4.1.2. socialisation maternelle et paternelle

équilibrages «archéomodernes-milieux antéindustriels»

La variation, dans la population (n=11), des pratiques articulant sociabilité, jeux et régulations, selon le contexte socio-historique, selon le type de résidence et le milieu social, incite à configurer leur analyse en reconstitution du processus d'autonomisation individuelle corrélative à l'autonomisation de l'amitié et du jeu, dont un aspect est la transformation de la paidia en ludus, pour parler comme Roger Caillois 248 .

Quand elles sont écolières, Isabelle et Inès, nées dans les années 1950, n'ont pas de jouets. Elles viennent d'emménager dans une résidence HLM tout juste construite, où filles et garçons jouent en bas des immeubles. Les façons de faire qu'elles adoptent sont en concordance avec la dissymétrie de leurs places de «représentant» et de «fille», qui recoupe la dissymétrie des dispositions encouragées selon la sexuation, dans toutes les sociétés : les garçons sont conditionnés à alterner temps d'effort et temps de repos, les filles, à être constamment occupées 249 . Isabelle dépense son énergie sans compter dans des prouesses physiques qui sont à elles-mêmes leur fin; Inès, qui craint le contact avec les grappes d'enfants, monte directement dans l'appartement en rentrant de l'école, et lit.

‘"— Vous aimiez jouer . A quoi? Avec qui?’ ‘— Plus qu'aimer. Je jouais toujours à des jeux de garçons... je faisais beaucoup de pirouettes je me souviens j'étais tout le temps avec la tête en bas, d'ailleurs une fois ça m'avait croûté le nez je m'étais complètement esquinté le nez . J'avais des jeux assez violents quand même, violents non c'est peut-être pas le mot... bougeon.. j'étais pas quelqu'un de calme, avec les enfants du quartier." (Isabelle)’ ‘— "Pas trop pas trop. (...) Nous on jouait plus vélo patins à roulettes, mais on n'aimait pas jouer. D'ailleurs on n'en avait pas de jouets donc on pouvait pas... on lisait 250 beaucoup. (...) Avec Catherine on a fait tous les trajets ensemble, j'ai joué avec elle et tout dans la cour, mais arrivées après à la maison je jouais plus avec elle elle restait chez elle. (...) Moi je me rappelle pas être beaucoup sortie hein, c'est surtout les frères et sœur, moi je restais bien chez moi hein j'étais excessivement timide, j'étais timide émotive pas très liante donc je crois que j'aimais bien rester chez moi je me protégeais bien."(Inès)’

Le clivage illustré par le comportement des deux sœurs apparaît en filigrane dans la différence entre les jeux de «garçon manqué» de Carole et d'Assia (nées en 1960 et 1962) qui ont eu avec leur père des relations de personne à personne, contrairement à Gabrielle (née en 1956). Les jeux se conforment à des règles, leurs supports sont plus variés, mais ces changements sont moins significatifs que la reconduction empirique d'une sociabilité villageoise, en dépit de la variété des origines, des statuts d'occupation des logements et de leur localisation — groupe d'immeubles relevant du 1% patronal à Villeurbanne, immeuble du secteur privé, situé dans un quartier villageois de Vaux-en Velin, grande cité HLM située à Lyon.

