● Evolution du personnel religieux de 1844 à 1945.

Nous présentons à travers le tableau qui suit l'évolution des effectifs religieux dans le vicariat du Gabon. Trois périodes se dégagent d’après les chiffres de ce tableau: De 1844 à 1870, au moment de l'implantation; de 1890 à 1914 juste avant le début la "Grande Guerre"; et de 1930 à 1945 la fin de la Seconde Guerre.

Tableau 2: Evolution quinquennale du personnel religieux de 1845 à 1945
Années Prêtres
Cssp
Prêtres
indigènes
Frères
Européens
Frères
indigènes
Sœurs de l'Immaculée Sœurs
indigènes
Total
1845 1   1       2
1850 7   3       10
1855 6   2   5   13
1860 6   4   5   15
1865 4   7   10   21
1870 6   8   11   25
1875 7   9   11   23
1880 10            
1885 16   14   15   45
1890 23   25   16 1 65
1895 31   19 2   1 53
1900 35 1 24 3 34 1 93
1905 42 1 36 3 40 1 122
1910 43 1 25   31 1 101
1915 28 1 18     5 52
1920 29 4 16   28 10 87
1925 29 7 17   33 15 101
1930 25 10 18   26 24 103
1940 32 10 22 7 27 24 122
1945 25 10 22 10 28 24 119

Source : Archives CSSP et DOCOPM

Ce tableau a été élaboré à partir des chiffres et statistiques contenus dans les Rapports quinquennaux ou les rapports annuels dressés par les Vicaires Apostoliques 111 . Les chiffres traduisent, d'une manière générale, pendant un siècle, la situation du personnel religieux en service dans le Vicariat Apostolique du Gabon. Ces chiffres démontrent la prépondérance des missionnaires, européens, surtout du Saint-Esprit qui avait la charge l'évangélisation du Vicariat. Malgré une évolution croissante dans l'ensemble, il faut remarquer que les effectifs religieux stagnaient toujours pendant et ou après les Guerres (la Guerre Franco-Allemande en 1870, la Grande Guerre de 1914-1918 et la Seconde Guerre Mondiale de 1940 à 1945). Les missionnaires pendant ces périodes étaient mobilisés comme leurs compatriotes civils. Le Vicariat était, souvent, coupé de l'Europe.

Dans ces conditions il devenait impossible de faire venir d'autres missionnaires et de faire reposer ceux ou celles qui étaient en poste, fatigués. A titre d’exemple, pendant la Seconde Guerre, Mgr Tardy avait trouvé un palliatif à ce problème. Plusieurs missionnaires du Gabon ayant besoin de changement d'air, ne pouvant se rendre en Europe, purent passer les vacances sur les Plateaux d'Angola où se trouvaient des établissements spiritains112.

En ce qui concerne le personnel religieux indigène, entre 1895 et 1945 il était en nette croissance. Même s'il eut une augmentation quantitative plus rapide chez les femmes: De 1 à 10 prêtres pour les hommes, et 1 à 24 sœurs pour les femmes, soit le double, entre 1900 et 1945. Cela était du au fait que les indigènes, hommes, avaient le choix entre le sacerdoce et la fonction de Frère.

Tandis que les femmes n'avaient pas de choix et leur formation pouvait se faire sur place. D'autre part les missionnaires étaient plus rigoureux pour la formation au sacerdoce. Alors que les frères, plus nombreux, étaient d'avantage utile comme main d'œuvre, à cette époque d'intenses travaux de constructions et autres.

La Mission du Gabon, entre 1844 et 1945, fut donc développée par un petit nombre de missionnaires mais en croissance perpétuelle, malgré les épisodes des Guerres. Les Vicaires apostoliques successifs, devant l'immensité de la tâche, demandaient souvent du renfort 113 car, chaque fois, ils jugeaient ce personnel trop faible. Le personnel était, en outre, instable parce qu'il il subissait les agressions de la nature.

La mortalité missionnaire était extrêmement forte au Gabon entre 1844 et 1876. Cela est d'autant plus vrai que les « Diaires » des missions du Gabon de cette période signalent les nombreux accidents que subissaient les missionnaires.

