débuts incertains

Sous la désignation de «débuts incertains», on a rassemblé des parcours d'entrée dans l'emploi qui s'orientent soit vers une mobilité ascendante (n=2), soit vers l'immobilité (n=3), soit vers l'inactivité ou une situation de suspens (n=4).

Les deux parcours orientés vers une mobilité ascendante (Emilia, Fadila) sont corrélés à des variables descriptives semblables — CS ouvrier, scolarité en section A —, mais à une différenciation agrégeant le sens donné subjectivement aux savoirs scolaires et la différence de contexte socio-historique : Emilia sort du lycée en 1973, Fadila en 1984.

La conduite d'Emilia à la sortie du lycée est conditionnée par le conflit entre une socialisation maternelle qui accorde à l'école la valeur utilitaire d'ouvrir l'accès à un emploi qualifié et une socialisation scolaire qui lui a donné à la fois un savoir empirique sur la division du monde social en classes et des outils intellectuels pour l'interpréter. Dans un premier temps, elle se laisse guider par les schèmes incorporés dans la socialisation primaire et s'inscrit en BTS de secrétariat, comme font les filles d'ouvriers. Mais dès qu'elle expérimente le secrétariat, elle démissionne, court s'inscrire en faculté de droit et en sort titulaire d'une maîtrise de sciences sociales. Pour entrer dans l'emploi, elle fait un cheminement homologue à celui de Céline. Dans un premier temps elle explore le secteur privé tout en gagnant sa vie dans des emplois d'alphabétisation, puis se présente à un concours de catégorie B.

Pour répondre à la question sur les avantages liés à l'emploi, elle sélectionne les mêmes que les deux autres diplômées universitaires, Céline et Lidia, apprendre quelque chose et rencontrer des gens intéressants. Mais à la différence de Céline — qui a choisi en outre un salaire qui évolue, donc qui autonomise la carrière professionnelle — elle ne s'est pas inscrite au premier concours administratif venu. Essayant de brancher son itinéraire de transfuge sur la défense des intérêts des ouvriers, elle a choisi celui de «contrôleur du travail» (1980). Neuf ans plus tard, déçue, elle se présente au concours de l'IRA. Elle est admise et choisit le secteur de la santé.

Le lien direct entre études longues et emploi qualifié allait de soi pour Fadila, qui a sélectionné les mêmes avantages que les filles d'ouvriers définies par l'équivalence du titre et du poste, un travail intéressant et un salaire qui évolue. Mais à la différence de ses homologues sorties au niveau III (bac+2) avec un BTS, comme Nadia ou Nadine, qui ont trouvé immédiatement un emploi correspondant à leur niveau, elle a eu beau assortir son diplôme général, un DEUG de LEA, d'un stage de secrétariat, elle s'est trouvée cantonnée dans des emplois d'exécutant. Elle a alors mobilisé les apprentissages de sa longue socialisation secondaire 472 et développé une stratégie prenant appui sur le savoir social acquis en observant autour d'elle. Relatant en 1990 le parcours d'emplois décevant qu'elle faisait depuis trois ans, elle affermissait tout en en parlant l'objectif d'entrer dans la formation d'adultes.

‘— "Alors [1987], j'ai laissé tomber la fac pour faire un stage de secrétariat, parce que je pensais que c'est ce qui manquait à mon... mon niveau, je pensais qu'en faisant du secrétariat je trouverais du boulot facilement. Il s'avère que non... j'ai galéré pendant six mois, j'ai trouvé un boulot au noir, j'ai bossé au noir pendant un petit bout de temps quoi, et mon dernier boulot c'était... secrétaire.... plutôt plutôt dactylo que secrétaire dans une boîte à Lyon. J'ai fait six mois aussi, après je me suis mise au chômage, parce que le boulot qu'on me présentait ça me conv... ça me plaisait pas du tout parce que il n'y avait pas possibilité de grimper quoi, c'était “je reste secrétaire toute ma vie ou je pars avant”, moi je suis partie. Depuis, eh ben j'ai été au chômage pendant six mois encore, entre temps je me suis mariée, et puis voilà depuis deux semaines je bosse dans une compagnie d'assurances."(... )’ ‘— (...) "J'ai envie de faire de la formation être formatrice c'est-à-dire apprendre l'anglais apprendre aux adultes quoi, c'est un peu mon but, là j'ai pas mal d'adresses.’ ‘— Leur apprendre l'anglais.’ ‘— L'anglais, je peux même leur apprendre le français, en me remettant à la bureautique, je pourrais leur faire de la bureautique aussi voilà. (...) J'aimerais bien toucher un organisme assez gros comme l'AFPA l'IFRA, ça c'est vraiment mon but maintenant parce que bon je sais que le secrétariat, je peux pas je peux pas trop. S'il ne reste que ça comme alternative je prendrai du secrétariat, si on veut de moi en plus, mais c'est vraiment... pour moi c'est pas du tout motivant. (Fadila)’