‘— "Avant j'étais vraiment le garçon manqué et je faisais du vélo comme... à l'époque il y avait pas les vélos cross donc on esquintait les vélos, j'avais jamais de vélo d'ailleurs c'étaient toujours les vélos des autres, on faisait du patin à roulettes par contre c'étaient mes patins sinon on jouait aux billes, on jouait au burnous là vous savez ce truc noir qu'on lance, vous connaissez peut-être pas c'est un truc de garçons (...) on était toujours fourrées avec les garçons, on était les deux seules filles avec tout un groupe de garçons, c'étaient des petits immeubles, des petites cours intérieures." (Carole)’ ‘— " Mon père une fois il nous avait amené un baby-foot il avait trouvé un baby-foot et puis c'était le baby-foot à tout le monde. Là-bas on n'était pas individualistes hein, mes parents nous avaient pas acheté des patins à roulettes, mais j'avais des patins pour faire du patin, tout le monde se prêtait tout il n'y avait pas de... alors que maintenant ils ont tout et ils se prêtent rien les jeunes. (...) Je jouais au foot.’ ‘— Avec qui tu jouais au foot?’ ‘— Avec les garçons (...). J'étais garçon manqué, il y avait mon frère aussi. On jouait au foot on jouait derrière les garages on jouait pas très très longtemps parce qu' après j'allais jouer à la balle.’ ‘— Avec les filles.’ ‘— Oui avec les filles. On jouait à l'élastique on jouait à la hauteur." (Assia)’ ‘— "Tu sais ce qu'on faisait, ça a duré plusieurs années ça, on récupérait tous les vieux jouets, la voisine du dessus nous donnait des trucs des vieux jouets qu'elle avait et on organisait une espèce de petite tombola, et puis on installait ça en bas de l'allée et on faisait venir toutes les petites gamines du bâtiment et on leur vendait pour 20 centimes 10 centimes, ça je me rappelle bien. Qu'est-ce qu'on faisait on jouait à l'élastique on jouait au vélo avec les petites copines. (...) On était tous arrivés à peu près en même temps, on se connaissaient tous depuis tout petit on a grandi ensemble. J'avais pas de copines de l'école oui pas beaucoup. (...) En sortant de l'école j'allais retrouver les petites de l'immeuble, dans le quartier tu avais un groupe de quatre cinq immeubles où on s'entendait bien entre nous, même des filles dans ma classe qui venaient de Mermoz j'étais pas copine en-dehors de l'école parce qu'elles faisaient pas partie du groupe d'immeubles où on était. (...) (Gabrielle)’

Dans la famille d'Assia, rurale mais de noble extraction, les conduites combinent inscription dans la communauté de voisinage, autonomisation familiale et autonomisation individuelle. Alors que les autres parents laissent jouent les enfants sans surveillance dans les limites du «quartier», la mère d'Assia vient tricoter en bas en compagnie d'une autre mère. Quand les parents partent faire des courses, elle et ses sœurs jouent à la princesse dans l'appartement, maquillées et revêtues des robes de la mère. Elle-même est la seule des trois enquêtées à citer nommément ses ancien(ne)s partenaires de jeu. L'autonomisation du groupe familial par rapport au voisinage est marquée plus nettement encore dans les cas de Leïla, Malika, Hacina et Lidia, spécifiés par une place de fille-représentant ou de représentant et, dans trois cas sur quatre, à une origine ou une résidence urbaine. Chez Leïla, les jeux collectifs de plein air avec des enfants du village alternent avec des activités d'intérieur intégrant des moments consacrés aux loisirs. Et un enfant étranger à la famille peut être introduit dans le cercle familial à titre personnel. De façon homologue, Malika doit monter dans l'appartement à l'heure où les autres enfants jouent encore dehors, mais elle a l'autorisation de recevoir des amies à la maison.

‘— "Eh bien on jouait à Zorro parce que ma mère nous avait fait des capes, ma mère était très douée hein c'était une bonne organisatrice elle faisait les capes on jouait à ça (...). On faisait des cabanes avec les garçons on jouait à la maman au papa des trucs comme ça quoi, mais bon de temps en temps parce qu'on était très très surveillé hein... on jouait pas très loin de la maison en fait, et puis après autrement c'était la télé. Eh puis nous ce qui était très très bien, moi je trouve que c'est bien, la bibliothèque rose la bibliothèque verte Alice Les 7 compagnons Le club des 5 Fantômette qu'est-ce qu'il y avait... alors tout ça j'ai lu." (Leïla)’ ‘— "Jean-Paul il était à l'école primaire avec mon grand frère il était souvent fourré chez nous, il faisait trois kms en vélo de chez lui et il venait chez nous donc il a toujours été élevé avec nous, et je sais pas jusqu'à présent maintenant il a 36 ans lui aussi, et souvent il vient voir ma mère il l'appelle." (Leïla)’

