2.1.1. L'analyse directe.

Dans les États-Unis des années 40, J.N. Rosen oppose une méthode psychothérapique aux traitements médicaux en vigueur dans les établissements psychiatriques, des "traitements de choc" constitués de comas insulinique ou d'électrochocs, voir de lobotomie. Il nomme, en reprenant un commentaire de ses travaux par P. Federn, sa méthode "l'analyse directe". Il applique de manière abrupte, il décalque, le modèle du rêve à la psychose. La psychose est un rêve éveillé qui offre un "inconscient à ciel ouvert" au regard de son thérapeute. "Qu'est-ce qu'une psychose sinon, par son contenu manifeste, un interminable cauchemar dans lequel les désirs sont si bien camouflés que le malade ne s'éveille pas ? Alors, pourquoi ne pas réveiller le malade en lui démasquant le contenu réel de sa psychose." 194

Si la psychose est un rêve et le psychotique un rêveur éveillé, alors le psychanalyste possède là un accès direct à l'inconscient de ses patients. Il peut même se passer des chaînes associatives verbales, tout est interprétable directement, non seulement le discours mais aussi toute expression même non verbale. Au-delà de ce plaquage conceptuel, J.N. Rosen essaye surtout de se proposer, de s'imposer, à ses patients en bon objet, en "bonne mère", obéissant aux critères d'une "grande loi" universelle régissant les rapports entre la mère et son enfant. "La grande loi de l'analyse directe est que le thérapeute se conduise comme un protecteur aimant et omnipotent qui nourrit le malade. En d'autres termes, il doit être la mère idéale dont le rôle est d'élever l'enfant (le malade) à nouveau. Cette tâche doit être entreprise parce que le malade, par suite de tensions psychiques insupportables, est, à toutes fins pratiques, redevenu un nourrisson. Pour l'analyse directe , cette catastrophe est l'effet de soins maternels inconsciemment maléfiques. On peut donc prédire qu'une mère bienveillante servira d'antidote, avant même d'avoir recours à un matériel clinique abondamment démonstratif. Nous croyons aussi que l'inconscient du nourrisson perçoit fort bien les qualités qui font une mère bienveillante." 195 L'objet et son investissement ne sont pas reconstruits, la toute-puissance thérapeutique relève le défi de la toute puissance de la pathologie dans un choc frontal qui se veut réparateur.

Par sa "méthode active", J.N. Rosen tente de s'introduire de manière thérapeutique dans l'univers délirant de ses patients en établissant un rapport de force face aux débordements du ça responsables du développement de la psychose. L'interprétation "directe" doit détruire le délire et révéler au patient sa folie. J.N. Rosen tente d'imposer une relation, sur le modèle du transfert maternel, à ses patients dans un affrontement suscitant des réactions violentes pouvant entraîner des rapports de force physique. Il explore l'univers délirant de ses patients, et la position maternelle que peut prendre le thérapeute, en bousculant le cadre psychanalytique mis en place par S. Freud. J.N. Rosen franchit le "mur du narcissisme" pour imposer des interprétations visant à contenir les débordements pulsionnels.

Notes
194.

ROSEN J.N., 1946, L'analyse directe ; principes généraux, PUF, p. 4.

195.

ROSEN J.N., 1946, op. cit., p. 23.