● Evolution du territoire du Vicariat des Deux Guinée

Le Vicariat apostolique du Gabon était issu de ce qu’on appelait le « Vicariat apostolique de la   Guinée supérieure et inférieure». Cette appellation de Guinée Supérieure et inférieure était liée à la méconnaissance de la géographie de l’Afrique par les missionnaires européens. En effet, au XIXè siècle, en dehors de quelques points sur les côtes, l’Afrique demeurait en grande partie inconnue.

Les missionnaires divisèrent l’Afrique en deux régions aux limites imprécises : la Guinée supérieure ou septentrionale qui s’étendait du Sénégal au Congo et la Guinée inférieure ou méridionale, qui comprenait le Congo et les points côtiers en dessous. Le Gabon faisait donc partie de la Guinée supérieure. Le nom le plus courant de cette terre des misions est donc celui des « Deux Guinées »

Jadis préfecture apostolique 48 , « Le Vicariat Apostoliques Des Deux Guinées » fut créé le 3 octobre 1842 à la suite de la nomination de Mgr Barron comme Vicaire apostolique, le 28 septembre 1842 49 . Malgré un intense travail, à la tête du Vicariat, caractérisé par de nombreux voyages, la recherche de fonds et du personnel, Mgr Barron se découragea en 1844. En effet, c’est depuis le Gabon, où allait pourtant reprendre un mois plus tard l’évangélisation de l’Afrique, que le 7 août 1844, Mgr Barron envoya une première lettre au cardinal préfet de la Propagande pour donner sa démission et demander son retour aux Etats-Unis. Il confirma son intention de démissionner dans deux autres lettres écrites le 3 septembre 1844 à Gorée, adressée de nouveau au cardinal Fransoni et une autre, le 9 janvier 1845, à Libermann 50 .

Sa démission fut acceptée, non sans peine, par le Préfet cardinal de la Propagande au début de l’année 1845. « La Propaganda de Fide » décida alors de confier le Vicariat à des préfets apostoliques avec résidence à Dakar. Jusqu’en 1847, dont la Mission du Gabon 51 en faisait partie comme simple station.

A la suite de la démission définitive de Mgr Barron, le 13 janvier 1845, qui déclina même une affectation en Australie, Rome rétablit la « Préfecture Apostolique des Deux Guinées » et la confia à la Congrégation du Saint-Cœur de Marie, le 16 janvier 1845 52 . Les préfets apostoliques, issus de la congrégation du Saint Cœur de Marie, furent Mgr Tisserand et Truffet qui eurent la responsabilité du Vicariat entre 1845 et 1847.

Photo 2: Les deux préfets apostoliques après la démission de Mgr Barron
Photo 2: Les deux préfets apostoliques après la démission de Mgr Barron

Source : Naissance d’une Eglise

Libermann nomma Eugène Tisserand en octobre 1845 comme Préfet Apostolique des Deux-Guinées. Né à Paris d'une mère originaire d’Haïti, Eugène Tisserand avait contribué à la fondation de la Congrégation missionnaire du Saint-Cœur de Marie. Devenu prêtre en 1841, Il servit d'abord en Haïti. Et y occupa même la fonction de Préfet Apostolique, le 16 juillet 1844. Il quitta l'île à cause des événements violents qui se déroulaient. En octobre 1845, il fut nommé Préfet Apostolique de la Guinée septentrionale qui, comprenait « toutes les côtes depuis celle de Sierra-Leone, jusqu'au Gabon inclusivement » 53 . Sans perdre de temps, Eugène Tisserand s'embarqua pour l'Afrique à Toulon, fin novembre 1845. Mais son navire, le 7 décembre 1845, fit un naufrage et il périt en mer.

Pour mémoire, avant la nomination du nouveau Préfet Apostolique, le Père Jérôme Gravière assuma pendant quelques mois cette charge de Préfet Apostolique de la Guinée Septentrionale 54 .

Avec la nomination de Mgr Etienne Truffet, en décembre 1846, le Vicariat retrouva l'appellation des «  Deux-Guinées ». Le Père Gravière devint alors Vicaire général pour le Gabon 55 . En effet, en juillet 1846, le Pape Pie IX rencontra Libermann et lui remit un mémoire où il demandait la démission du Mgr Barron et lui proposait trois candidats. Rome confia la préfecture Apostolique des Deux-Guinées au Père Etienne Truffet. Savoyard de Chambéry, né le 29 août 1812, il fut ordonné prêtre en 1835 et il choisit de devenir missionnaire début 1846. Etienne Truffet fut, nommé Préfet Apostolique des Deux-Guinées, (décembre 1846) avant même d'avoir terminé sa formation en tant que missionnaire. Il prononça ses vœux le 6 janvier 1847.

Nommé Evêque de Callipolis et Vicaire Apostolique des Deux-Guinées, il fut consacré le 25 janvier 1847, à Notre Dame des Victoires. Parti de Bordeaux le 28 avril 1847, pour son territoire missionnaire, il arriva à Dakar le 7 mai et il mourut six mois plus tard, le 23 novembre 1847, plus victime de ses austérités et de son labeur intense que des rigueurs du climat 56 .