La proximité des régulations incorporées par les familles d'origine rurale, quelle que soit leur origine géo-culturelle, est le terreau sur lequel se reconstitue une «sociabilité villageoise». Ces régulations inscrivent d'emblée les enfants dans deux mondes hétérogènes. Dedans, ils sont pris dans les régulations collectives de la famille, mais dehors, ils-elles disposent d'une autonomie restreinte. Ils-elles s'organisent en groupe de jeunes du même sexe ou des deux sexes, autonome dans les limites du quartier ou au-delà. Le schéma concorde avec l'hétérogénéité des deux espaces-temps de l'existence masculine, l'espace domestique sacralisé et l'espace public ouvert 251 . Le passage de la dualité des espaces à une pluralité de régulations, mises en œuvre en fonction du contexte, fait rupture. A l'équilibrage indéfiniment reconduit se substitue le possible d'une dynamique de transformations. L'autonomisation de l'unité familiale par rapport au voisinage s'articule avec une individuation de ses membres, qui passe par des interactions personnelles directes avec des membres d'autres familles. Ces interactions contiennent en germe un processus de transformations réciproques qui fait voler en éclats l'ancien cosmos de référence. Les usages individualisés et pluriels qui sont faits de l'espace domestique le désacralisent. Et la place de représentant cesse de se caler sur la dissymétrie fondatrice du masculin par rapport au féminin. Comparons les pratiques adolescentes, selon qu'elles sont corrélées à la «sociabilité villageoise» ou à ce processus d'individuation.

Les pratiques du premier type sont représentées par les cas d'Assia et de Carole. Elles ont lieu dehors, à proximité des immeubles, comme les jeux enfantins. Ils ont seulement été remplacés par les récits, les discussions, la drague. Et les rivalités.

‘Chez Carole, la présence des adolescent(e)s et de leurs ami(e)s dans l'appartement, à l'heure où les parents l'occupent, après leur journée de travail, n'est pas souhaitée.’ ‘— "Ça mes parents voulaient pas qu'il y ait du monde à la maison, “en bas” ils nous disaient. “Vous avez le soir de cinq heures à sept heures”, “de huit heures et demie à dix heures” après quand on était plus grands, “vous n'avez rien à faire à la maison”, donc on n'allait chez personne personne n'allait chez nous. (Carole)’

Jour après jour, les pratiques se répètent. La cohésion du groupe de nous tient à ce qu'il se distingue d'un groupe de eux, perçu comme inférieur. C'est cette dissymétrie qui est significative plus que son support empirique. Dans le cas évoqué par Assia, la différence d'habileté physique met à l'écart ceux et celles qui ne parviennent à monter en haut d'un noyer; dans celui évoqué par Carole, l'infériorité scolaire et l'infériorité du statut d'occupation du logement valent implicitement comme preuve de l'infériorité culturelle et sociale des jeunes voisins Maghrébins par rapport aux jeunes Français. C'est du moins ce que laisse entendre son discours 252 .

‘— "Les vacances étaient longues et le camp c'était un mois, et l'autre mois il fallait faire quelque chose. Il y avait... maintenant il y a plus rien mais avant en face vers l'arrêt du bus il y avait une vieille maison il y avait un grand terrain vague, il y avait un immense noyer c'était chez nous, bon la maison elle faisait partie du décor mais notre maison c'était le noyer; et on montait tous sur le noyer tout en haut, on passait nos après-midi à se raconter des histoires, on faisait ça tous les jours tous les jours ceux qui arrivaient à monter... les autres ils arrivaient pas à monter ils restaient en bas (rire), c'est pour ça que c'était chez nous. On est méchant quand on est petit hein c'est vraiment la loi du plus fort hein." (Assia)’ ‘— "Ben ça se découpait par quartiers à la ZUP. (...) Donc en 72 c'était encore dans les années brûlantes de la Sapinière, en 74 j'ai été obligée de me battre pour une histoire de garçon. D'habitude c'est les garçons qui se battent pour les filles là... faut dire que ça volait un peu bas la Sapinière. Ben j'avais fréquenté un garçon, de petites fréquentations comme on fait quand on est jeune, et lui c'était un ancien de la Sapinière. Les copines de la Sapinière gnagna (...) elles étaient dans une classe de transition et puis moi j'étais encore dans les classes de cycle normal, ce qui fait qu'en plus tous les copains copines de la classe de celle qui avait pris la dent contre moi la montaient “allez tu vas défendre la 4e” gnin gnin gnin, si bien qu'un jour je suis sortie et puis ben je me suis retrouvée nez à nez avec elle et puis tout le monde s'est mis en cercle autour j'avais pas bien le choix. Comme je suis pas du genre dégonflé ben j'ai foncé, ça a d'ailleurs failli tourner au vinaigre il y en a qui commençaient à lui passer les rasoirs (sic)." (Carole)’