Pendant les huit années suivantes, son équilibrage de vie combinait vie conjugale et familiale — trois enfants sont né(e)s en 1991, 1993 et 1997 — et stratégie d'accès à un emploi dans le domaine de la formation. Elle a fait un long stage de secrétariat de direction homologué par un BTS, elle est passée par plusieurs CDD de secrétariat et par des vacations à l'ANPE et à la DDTE, elle a élargi son réseau de relations. Quand une opportunité s'est présentée en 1998, elle l'a saisie. Elle a été embauchée sur CDI par une association organisant des emplois de proximité dans les quartiers de logement social et participant à l'élaboration de projets de ce type à l'échelle européenne. Sans passer de concours, elle est donc parvenue à occuper dans le secteur de l'insertion un emploi d'intermédiaire-cadre correspondant à ses intérêts et à ses compétences 473 .

Bref, l'hétérogénéité des deux débuts ressortit à une différenciation d'ordre idéaltypique. Le parcours d'emploi d'Emilia s'inscrit dans un parcours de vie allant d'équilibrage en rééquilibrage, parce qu'il est sous-tendu par l'acharnement à résoudre des contradictions sociales à l'échelle individuelle. Celui de Fadila, orienté par une stratégie dans sa phase initiale, a des chances de se stabiliser une fois le but atteint. Le premier est corrélé à une individuation plutôt dialogique, le second à une individuation plutôt monologique.

Les trois parcours orientés vers l'immobilité sociale sont corrélés à une place de «représentant-héritier» et à Temps1. Deux sont spécifiés par une sortie au niveau IV (Isabelle, «équilibrages archéomodernes», BTn GI; Hayet, «société salariale», BSD A), le troisième par une sortie au niveau II (Anna, «société salariale» maîtrise de droit des affaires). Les deux premiers cas,comme d'autres rencontrés précédemment, sont spécifiés par la distorsion entre la place d'«aînée» occupée dans la famille et la place d'exécutant promise à des titulaires d'un BTn G1 ou d'un BSD. Les débuts ont été marqués par une promotion avortée suivie d'une régression à la case «modale», c'est-à-dire à un emploi de secrétariat. Dans les deux cas, la débutante occupait son emploi initial à titre de «faisant fonction». Elle n'a pas été titularisée sur cet emploi ou un emploi équivalent, faute de la certification scolaire ad hoc. Mais la conduite n'a pas été la même selon que la place d'«aînée» avait été corrélée à des responsabilités (Isabelle) ou à des privilèges (Hayet).

‘Les débuts d'Isabelle comportent deux équilibrages hétérogènes séparés par une interruption de sept ans. Premier temps, la bachelière (1968), introduite auprès du Procureur de la République à la suite d'une rencontre de hasard — "un coup de bol" —, est affectée auprès du juge des enfants. Elle fait fonction de greffière, sans avoir le diplôme. A la suite de protestations, elle est mutée deux ans plus tard dans un service qui ne lui plaît guère, en d'autres termes, elle est renvoyée à la place d'agent d'exécution correspondant à ses titres. Elle démissionne, prend un emploi de secrétariat dans le secteur privé (1972) , puis interrompt son activité professionnelle à la naissance de son fils. Elle profite de ce loisir pour suivre au CREPS pendant trois ans une formation de monitorat de gymnastique et commence à donner des cours dans plusieurs quartiers (écoles, centres sociaux). Second temps, elle combine un mi-temps alimentaire de secrétariat et des cours de gymnastique qu'elle est libre d'organiser comme elle l'entend. L'équilibrage se révèle durable.’

