1.5. TAUSK.

Victor Tausk est une des figures singulières de la Société Viennoise de Psychanalyse dont l'existence se termine tragiquement en 1919 dans une sorte de double suicide, un coup de revolver et une pendaison. Malgré sa brièveté, son œuvre contient un maillon important de la théorisation psychanalytique des psychoses. Son texte de 1919, intitulé "De la genèse de l'appareil à influencer au cours de la schizophrénie" 155 , tout en respectant l'orthodoxie psychanalytique, apporte un regard clinique critique sur les conceptions freudiennes issues de l'étude de la paranoïa et donne au corps un statut particulier par son étude de l'hypocondrie. Sa reprise de la notion de régression libidinale s'ouvre sur une clinique du corps, un corps à la fois intérieur et extérieur, transitionnel en quelque sorte.

Il faut noter que cette théorisation est issue d'observations cliniques directes, d'un contact avec des patients délirants, notamment deux femmes ; "Mlle Emma A." et "Mlle Natalia A.". Emma fut aussi citée par S. Freud, elle se sentait sous l'influence de l'homme qu'elle aimait. Mais c'était un "mauvais homme" qui faisait "tourner les yeux". Natalia se sentait victime de l'influence d'un appareil électrique ayant la forme d'un corps humain féminin manipulé par des "malfaiteurs", son influence se traduisait directement au niveau de son corps, de ses sensations. Mais, comme le fait remarquer T. Vincent 156 , V. Tausk ne considère pas seulement cet appareil à influencer comme un délire qu'il faudrait interpréter à la manière d'un rêve porteur d'une fantaisie inconsciente, mais comme la résurgence d'un moment d'une ontogenèse, d'un processus psychique maturatif en échec, qu'il faut mettre à jour.

Notes
155.

TAUSK V., 1919, "De la genèse de la "machine à influencer" au cours de la schizophrénie", in Œuvres psychanalytiques, Payot, 1975.

156.

VINCENT T., 1995, La psychose freudienne, Arcanes.