2.2. DU MOI-PEAU AUX CONTENANTS DE PENSEE.

D. Anzieu, avec le "Moi-peau", a enrichi et relancé un débat déjà existant autour des notions de frontière, de barrière, de limite et de contenant. Pour D. Anzieu, le "Moi-peau" est un pré-concept, une "métaphore théorique", qui permet de repérer le rôle du contenant psychique parfois occulté par l'importance des contenus psychiques dans l'élaboration et la théorisation psychanalytique. Cet intérêt porté aux contenants psychiques, différenciés des contenus psychiques, va susciter de nombreux travaux qui vont faire émerger un concept de portée générale: les contenants de pensée.

En 1985, D. Anzieu développe et définit la notion de Moi-peau qu'il a introduit une dizaine d'années plus tôt: "Le Moi-peau est une réalité d'ordre fantasmatique: à la fois figurée dans les fantasmes, les rêves, le langage courant, les attitudes corporelles, les troubles de la pensée ; et fournisseur de l'espace imaginaire constituant du fantasme, du rêve, de la réflexion, de chaque organisation psychopathologique." 405 Cette définition situe d'emblée le Moi-peau dans le champ de notre réflexion sur l'organisation du processus représentatif et de l'auto-représentation, de la réflexivité. Le Moi-peau est à la fois un "fournisseur" d'espace représentatif, "constituant" de la représentation dans un sens large qui couvre fantasme, rêve et pensée, tout en étant lui-même "figuré", nous préciserons même auto-figuré, au sein des fantasmes des rêves et des pensées.

D. Houzel 406 reprend, dans une réflexion globale sur les structures frontalières, l'idée que la notion d'enveloppe psychique est liée à la nécessité fondamentale pour le psychisme de se construire une cohérence et une identité. Cette cohérence et cette identité supposent une capacité à différencier ce qui nous appartient en propre, ce qui appartient à autrui et ce qui appartient au monde perceptif. L'enveloppe psychique représente alors une double ligne de démarcation entre monde interne et monde extérieur, entre monde psychique interne et monde psychique d'autrui. Cette proposition théorique contient un implicite qu'il nous paraît important de relever, l'enveloppe psychique est une représentation de structure frontière, une représentation d'une opération de différenciation psychique, et, à ce titre, son appropriation subjective est un élément constitutif de l'identité.

Le Moi-peau vient donc soutenir cette théorisation de la notion d'enveloppe psychique, de structure frontalière. Le concept d'enveloppe, possédant de multiples fonctions, vient rassembler toutes sortes de travaux antérieurs sur certaines fonctions constitutives de l'appareil psychique en leur donnant une unité, une cohérence. Toutefois, l'existence de limites et de frontières avait été repérée et théorisée dès les premiers temps de la psychanalyse.

Notes
405.

ANZIEU D., 1985, Le Moi-peau, Dunod, p. 4.

406.

HOUZEL D., 1987, "Le concept d'enveloppe psychique", in ANZIEU D. et coll. Les enveloppes psychiques, Dunod.