Les pratiques du second type sont représentées par les cas de Leïla, Hacina et Lidia. La socialisation de Leïla, dans une constellation familiale 253 d'origine urbaine où se reconduisent les conditions de la famille indivise — le père et la mère n'ont en commun que d'être parents des mêmes enfants, ils vivent virtuellement dans des espaces séparés et ils ont des responsabilités distinctes —, la porte à inscrire les liens d'amitié dans le champ de la vie individuelle féminine. A distance des engouements tapageurs que les collégiennes de sa classe vouent aux chanteurs à la mode, à distance du goût pour les maquillages outranciers, elle est attirée disons par des liseuses de romans comme elle-même.

‘— "Les copains les copines elles s'appelaient Annie Fermond et Colette Prévost pour vous dire comme je me rappelle de leur nom de famille etc, à part elles deux j'ai très peu eu de copains moi (...), à part des gens vraiment intimes qui avaient le même âge que moi, mais des copains dehors non. Bon et puis c'est vrai que on lisait vachement et puis c'était autre chose et c'est vrai que j'ai eu très peu de relations à part Colette et Annie, qui elle m'a écrit quand j'ai déménagé. C'est des gens comme ça qui restent à chaque époque de ma vie il y en a une ou deux qui sont restées vraiment, que je revois plus mais j'ai gardé ses lettres, parce que bon je suis partie j'avais 13 ans de St A." (Leïla)’

Dans les cas de Hacina et de Lidia (CS indépendant), le schème structurant les représentations des rapports sociaux a pour support la figure du père individué entouré de la petite communauté familiale. Le modèle autorise à se définir en «je-sujet» inscrit dans un réseau de relations qui s'élargit et se complexifie à mesure que la recherche de la «reconnaissance» personnelle s'étend plus loin que le cercle familial. Des liens d'amitié peuvent donc se nouer entre des «je-sujet» issus de milieux sociaux différents, entretenant des échanges langagiers. Les rapports personnels directs entre adolescents eux-mêmes individués pouvant donner le sentiment illusoire que les dissymétries sociales s'annulent, la sociabilité tend à s'autonomiser en jeu stimulant d'interactions réciproques. La rencontre de Hacina avec tel ou tel enfant de classes moyenne instruite est favorisée par la localisation de son domicile dans un quartier bourgeois, et surtout par les partis pris d'une mère d'origine urbaine, qui scolarise ses filles dans un collège privé et les inscrit à de multiples activités. De même, la rencontre de Lidia avec une bonne élève, fille de conseillers d'orientation, n'est pas étrangère à la localisation de son domicile dans le périmètre de recrutement d'un collège sélectif, fréquenté par des enfants des mêmes milieux instruits. Dans le premier exemple, les deux partenaires de rencontre traversent le glacis de leurs univers familiaux respectifs et jouent à s'aventurer dans un espace social métaphoriquement représenté par les voyages à pied ou en vélo dans des espaces inconnus. Dans le second, grâce aux liens personnels avec son amie, Lidia reste en connexion avec les apprentissages scolaires, à un moment où le rythme imposé aux élèves de son collège eût immanquablement produit son éviction hors des filières d'enseignement général. Dans les deux cas, la rencontre avec l'altérité agit comme une stimulation affective, qui dilate subjectivement le champ du possible et catalyse l'énergie.

