1.2.1. Éléments sur l’histoire de Fosco.

Fosco est né au début des années soixante-dix, il est le fils unique d’un couple divorcé quand il avait dix-sept ans. Son père est chef de chantier, sa mère, sans profession jusqu’au divorce, travaille comme agent d’entretien dans un établissement médico-social, puis dans un collège de l’Éducation Nationale. Dans la petite enfance de Fosco, la famille s’est déplacée en fonction des embauches du père sur des chantiers. Fosco est né dans la Drôme, puis il a vécu toute son enfance dans l’Ain, d’abord dans un logement qui faisait partie intégrante de l’entreprise qui employait son père, puis dans la maison construite par son père.

Durant l'enfance de Fosco, les relations entre les parents sont très conflictuelles, violentes, les menaces de séparations fréquentes. La construction de la maison permettra au père de Fosco de mener une double vie. Il est très proche de son fils, il partage avec lui des loisirs, de longues randonnées cyclistes, mais il l’utilise aussi comme alibi couvrant ses liaisons extraconjugales. Le divorce est très difficile, très conflictuel, la mère de Fosco fera pression pour que son fils témoigne contre son père, ce qu’il refusera.

Fosco est décrit par sa mère comme un enfant fragile et solitaire. Après une scolarité secondaire sans problèmes apparents, il est hospitalisé pour la première fois, à l’âge de 18 ans, un an après le divorce de ses parents, au Centre Psychothérapique de l’Ain pour anorexie, isolement, bizarrerie du comportement. Il s’était réfugié dans sa chambre au sein de la maison familiale désertée par le père, il ne mangeait quasiment plus, plongé dans ses cours de terminale alors qu’il venait de passer son Bac avec succès et qu’il était inscrit dans un BTS de comptabilité. Il reprend ses études, valide sa première année, mais il ne se sentira plus capable de suivre la deuxième année. Il se retrouve sans ressources: il perd sa bourse scolaire en renonçant à cette année d'étude, son père lui refuse toute aide matérielle pour l'inciter à travailler, et sa mère vide son livret d'épargne, que son père avait mis en place pour préparer son avenir. En situation d'extrême précarité, il décompense à nouveau et se réfugie à l'hôpital, dans le même Centre Psychothérapique, deux ans après la première hospitalisation avec un diagnostic de bouffée délirante (impression d’être surveillé, fausses reconnaissances, délire à propos de sa filiation).

A l’issue de cette hospitalisation, il séjourne dans un appartement thérapeutique géré par le Centre Psychothérapique de l’Ain. Mais sa famille a quitté le département, la maison est vendue, le père est installé dans le sud de la France et il n’a pas laissé d’adresse pour fuir le harcèlement de son ex-épouse, et la mère a trouvé un emploi en Haute-Savoie. Alors Fosco interrompt ses soins et part rejoindre sa mère. C’est leur cohabitation difficile dans un studio qui conduira à notre première rencontre au Centre Médico-Psychologique trois ans après sa première hospitalisation.

Dans un climat très tendu, Fosco apparaît extrêmement angoissé, mais il dénie toute pathologie et refuse de voir un psychiatre. Après quelques entretiens, il acceptera de rencontrer un médecin et une assistante sociale dans le centre de consultations, il sera hospitalisé peu de temps après, souffrant d’un syndrome d’influence et de fuite des idées.

Fosco sera hospitalisé à plusieurs reprises, parallèlement il s’installera dans un studio au sein d’un foyer de jeunes travailleurs. Entre les périodes d’acuité symptomatique, il aura une activité professionnelle, réparation et vente d’objets d’occasion, et il suivra des formations qualifiantes dans le domaine de la micromécanique. Cependant, il n’arrivera pas à s’intégrer dans le milieu professionnel normal ce qui amènera à sa reconnaissance comme travailleur handicapé allocataire d’une pension. L'été, durant les périodes de réduction d'activité des services de psychiatrie, il part pour de longs périples solitaires à vélo dans le sud de la France et dans les pays du bassin méditerranéen comme l'Espagne ou l'Italie. Pendant un mois ou deux, il vit une sorte d'errance organisée qu'il termine la veille de ses rendez-vous avec le personnel soignant.

Cinq ans plus tard, il traversera une grave crise. À cette période, il sera hospitalisé à plusieurs reprises pour des motifs différents à chaque fois liés à ses comportements: il est retrouvé errant sur la voie publique s'exprimant par écholalie, une autre fois il occupe un cimetière en interdisant l'entrée à quiconque, il s'en prendra aussi à la voiture de sa mère dont il détériorera la carrosserie.

Un ans après cet épisode, il interrompra les soins pendant six mois laissant sa famille et les soignants sans aucune nouvelle. Il sera hospitalisé dans un hôpital du sud de la France après avoir été victime d'une agression qui met fin à une errance pathologique. Durant ces six mois, il a voyagé dans le midi, région de sa naissance, suivant la trace du "chemin des Papes" guidé par des hallucinations. Il est rapidement renvoyé dans sa région d'origine, mais une modification administrative du découpage sectoriel le contraint à un changement de service. Cependant, il souhaite conserver le même psychologue et continue donc son suivi psychothérapique avec moi.

Fosco se rétablit assez vite et à la suite de son séjour hospitalier, il réclame une prise en charge à temps partiel en hospitalisation de jour. Quelques années plus tard, à la surprise de tous, ayant réussi l’exploit d’économiser des années durant sur ses maigres ressources, il achète un terrain dans l’Ain et y construire sa maison.