Elle apprécie un emploi où le salaire évolue et qui fait rencontrer des gens intéressants. Ce choix est en accord avec ce qu'on sait d'elle. Elle se réfère à la fois au statut de salarié et au contexte d'une société peu institutionnalisée, où l'éducation et l'élévation sociale passent par des rapports personnels plus que par un enseignement scolaire méthodique. Dans le monde où elle se meut, l'oralité prime l'écriture, rabattue sur les tâches techniques.L'apprentissage qu'elle a fait sous la houlette d'un juge expérimenté a pris valeur d'initiation auprès d'un personnage charismatique.

‘— "Ben ce que je me souviens le plus c'est d'abord la gentillesse du procureur. Le juge P. le juge pour enfants c'est quelque chose d'extraordinaire c'est assez rare de trouver des gens comme ça, et par contre une opposition une ambiance mesquine, mais je crois que c'est typique ça de la justice, des gens mesquins qui sont toujours en train de se bouffer le nez. (...) La première période euh où j'ai travaillé avec le juge pour enfants c'était super j'ai appris plein de trucs. On s'occupait donc que d'enfants, c'était vraiment bon pour moi c'était vraiment un truc... ça m'a rendue plus mature quand même ce genre de travail, donc ç'a été pour moi très très bien, mais ensuite quand il y a eu ces problèmes, quand il a fallu que je change de service alors vraiment c'était une galère, les gens m'intéressaient pas du tout, ce que je faisais m'intéressait pas, en plus les bureaux par eux-mêmes étaient d'une tristesse pfou." (Isabelle)’

Hayet est également portée à faire primer les interactions verbales directes sur les apprentissages scolaires codifiés. On a vu qu'à 24 ans, elle dirigeait un club de 90 enfants avec aisance, mais qu'elle a échoué dans les exercices scolaires de la formation d'EJE (1986-87). La période qui a suivi s'est close sur une conversion à la discipline du travail régulier. Elle est allée jusqu'au bout d'une formation de secrétariat. Embauchée, elle a fait en sorte que son CDD de six mois fût transformé en CDI (1992). Elle a donc réussi à aller "au-dessus" d'elle-même — à se réhabiliter socialement. C'est un tournant dans son parcours, mais ce n'est pas le début d'un équilibrage stable.

‘" — (...) J'étais donc serveuse au PMU et puis je travaillais un jour sur deux, j'avais pas une vie vraiment équilibrée quoi c'était ... et puis je faisais un peu n'importe quoi aussi.’ ‘— Ça veut dire?’ ‘— Ben que ... ben que je commençais le matin à 9 heures je finissais à 1 heure, et quand je finissais plutôt que de rentrer à 1 heure je rentrais pas quoi, je rentrais à 3 heures de l'après -midi, je me mettais pas de limites quoi si j'avais pas envie de rentrer je rentrais pas, mais c'est parce que j'avais envie de .. je crois que j'avais envie d'être dehors quoi . Travailler un jour sur deux ça me convenait pas il fallait que je travaille tous les jours. Mais en même temps travailler tous les jours c'est dur, parce que c'est dur de se lever tous les matins. Il y a des matins tu as envie de rester couchée, tu peux pas, ça c'est dur. Je m'étonne quand même, je m'étonne vachement parce que .. parce que justement j'aime pas être cadrée j'aime pas être dans un moule .. j'ai jamais aimé être comme ça c'est-à-dire... enfin mon copain me dit que je suis une «jouisseuse» et je crois qu'il a... il a pas tort quoi. Ça vient aussi de l'éducation que j'ai eue, j'ai toujours fait ce que j'avais envie de faire .. sans jamais... quand j'étais gamine sans jamais qu'on me mette de limites, et quand j'ai grandi eh ben je suis restée comme ça. Alors c'est pour ça que je m'étonne aujourd'hui, parce que ça fait un an et demi que je travaille dans cette boîte, ça fait un an et demi que je me suis pas arrêtée, c'est-à-dire que j'ai eu mes jours de congé point. Il n'y a pas un jour où je me suis dit “j'y vais pas demain matin” et puis que je suis pas allée que je suis pas allée du tout, donc ça ça m'étonne.’ ‘— Et apparemment ça te pèse pas trop.’ ‘— Non je me dis “c'est bien” je me dis “c'est bien”. Je me dis que de toutes manières on peut toujours aller.. on peut toujours aller ... euh au-dessus de soi je sais pas comment ... je veux dire on peut ... quand on veut on peut quoi et puis c'est clair (...) quand tu bosses comme ça tu est forcément obligée de t'organiser, moi je suis pas quelqu'un... je suis pas organisée du tout du tout du tout. J'essaie de m'organiser dans ma journée quoi même au niveau du boulot, c'est vachement important Enfin ça permet d'avancer quoi quand t'es pas organisée t'avances pas " (Hayet)’