‘— "En primaire on se voyait pas l'année suivante ça m'a jamais vraiment brassée je pense que j'avais ma petite famillle et que ça me suffisait, et après c'est vraiment des amitiés d'ado quoi très fortes très passionnelles. Alors ce qui était intéressant aussi c'est que les gens que j'ai rencontrés je les ai rencontrés sur plusieurs années donc on s'est suivis pendant trois ou quatre ans dans la même classe et donc ça a permis de se connaître de mieux en mieux". (Hacina)’ ‘—"Nicolas, alors c'est quelqu'un que j'aimais pas du tout au début parce qu'il me paraissait trop net trop propre sur lui, ses deux parents son père était prof à la fac sa mère était biologiste à la clinique de B. ils avaient une maison superbien un confort matériel, et c'est vrai que je le taquinais souvent en disant “Toi la zone tu connais rien t'as jamais manqué tout va bien pour toi”, et lui il allait dans le sens inverse et il aimait bien savoir ce qui se passait chez les autres et puis être... partager un peu, il était enfermé un peu dans son petit monde quoi. Donc finalement au fur et à mesure des années on a fini par se rencontrer et puis on est parti faire des randonnées en vélo, à pied, il m'a fait connaître des régions que je connaissais pas, et puis il lisait beaucoup il m'a fait connaître des bouquins, je pense qu'il avait une autre maturité, lui il avait une maturité culturelle alors que moi j'avais plus une maturité de vie d'expériences relationnelles, je pense qu'on devait bien se partager ces choses là." (Hacina) 254 .’ ‘— "Bon à partir du collège il y a eu des amitiés qui se sont nouées... plus importantes... d'amies que j'ai encore quoi, notamment deux surtout deux amies, une que je vois beaucoup moins mais avec qui je suis quand même liée, qui est maintenant secrétaire, qui n'a pas pu faire un cursus bien long mais à mon avis avait largement les capacités de le faire, mais bon ce serait un autre débat, et une avec qui je suis restée... on se voit très souvent , qui elle est DEA d'éco cette année. " (Lidia)’

Le clivage structurel qu'on vient de décrire est corrélé principalement au contexte de Temps1. Dans les conditions spécifiées par le contexte de Temps2 et la dissolution de la dynamique impulsée par les chefs de famille «autocéphales», on observe, comme il est logique, une réification des rapports personnels, homologue aux conduites autodisciplinées auxquelles forme la socialisation maternelle. Les régulations n'organisent plus les rapports entre les personnes, elles définissent les usages de l'espace et du temps.

L'énergie affective inhérente au groupe fusionnel s'est évaporée. Manuela (CS ouvrier-fonctionnaire, place de représentant) qui réside dans un groupe d'HLM, comme Gabrielle dans Temps1, est bien loin d'inventer de nouveaux jeux avec ses copines. Les relations avec autrui se configurent implicitement en assurance qu'on dispose de ressources de toutes sortes, comme le suggère la réitération du verbe «avoir» dans l'énoncé.

‘— "J'étais du genre à avoir ma bonne copine avec qui bon ben je jouais tout le temps quand elle était là, mais à pouvoir jouer avec d'autres aussi quand elle était pas là." (Manuela)’ ‘— Tu aimais ça le hand et le basket?’ ‘— Non. Ça me déplaisait pas trop comme j'avais souvent le ballon, quand j'avais pas le ballon ça me plaisait pas (rire)... non ça me déplaisait pas enfin c'était pas une passion non plus." (Manuela)’
Notes
248.

La différence correspond en gros à une institutionnalisation du jeu qui transforme la paidia en ludus. "Les règles sont inséparables du jeu sitôt que celui-ci acquiert ce que j'appellerai une existence institutionnelle. A partir de ce moment, elles font partie de sa nature. Ce sont elles qui le transforment en instrument de culture fécond et décisif. Mais il reste qu'à la source du jeu réside une liberté première, besoin de détente et tout ensemble distraction et fantaisie. Cette liberté en est le moteur indispensable et elle demeure à l'origine de ses formes les plus complexes et les plus strictement organisées.", R. Caillois (1958), p. 52.

