6.2.3. nationalité française et identité d'origine

‘"Véritable opération de magie politico-sociale, la naturalisation a apparemment pour fonction de transformer en naturels d'un pays, d'une société, d'une nation, des individus qui ne le sont pas et qui demanderaient à l'être. (...) La naturalisation la plus facile est celle qui opère sur fond d'un accord entre la «nature» du postulant et la «nature» de la nationalité postulée : quand le naturalisable, avant d'être naturalisé est fait ou est devenu «naturellement» identique à ceux qui le naturalisent (ou, tout au moins, le plus proche possible d'eux). (...) C'est à cet ajustement réciproque que veille, pour l'essentiel, toute la procédure de nationalisation dont l'objectif est d'apprécier et de garantir l'intégration ou l'assimilation culturelle minimale, sinon la meilleure, à la société française. (...) Ce n'est qu'après coup qu'une naturalisation se juge accomplie et qu'on la dit accomplie. Pour tout le reste, il n'y a pas de naturalisation qui ne se greffe sur une histoire antérieure, l'histoire individuelle de la personne et plus encore l'histoire collective dont cette même personne est le produit et aussi l'incarnation."’

Ces indications, extraites d'un article d'Abdelmalek Sayad 541 , nous serviront de balises pour organiser l'étude du rapport à la nationalité française et à l'identité d'origine. On commencera par analyser dans ses grandes lignes, à travers les révisions du code de la nationalité, la politique d'extension de la citoyenneté-nationalité menée en France par l'Etat, dans les contextes historiques allant du début à la fin du XIXe siècle 542 . On repérera ensuite les lignes de différenciation du rapport à la nationalité française et à l'identité d'origine que les discours des enquêtées et leurs choix de conjoint font déceler. Enfin, on terminera sur un récapitulatif des nationalités françaises et de leur mode d'acquisition, ainsi que des nationalités étrangères, dans la population de l'enquête.

Notes
541.

A. Sayad, "Naturels et naturalisés", Actes de la Recherche en sciences sociales, n° 99, sept. 1993, pp. 26-28. Sur la question de la naturalisation des migrants et de leurs enfants, on a consulté notamment A. Sayad, "Immigration et conventions internationales", Peuples Méditerranéens, n° 9, oct.-déc. 1979, repris l'un et l'autre dans L'immigration ou les paradoxes de l'altérité, de Boeck, Bruxelles, 1991; J. Costa-Lascoux, "L'immigration algérienne en France et la nationalité des enfants d'Algériens" in L. Talha et alli, Maghrébins en France, émigrés ou immigrés, CNRS, Paris, 1983; B. Anderson, L'imaginaire national, Réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme, éd. originale, 1983, trad. franç., ed. poche, La Découverte & Syros, Paris, 2002; A. Gillette, A. Sayad, L'immigration algérienne en France, Ed. Entente, Paris, 2e ed 1984; A. Sayad, "La culture en question" in C. Camilleri, A. Sayad, I. Taboada-Leonetti (eds), L'immigration en France le choc des cultures, Actes du colloque "Problèmes de culture posés en France par le phénomène des migrations récentes", Centre Thomas More L'Arbresle, 1987; A. Muxel, "Les attitudes socio-politiques des jeunes issus de l'immigration maghrébine en région parisienne", Revue française de science politique, vol. 38-6, 1988; G. Noiriel, Le creuset français, Histoire de l'immigration XIXe-XXe siècle, Points-Seuil, Paris, 1988; E. Balibar, I. Wallerstein, Race nation classe, les identités ambiguës, La Découverte, Paris, 1990; P. Weil, La France et ses étrangers, l'aventure d'une politique de l'immigration 1938-1991, Calmann-Levy, Paris, 1991; Y. Lequin (dir.) Histoire des étrangers et de l'immigration en France, Larousse, Paris, 1992.; R. Brubaker, "De l'immigré au citoyen. Comment le jus soli s'est imposé en France au XIXe siècle", ARSS 99, 1993; M. Tribalat, Faire France, La Découverte, Paris, 1995; A. Sayad, Immigration et «pensée d'Etat», ARSS 129 sept. 1999; E. Balibar, Droit de cité, 1e éd. 1998, Quadrige/PUF, Paris, 2002; R. Castel, L'insécurité sociale, Seuil, Paris, 2003.

542.

On se réfère principalement à l'article de R. Brubaker (1993) et à l'ouvrage de G. Noiriel (1988).