Dans ces Diaires 114 , sont signalés, entre autre, les naufrages, les attaques d'animaux sauvages et surtout les morts par maladie. La nature, dans la forêt équatoriale, était, pour le moins qu'on puisse dire, hostile. Les missionnaires venant des zones les plus froides d'Europe avaient plus de mal pour s'adapter aux réalités du climat. Mgr Jean Martin Adam à son départ du Gabon, en 1914, parle d'une nature impitoyable:

‘« La mer pénètre à plusieurs kilomètres dans l'intérieur des terres et y dépose avec l'humidité, toutes sortes d'immondices qui se transforment rapidement en immenses marécages, vrais foyers permanents d'émanations de pestilence et de fièvre. Ajoutez à cela, la chaleur torride, invariable, implacable de la température, et vous ne serez pas étonnés que pour la seule année 1890, nous ayons eu à enregistrer le chiffre effrayant de onze morts sur un personnel de quarante religieux et religieuses » 115

Le successeur de Mgr Jean Martin Adam, Mgr Martrou, fut une victime de cette nature impitoyable. Il décéda à Sainte-Marie, dans la fleur de l'âge, à 48 ans. Le récit de son "agonie", un véritable calvaire, se trouve dans les Diaires ou Journaux de communautés conservés aux Archives de la Congrégation du Saint-Esprit à Chevilly.

Les missions, en terme de structures, étaient l'épine dorsale de l'organisation du Vicariat du Gabon. Dans ces missions, les religieux européens et indigènes vivaient en communauté. La plupart des Rapports des supérieurs 116 que nous avons consultés ne signalent pas d'abus ou de relâchement dans l'usage des pouvoirs accordés. Si les supérieurs, des postes missionnaires, étaient toujours les spiritains jusqu'en 1940, dans l'ensemble, les rapports annuels et quinquennaux des Vicaires apostoliques parlent surtout de "relations harmonieuses".

Toutefois il y avait des frictions. Mgr Tardy dans le Rapport quinquennal de 1930 présente l'abbé, indigène, Jean Obame comme une "tête fêlée". Plus loin, il affirme les bonnes qualités d'intelligence, de piété, de zèle et le bon esprit d'un autre abbé, indigène, Jean Baptiste Adiwa. Ce qui explique sûrement la raison pour laquelle ce dernier allait occuper à partir du 8 avril 1940 la fonction de supérieur des prêtres indigènes 117 .

Dans l'ensemble le personnel religieux était chargé du ministère d'évangélisation et de la direction des écoles. Les prêtres spiritains, puis indigènes, bâtissaient et évangélisaient. Les sœurs de l'Immaculée, puis les sœurs indigènes, éduquaient et soignaient. Tandis que les Frères européens et indigènes éduquaient et aidaient à bâtir.

Les prêtres et les sœurs indigènes, à cause de la maîtrise des langues locales étaient de bons auxiliaires pour les missions. Ils étaient de bon et précieux soutiens pour les prêtres, les sœurs et les frères nouvellement arrivés dans le Vicariat.

Enfin, la moyenne d'âge du personnel religieux, dans l'ensemble, était peu élevée, au début de l’implantation de la Mission au XIXè siècle. Elle variait toujours entre 30 et 40 ans. Mais avec les années, notamment au XXè siècle, Cette moyenne s’éleva: En 1930, par exemple la moyenne d’âge était de 53 ans d'après le rapport quinquennal 1925-1930 118 . Cela s’explique par le fait que les missionnaires mettaient plus de temps sur le terrain, certains mouraient sur place après un quart de siècle de mission.

Notes
111.

Ces Rapports se trouvent aux Archives CSSP. Ainsi qu'aux Archives de l'OPM à Lyon. Nous n'avons pas trouvé les chiffres de 1880 et 1930.

112.

Archives CSSP, Boîte 271, dossier A. Rapport annuel de 1945,

113.

Archives CSSP Cette idée de renfort apparaît dans plusieurs correspondances des missionnaires du Gabon, en commençant par Mgr Bessieux en 1846. Boite 166, Dossiers A et B, Boites 172, 173, 174.

114.

Aux Archives CSSP. Journaux des communautés. Mission du Gabon Cf. aussi, Boite 168, Dossier A et Boite 175, Dossier A et B. Nous ne pouvons revenir sur chaque cas car ils sont nombreux. Les faits relatés et la mortalité missionnaire peuvent faire l'objet d'un Mémoire ou d'une étude particulière.

115.

Archives CSSP, Boite 175, Dossier B, Rapport de Mgr Jean Martin Adam, 4è Vicaire Apostolique du Gabon (1897-1914).

116.

Archives CSSP, Boite 678, 680, 681, 691, 692, 693, Journaux des communautés,

117.

Archives CSSP, Boîte 272, Dossier B, Rapport quinquennal 1930-1935.

118.

Archives CSSP, Boîte 272, Dossier B, Rapport Quinquennal 1930-1935.