1.4.3. Traumatisme et clivage du Moi.

Les travaux de S. Ferenczi sur l'introjection vont permettre une reprise de la théorie du traumatisme psychique. Les conceptions de Ferenczi ne concernent pas les problématiques psychotiques en particulier, elles s'appliquent à l'ensemble de la psychopathologie et sont issues de la confrontation à des transferts passionnels ou à d'autres situations limites de la psychanalyse.

C'est l'introjection pathogène qui "assassine" le Moi et fonde le traumatisme psychique. L'axe traumatique essentiel reste la séduction de l'adulte, mais s'ouvre aussi à toute introjection pathogène. "L'enfant reconnaît précocement les folies du comportement de ceux qui ont autorité sur lui, cependant, l'intimidation interdit d'exercer une critique… C'est ainsi qu'on arrive à produire, par voie de tradition, une apparente hérédité de la psychose au moyen d'une greffe d'une composante folle de la personnalité sur le surmoi." 151 S. Ferenczi renoue avec une théorie du traumatisme laissant une place à l'objet: désirs de l'adulte et détresse de l'enfant se mêlent dans une "confusion des langues", confusion du langage passionnel et du langage de la tendresse. Le traumatisme porte la marque des défaillances de la relation à l'objet primaire que ce soit dans le sens d'un excès, d'un trop de séduction, ou d'une carence, défaillance du pare-excitation, de la fonction contenante. Le traumatisme alors risque de ne pas produire uniquement un effet désorganisateur sur le registre des processus secondaires, mais bouscule toute l'organisation du Moi.

L'intérêt de S. Ferenczi pour les mécanismes "auto", le conduit à une conception du clivage qu'il appelle "narcissique". "Il semble vraiment que sous la pression d'un danger imminent, un morceau de notre soi se clive comme instance auto-perceptive, instance voulant s'aider soi-même et ceci vraisemblablement dès la petite et même la très petite enfance." 152 Le clivage est alors une tentative désespérée d'auto-étayage qui signe l'absence de réponse de l'objet face à une situation de détresse, ce que l'on retrouve dans la métaphore du "nourrisson savant" 153 . Cette conception du clivage fait écho à un autre concept utilisé par S. Ferenczi, l'auto-symbolisation. Ces phénomènes d'auto-symbolisation sont des formations symptomatiques transitoires représentant "l'auto-observation symbolisée du fonctionnement psychique" 154 . S. Ferenczi propose ainsi quelques éléments cliniques à une psychopathologie des troubles de la réflexivité.

Notes
151.

FERENCZI S., 1932, "La confusion des langues entre les adultes et les enfants", Psychanalyse, 4, Payot, 1979, p. 100.

152.

FERENCZI S., 1932, Journal clinique, Payot, p. 98.

153.

FERENCZI S., 1923, "Le rêve du nourrisson savant", in Psychanalyse 3, Payot, 1974.

154.

FERENCZI S., 1912, "Formations symptomatiques passagères au cours de l'analyse", Psychanalyse, t. 1, Payot, 1975, p. 206.