3.2.4. Les processus tertiaires.

A. Green pose d'une façon différente la question de l'articulation, et de la désarticulation, entre les processus primaires et les processus secondaires. Selon lui cette articulation ne va pas de soi, la domination d'un type de processus sur l'autre entrave le fonctionnement psychique. Il propose, en 1972, le concept de processus tertiaires pour dépasser une limitation de la théorie freudienne devenue une "impasse clinique", si l'on considère que l'analyse ne vise qu'à transformer les processus primaires en processus secondaires. Les processus tertiaires ou intermédiaires permettent de développer un va et vient élaboratif fluide entre les processus primaires et les processus secondaires. "Par processus tertiaires , j'entends les processus qui mettent en relation les processus primaires et les processus secondaires de telle façon que les processus primaires limitent la saturation des processus secondaires et les processus secondaires celles des processus primaires." 627 En lien avec le langage, ils constituent ainsi un ensemble de transitions et de transformations caractéristiques de la mobilité psychique qui favorise la créativité, l'invention et le jeu. Ces processus tertiaires ne désignent pas une catégorie particulière de processus repérables dans la psyché, il s'agit de processus de relations, de processus intermédiaires, inspirés par les processus transitionnels théorisés par D.W. Winnicott.

Pour A. Green, les processus tertiaires garantissent des relations équilibrées entre les processus primaires et les processus secondaires correspondant à des critères de normalité au regard de la psychanalyse. Cette notion est présente dans son ouvrage consacré à la psychose 628 , co-écrit avec J.L. Donnet en 1973. Il y esquisse une théorie des espaces psychiques où il formule l'hypothèse d'un "espace transitionnel interne". Cet espace se situe entre le moi et le ça, il est le siège d'un travail de conjonction et de disjonction entre ces deux instances, et de liaison entre processus primaires et processus secondaires. En suivant ce raisonnement, il apparaît qu'il y a des modalités de liaison entre processus primaires et processus secondaires qui peuvent être globales ou partielles, c'est-à-dire portant sur l'ensemble des différentes caractéristiques de chaque type de processus ou sur une partie de ces caractéristiques. De plus cette opposition peut être suspendue, rendue indécidable dans un "espace transitionnel interne". Cette approche laisse donc place à des formations intermédiaires entre ces deux registres permettant leur bon fonctionnement.

Cet abord se retrouve dans les travaux de R. Roussillon, que nous reprendrons plus en détail à propos de la métapsychologie des processus. Pour lui, "…l'opposition primaire/secondaire que Freud élabore en 1900 n'est qu'un cas particulier d'un modèle plus général de cette opposition structurale." 629 Il définit quatre grands opérateurs généraux (type de modalité de liaison, type d'organisation conventionnelle intersubjective, type de temporalité, type de négativité) dont les formes évoluent avec le temps et les registres de fonctionnement. Ces quatre opérateurs forment une matrice d'éléments solidaires. Le jeu des processus primaires et secondaires peut être alors modulé pas la mise en suspend d'un de ces opérateurs.

Notes
627.

GREEN A., 1972, "Note sur les processus tertiaires", in Revue Française de Psychanalyse, n°3, p. 408.

628.

DONNET J..L. et GREEN A., 1973, L'enfant de ça, Éd. de Minuit.

629.

ROUSSILLON R., 2001, Le plaisir et la répétition, Dunod, p. 51.