolaire des enfants en l'inscrivant dans la bipartition espace public vs espace domestique, tandis que les mères ignorent l'école du fait même qu'elles la perçoivent comme extérieure à l'espace de voisinage identifié à une communauté villageoise. L'autre n'est pas corrélé à une variable descriptive de façon constante. Disons que la valeur axiologique donnée à la scolarité des filles varie entre une valeur de prestige affranchie de toute finalité pratique et une valeur instrumentale orientée vers un seul et même objectif quel que soit le sexe de l'enfant : lui ouvrir l'accès des emplois valorisés fermés aux migrants.

Notes
236.

En l'absence d'institutions garantissant la conservation des acquis, la bataille pour la «reconnaissance» est à recommencer sans répit. P. Bourdieu (1980, 1), pp. 222-234, notamment : "L'accumulation de richesses matérielles n'est, dans un tel contexte, qu'un moyen parmi d'autres d'accumuler du pouvoir symbolique comme pouvoir de faire reconnaître le pouvoir : la dépense que l'on peut appeler démonstrative, par opposition à «productive» (ce qui la fait dire «gratuite» ou «symbolique») représente, au même titre que toute autre dépense visible des signes de richesse reconnus dans la formation sociale considérée, une sorte d'auto-affirmation légitimatrice par laquelle le pouvoir se fait connaître et reconnaître.", pp. 226-227.

237.

Sur le sens symbolique des rituels de rentrée scolaire et de l'absence de rituels, cf. M.F. Doray, "Rituels de rentrée scolaire et mise en scène de dogmes pédagogiques", Ethnologie française, XXVII, 1997, 2, «Pratiques, rites». L'enquête a été menée en 1993 dans une banlieue ouvrière du sud de Paris et dans le XIVe arrondissement. On remarque qu'il ne s'agit plus pour les parents d'engager une lutte de compétition sociale à travers les enfants, mais de constituer les enfants en enseignes de la position sociale acquise par les parents sur d'autres terrains. "Par les répétitions, les écarts, les oppositions, les contrastes qu'elles constituent au regard de la toilette effectuée et des habits choisis en d'autres circonstances, les activités des parents concernant l'apparence de l'enfant contribuent à informer celui-ci sur son identité, et à former celle-ci; elles aident l'enfant à différencier les circonstances de la vie sociale, à différencier les espaces et à trouver ses repères dans l'écoulement du temps. (...) L'enfant est aussi le support des croyances des adultes, il est préparé pour jouer un rôle dans l'interprétation que ses parents désirent, plus ou moins consciemment, donner des circonstances.", p.175.

238.

Ce sont les métiers que désignent les sous-prolétaires, dans les enquêtes réalisées par P. Bourdieu, A. Darbel et alii en Algérie entre 1958 et 1963 . "[un chômeur de Constantine] déclare : (...) Je voudrais, si je pouvais, les instruire pendant longtemps pour qu'ils soient docteurs ou avocats. Mais je ne suis pas aidé. Il m'est permis de faire des rêves», P. Bourdieu (1977), p. 70. Dix ans plus tard, le père d'Assia, qui ignore les mécanismes de la sélection scolaire en France, croit faire un projet réaliste.