5.2.2. le rapport aux petits boulots

Le «rapport aux petits boulots» englobe les pratiques elles-mêmes et le sens qui leur attribué subjectivement a posteriori 374 . Le propos est de suivre les transformations de ce rapport, conditionnées par des déterminants de niveaux hétérogènes, d'une part le contexte sociétal de référence — une société peu monétarisée ou une société où le salariat est généralisé —, d'autre part, le rang social — place occupée dans la famille ou position dans la société.

Précisons le contexte socio-historique. Avec des pointes extrêmes en 1968 et en 1992, les sorties de lycée des enquêtées se concentrent entre 1980 et 1988. Ces dates coïncident avec la fin de l'équilibrage de «l'Etat de croissance», la montée du chômage et la mutation technologique et organisationnelle des entreprises. C'est lors de cette période que la «logique éducative» qui a inspiré les premières mesures prises par le gouvernement Mauroy pour insérer professionnellement les jeunes chômeurs — dénonciation de l'archaïsme du système scolaire, mise en place de formations professionnelles, de l'alternance, de stages de qualification — a été abandonnée pour une logique de «mise au travail» 375 . Il suffit de parcourir d'un trait les pratiques des enquêtées pour déceler que de la fin des années 1970 à la fin des années 1980, la place des petits boulots accompagnant la scolarité diminue, et celle des petits boulots légitimés sous le nom d'emplois précaires s'accroît à l'entrée dans la vie active. On ne s'interdira donc pas de mobiliser des énoncés se référant à des premiers emplois, postérieurs à la fin des études.

Notes
374.

Pour cette étude on s'appuie sur les réponses aux questions 72 et 118, Comment ça se passait pour votre argent de poche? Votre premier emploi qu'est-ce que c'était?, exceptionnellement sur des réponses à la question 162, Ce que vous êtes aujourd'hui, est-ce que c'est lié à l'expérience de la vie active? Sur les activités rémunérées des lycéens et des étudiants, cf. B. Ballion, Les lycéens et leurs petits boulots, Hachette-éducation, Paris, 1994; B. Bensoussan, "Itinéraires étudiants et pratiques urbaines", Etude d'impact d'un nouveau site universitaire en centre-ville : la Manufacture des Tabacs à Lyon, ch. IV, rapport pour le programme interministériel de Recherche "L'Université et la Ville" et Communauté urbaine de Lyon, MRASH, 1994, ronéoté, pp. 241-287. Sur l'histoire de la définition marchande de l'individu, qui prévaut dans les représentations au moment où s'impose, dans les statistiques, la bipartition de la population recensée en population active et population inactive, cf. C. Topalov, "Une révolution dans les représentations du travail. L'émergence de la catégorie statistique de «population active» au XIXe siècle en France, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis", Revue française de sociologie, XL-3, 1999.

375.

On se réfère à l'article de G. Mauger, "Les politiques d'insertion, Une contribution paradoxale à la déstabilisation du marché du travail", Actes de la Recherche en sciences sociales, 136-137, mars 2001, pp. 6-7. Les TUC (Travaux d'utilité collective) et les SIVP (stages d'initiation à la vie professionnelle) sont mis en place en 1984. Les associations intermédiaires se développent : on compte 717 structures d'accueil en 1990.