Mgr Truffet se caractérisa par un profond attachement aux prescriptions du Saint-Siège. D'après un témoignage du Père Lossedat, toutes les recommandations de Mgr Truffet étaient fortement inspirées des volontés de la Propagande. Mgr Truffet possédait « un esprit souverain pour l'Eglise et un attachement inébranlable à son chef (…) 57  ». Paule Brasseur présente Mgr Truffet comme un partisan de l'infaillibilité du Pape. Dans l'ensemble, Mgr Truffet plaçait l'œuvre missionnaire sous la conduite de Dieu et du Saint-Siège 58 .

En 1848, des changements intervinrent dans l’administration du Vicariat. Le chef lieu, de cette immense circonscription apostolique, fut établi au Gabon à la mission Sainte Marie et le père Béssieux, entre temps devenu évêque, fut nommé à la tête du Vicariat des « Deux Guinées et de la Sénégambie », avec un coadjuteur résident à Dakar pour la Sénégambie.

Les premiers démembrements, les plus importants, du Vicariat Apostolique  des Deux Guinées, eurent lieu le 13 avril 1858 avec la création des Vicariats Apostolique de Fernando-Po et de Sierra Leone; la création le 28 août 1860 et le 6 février 1863, respectivement, des Vicariats Apostolique du Dahomey et de la Sénégambie. Mgr Béssieux resta à la tête du Vicariat  des Deux Guinées. En fait, à mesure que l’évangélisation avançait sur les terres d’Afrique, le Saint Siège érigeait d’autres Vicariats et préfectures Apostoliques (par exemple la création de la Préfecture apostolique de Cimbébasie et de la Côte d'Or) 59 .

En fin de compte, ce qui était l’immense Vicariat des Deux Guinées, au départ, fut divisé d’année en année en de multiples « champs de missions » qui furent confiés à plusieurs autres congrégations missionnaires. Une carte tirée de la revue missionnaire des Pères blancs, « Vivante Afrique » publié par Jean Iboudo dans sa communication lors du Colloque de Bologne en 1988, sur « l’Eglise et l’Histoire de l’Eglise en Afrique », permet de dater l’arrivée de ces congrégations, en vagues successives, qui pénétraient jusqu’au cœur du continent 60 .

Ce sont par exemple les Jésuites dès 1845 à Madagascar, les Pères Oblats dans le Natal en 1852, les Pères de la Mission Africaine de Lyon en Sierra Léone dès 1858, les Pères Blancs du cardinal Lavigerie dès 1868 à Laghouat dans le Sahara à partir de 1868 ; les Pères de Marianhill dans le natal à partir de 1882 ; les Pères du sacré cœur à Fernado-Pô à partir de 1885, les Pères de Scheut dans le Congo belge en 1888 et la même année les Bénédictins à Dar es Salam, les Pères Pallotins en 1890 au Cameroun, la Mission du Vrai Divin au Togo en 1892, les Trappistes en 1894 au Congo belge, les Lazaristes en 1896 à Madagascar, les Prémontrés à Ouélé en 1898, les Montfortains en 1903 à Shire, les Capucins en Oubangui et les Dominicains dans l’Uelé oriental en 1911 61 .

Notes
48.

Elle fut créée le 22 janvier 1842. cf. DOCOPM, Annuaires des Missions catholiques, Délégations Apostolique de Dakar, 1957

49.

DOCOPM, Annuaire des Missions catholiques, Ibid.

50.

Nous revenons sur le contenu de ces lettres lorsque nous évoquons les conditions pour lesquelles le Vicariat fut confié à Mgr Bessieux en 1948. A lire la présentation des Vicaires Apostoliques

51.

Au Gabon il s’agit d’une seule mission, celle d Sainte Marie.

52.

Elle ne devint Congrégation du Saint esprit qu’en 1848 à la suite de la fusion.

53.

Archives CSSP, Lettre du Père Libermann du 11 mai 1845.

54.

Père Gérad Morel, Naissance d’une Eglise, 1994. Cf. aussi, Entretien du 28 novembre 2001 à Libreville

55.

Père Gérard Morel, Naissance d’une Eglise, 1994, Cf. aussi, entretien du 28 novembre 2001 à libreville.

56.

Père Gérard Morel, Naissance d'une Eglise, 1994

57.

Archives CSSP, Boite 165, Dossier A, Témoignage du Père Lossédat. Richard Sirugue, Les Mission chrétiennes du Gabon de 1920 à l’indépendance, Mémoire de DEA sous la direction de Claude Prudhomme, Lyon II, 1997.

58.

Brasseur Paule, « Les Missions catholiques et l'administration sur la côte d'Afrique de 1815 à 1870 ». Revue française d'histoire d'Outre-Mer, n° 228, 1965, P. P. 415-446.

59.

Archives CSSP, Boite 168 Dossier A, L’évolution du vicariat des Deux Guinées. 1877.

60.

Jean Iboudo, « De l’Histoire des missions à l’histoire de l’Eglise » in Eglise et Histoire de l’Eglise en Afrique, Actes du colloque de Bologne, 22-25 octobre 1988, édités par Giuseppe Ruggieri, Beuchesne, 1989.

61.

Jean Iboudo, id. & Ibid, « a l’assaut de l’Afrique »