Le troisième exemple montre comment une diplômée de l'université embauchée dans le secteur privé se trouve renvoyée au secteur public. Pendant sa recherche de travail, Anna a rencontré des notables à l'occasion d'un emploi intérimaire — elle remplaçait l'hôtesse d'accueil "d'un tennis-club fréquenté par une certaine classe" —, et elle est parvenue à se faire embaucher comme stagiaire dans une étude de notariat. La première étape de ses débuts va de cette embauche à sa démission (1988-93). La première année, elle travaille dans le même bureau qu'un employé plus expérimenté qui relit les documents rédigés par la débutante : les compétences requises se réduisent au maniement d'un code technique d'écriture. La seconde année, elle «fait fonction» de clerc de notaire. Prête, dans un premier temps, à acquérir le diplôme technique qui légitimera son poste, elle comprend peu à peu que tout espoir de promotion dans la profession lui est fermé. Son départ pour la région parisienne, où elle rejoignait son partenaire conjugal, précipite sa démission. Peu après la rentrée 1993, elle semblait satisfaite de son nouvel emploi : pourtant, elle avait été recrutée comme institutrice suppléante dans trois écoles situées dans trois communes différentes, l'une de Seine-Saint-Denis (93), les deux autres de Seine-et-Marne(77) 474 .

‘"— (...) Je pense que je partirai. Je pense que suivant les opportunités que je pourrai avoir je les saisirai, pas forcément dans le notariat parce que au point de vue mentalité c'est pas une mentalité que j'apprécie.’ ‘— Vous pouvez être un petit peu plus claire.’ ‘— Ben c'est disons que c'est... bon c'est vrai que c'est une profession en fait commerciale où l'argent est très important, l'argent les relations les connaissances. Et puis c'est vrai que tant qu'on n'est pas associé dans une étude je veux dire on travaille un maximum pour pas grand chose quoi par rapport... si vous voulez les salaires suivent pas forcément. Et puis surtout à l'heure actuelle sous prétexte de la crise bon ben les notaires en profitent pour ne pas donner des augmentations pour licencier pour se débarrasser de gens qu'ils trouvent un peu encombrants, et donc la situation est pas très agréable quoi." (Anna)’

On note qu'Anna a sélectionné les même avantages que les enquêtées de «société salariale» sorties du système scolaire au niveau IV ou III, un travail intéressant et un salaire qui évolue, en précisant que l'intérêt du travail était lié à "l'enrichissement personnel”, alors que ses homologues sorties au niveau II, Céline, Lidia et Emilia apprécient un emploi où on apprend quelque chose. On sait que contrairement aux précédentes, elle n'a jamais investi d'énergie dans les apprentissages scolaires, du moins jusqu'à la sortie du lycée 475 .

Dans le dernier sous-ensemble (n=4), les débuts sont tous spécifiés par l'origine algérienne et par une organisation familiale bâtarde, à mi-chemin entre la famille-communauté et la famille-association. L'orientation vers l'inactivité après le mariage, subie comme un destin dans le cas de Warda, délibérée dans celui de Saïda, est corrélée à une organisation «acéphale» en décomposition et à une sortie du système scolaire au niveau IV. On sait que Warda (Temps1) ne s'est heurtée à rien ni à personne jusqu'à son double échec au bac. Saïda (Temps2) ne s'est jamais endormie, mais elle n'a jamais pu établir de pont entre la famille et l'école tant les régulations étaient différentes. Elle a opté pour la famille, contre l'école et la vie professionnelle.