249.

Cf P. Tabet, La construction sociale de l'inégalité des sexes, Des outils et des corps, L'Harmattan, Paris, 1998, p. 33.

250.

La réponde d'Isabelle montre que le « on» d'inès est une euphémisation de «je».

251.

On pourrait penser que la division est restée active seulement dans les familles maghrébines d'origine rurale. Il n'en est rien. La mère italienne de Gabrielle entrouvre la porte de la maison à une copine de sa fille si elle est prévenue, la mère sarde de Christine n'admet personne jusqu'à l'adolescence de sa fille, qui réussit alors à organiser des fêtes d'anniversaire.

252.

Les parents de Carole ont acheté à Vaulx-en-Velin un appartement dans un quartier d'immeubles en copropriété , voisin de quartiers constitués de groupes HLM; le groupe de «la Sapinière» déjà ancien, l'autre tout récent, construit en même temps que le groupe de copropriétés . Les jeunes de la Sapinière mis en mouvement par la fille de leur classe qui en veut à Carole, se constitue lui aussi en groupe de nous défendant ses droits face au groupe de eux. On note que dans les quartiers 04 et 05 de Vaulx-en-Velin (zone1), les personnes déclarées de nationalité algérienne, tunisienne ou marocaine représentent 24% et 21,8% de la population, mais que leur poids proportionnel est perçu comme plus important qu'il n'est, à cause de la grande taille des fratries; dans le quartier 07 (zone2), où réside Carole, elles représentent 6,1% des résidents.

253.

On emprunte la notion à B. Bensoussan. "Une constellation familiale est une configuration d'individus, appartenant à plusieurs générations, régie par l'existence de différents types de liens : d'abord, ceux de filiation et d'affiliation, mais aussi l'ensemble des liens amicaux et/ou professionnels de la parentèle. En d'autres termes, comme la métaphore l'indique, une constellation familiale comprend le noyau des individus appartenant à une même famille, ainsi que l'ensemble des personne liées à celle-ci, lesquelles gravitent à plus ou moins grande proximité des membres des différentes générations du groupe familial.", B. Bensoussan "Constellations familiales et émancipation des étudiants en milieu urbain" in Y. Grafmeyer et F. Dansereau F., Trajectoires familiales et espaces de vie en milieu urbain, PUL, Lyon, 1998, note p. 286.

254.

Les conditions sont en complet décalage avec celles décrites par G. Simmel, «La sociabilité» in Sociologie et épistémologie, trad franç., 2e édition, PUF, Paris, 1991 : "Si les êtres humains se réunissent en groupements économiques ou en clans familiaux, en associations culturelles ou en confraternités du sang, il faut y voir certainement la conséquence de nécessités et d'intérêts spéciaux. Pourtant, par-delà ces contenus particuliers, toutes ces socialisations s'accompagnent d'un sentiment propre et de la satisfaction qu'il procure, du fait qu'on est justement socialisé, eu égard à la valeur de la formation d'une société comme telle : une impulsion par conséquent qui pousse à adopter cette forme d'existence et qui parfois suscite pour sa part les contenus réels qui sont à la base des socialisations particulières. Tout comme ce qu'on peut appeler l'impulsion artistique extrait sa forme de la totalité des objets apparents et la transforme en une œuvre particulière correspondant à cette impulsion, l'«impulsion de sociabilité» délie par sa propre force le simple processus de socialisation de l'ensemble des réalités de la vie sociale pour en faire une valeur en soi et un bonheur; elle constitue ce que nous appelons la sociabilité au sens étroit.", p. 124. Dans le cas de figure de Hacina au contraire, précisément parce qu'on n'est pas "justement socialisé", le mouvement d'autonomisation de la sociabilité aboutit tendanciellement à un apprentissage réciproque.