Notre étude s’inscrit dans le cadre de la nouvelle Histoire religieuse et politique contemporaine du Gabon. Une Histoire religieuse et politique qu’Aline Coutrot, présente en ces termes:
« Aujourd’hui, les forces religieuses [l’Eglise catholique] sont prises en compte comme facteur de l’explication politique dans de nombreux domaines, elles font partie du tissu politique, relativisant l’intransigeance des explications fondées sur les facteurs socio-économiques » 10 .
Il ne s’agit pas d’une étude spécifique, sur la Mission au Gabon, sur l’histoire coloniale, encore moins d’une étude canonique sur l’Eglise catholique au Gabon, bien que nous ayons une approche théologique et canonique à travers les textes pontificaux et épiscopaux pour comprendre les causes et les raisons de l’intervention de l’Eglise dans les mutations politiques.
Ensuite, pour décrire, comprendre et analyser le comportement des acteurs, de la vie politique en générale (élections, violence politiques) et pour comprendre l’attitude de l’Eglise à partir de l’engagement des clercs et des laïcs, nous avons recours à la sociologie religieuse et à l’Histoire des mentalités initiée par les fondateurs des Annales, autrement dit à l’Histoire culturelle.
Enfin, cette étude concerne deux principaux éléments d’articulation, « L’Eglise catholique » et « la vie politique ». Il ne s’agit pas d’une comparaison des deux éléments. Nous nous interessons aux relations, aux interférences de la religion et de la politique au Gabon. Les mots « relation, contribution, conséquence » sont la base de notre analyse. Notre étude tente de rassembler les positions des historiens du politique et religieux gabonais.
Les liens intimes entre l’Eglise catholique et la vie politique, ont longtemps été négligés par les historiens du politique gabonais, qui s’intéressaient uniquement aux relations entre la Mission, puis l’Eglise catholique et l’administration coloniale, puis l’Etat gabonais dans le domaine de l’éducation. Les historiens religieux gabonais ne s’intéressaient qu’aux hauts faits missionnaires et ecclésiaux. Ce rapprochement est nécessaire et nous le complétons avec les nouvelles conceptions à cause des convergences entre l’histoire politique et l’histoire religieuse constatées ces trois dernières décennies en France 11 . Nous tenons compte de cet acquis de l’historiographie française, qui ne doit pas rester vain, pour un élargissement et un approfondissement de la recherche historique au Gabon.
Nous pensons effectivement comme Aline Coutrot qu’ « à partir du moment où l’historien prend en compte l’interdépendance des champs disciplinaires, privilégie la longue durée, il découvre la force explicative du religieux ». 12
En travaillant sur cinquante ans, cette étude permet de déceler les données religieuses dans la vie politique et de déterminer la religion comme une « force explicative », comme un agent de construction de la nation gabonaise. C’est la raison pour laquelle dans la description et l’analyse nous faisons parfois référence à d’autres Églises chrétiennes, surtout l’Eglise Evangélique du Gabon 13 , et à d’autres religions comme l’Islam, voire les religions traditionnelles comme le Bwiti. Toutefois l’Eglise catholique reste notre principal centre d’intérêt et il s’agit toujours d’elle lorsque nous disons simplement Eglise.
L’approche comparative intervient lorsque nous faisons allusion à d’autres pays africains qui ont une histoire proche de celle du Gabon et qui ont connu en 1990 des « changements » politiques liés aux Conférences nationales. Il s’agit des pays d’Afrique Noire francophone comme le Congo Brazzaville, le Togo et le Bénin où l’Eglise s’est retrouvée « au perchoir » pour diriger la Conférences nationale ou la période de transition.
Pour tout dire, cette étude vise à contribuer à la reconstruction intelligible du passé religieux et politique, des rapports entre l’Eglise catholique et la politique, entre l’Eglise et la société au Gabon dans la seconde moitié du XXè siècle.
Sous la dir. de Rémond (R), Pour une histoire politique, Paris, Seuil, Op. Cit. p. 287.
L’historiographie gabonaise s’inspire très largement de l’historiographie française
Rémond (R), Pour une histoire politique, Op. Cit. p. 290.
Depuis trois décennies l’Eglise Evangélique ou protestante connaît trop de divisions internes qui amenuisent son efficacité. Cependant elle demeure la seconde force religieuse du pays.