Dans les cas d'Amel et de Saba, la prolongation du suspens dans des petits boulots est corrélée à la posture qui porte à autonomiser les études et non à leur donner une valeur instrumentale. On sait qu'Amel (Temps1) a choisi de faire des études d'histoire en subsistant avec une bourse, que les succès scolaires de Saba (Temps2) lui ont valu une reconnaissance dans la famille. Pour ces jeunes femmes titulaires de diplômes universitaires moyens, on a vu que l'accès à un emploi stable passe par l'admission à un concours de la fonction publique. Au début des années 2000, elles n'avaient pas encore franchi le pas. Peut-être faute de maîtrise suffisante des codes de l'écrit scolaire 476

Notes
472.

Dix ans se sont écoulés entre son entrée en 2de et sa sortie de fac, après un an de séjour en Angleterre à titre d'assistante de français. En outre, dès le début de son parcours scolaire, on sait qu'elle s'est approprié l'école, en dépit de — ou à cause — de l'indifférence de la mère aux résultats scolaires de ses filles, cf. supra, p. 290.

473.

La date de 1998 s'inscrit dans le contexte de ce que G. Mauger (2001) nomme «le deuxième âge de l'insertion». "Dans un contexte de réhabilitation de l'entreprise et du profit, de la conversion du personnel politique au libéralisme économique, le chômage est alors imputé à «l'inemployabilité» des agents, c'est-à-dire aussi à leurs dispositions plus qu'aux décalages entre les titres et les postes ou à l'insuffisance de postes. La «logique économique» (i.e. «l'insertion par l'économique») prévaut alors sur la logique éducative antérieure : le classement en catégories d'inemployables débouche sur la multiplication des «entreprises alternatives» (« l'économie solidaire») et la prédominance des contrats aidés. La mise au travail (via la généralisation des alternatives au salariat) devient le nouveau pivot de l'insertion. (...) [ La loi contre les exclusions votée en 1998] prévoit la mise en place de deux cent cinquante « plans locaux d'insertion par l'économique» (PLIE).", p. 7.

474.

. La comparaison entre le recrutement d'Inès (niveau IV) en 1972 et celui d'Anna (niveau II) en 1993, exemplifie la dévaluation des titres scolaires qu'anticipait R. Poignant, écrivant en 1962 : " La pénurie quasi-permanente de cadres moyens que connaît l'économie française depuis 1945 va certainement persister jusqu'en 1970. (...) A partir de cette date la France connaîtra, progressivement, la situation qui est actuellement celle des Etats-Unis : l'absorption des diplômés dans l'économie s'y effectue sans difficulté (même en période de léger chômage) mais dans des emplois qui ne requéraient pas, naguère, une qualification si élevée. Cet exemple montre qu'une économie peut absorber n'importe quel nombre de personnes instruites, à la condition que s'effectue ce “déclassement” relatif (déclassement que, d'ailleurs, seuls les anciens ressentiront, car il s'effectuera insensiblement. Les titulaires du BEPC, en France, ne se plaignent pas de ne pouvoir devenir instituteurs, comme ils l'auraient fait sous Louis-Philippe... ou même au temps de Jules Ferry"). Il est certain que cette “surqualification” de la main-d'œuvre par rapport aux normes actuelles va devenir un facteur important de la “productivité” économique. " (Archives du Premier Ministre, 93077, perspectives pour 1985, CGP juillet 1962), cité par L. Tanguy (2002), p. 702. Les planificateurs des années 1960 mettaient donc la croissance scolaire au service de la productivité, donc de la croissance économique.

475.

Cf. supra, pp. 355-356.

476.

Saba a préparé plusieurs années de suite une maîtrise de sociologie. A-t-elle abouti? On ignore si Amel est ou non détentrice d'une maîtrise d'histoire mais on sait qu'elle s'est présentée à des concours administratifs et que "ça n'a pas marché". Ces échecs individuels à des épreuves qui nécessitent la maîtrise pratique du code de la dissertation confortent l'interprétation que le flou des apprentissages rédactionnels dans l'enseignement du français est une dimension cachée de l'éviction aux examens et aux concours des jeunes que leur origine familiale n'a pas familiarisés avec l'écrit oralisé.