● Situation économique et juridique du vicariat

De par leur organisation et leurs oeuvres, les missions du Vicariat du Gabon remplissaient aussi "une fonction économique" 128 . La réalisation des plantations et le passage de plus en plus important des indigènes, surtout les miséreux, firent passer ces exploitations agricoles du stade familial à un niveau, toute proportion gardée, de production industrielle. Chaque mission dans un district possédait: des biens immobiliers comme les écoles ou les dispensaires et des propriétés comme des terrains et des plantations. La superficie des propriétés de la mission était mesurée en hectares.

Ils s'agissait d'immenses terrains sur lesquels, les missionnaires construisaient à l'avant l'église. Derrière l'église ou sur le côté ils élevaient: le presbytère, l'atelier de menuiserie. Sur le côté de la propriété, à l'endroit le plus accessible sans perturber les activités religieuses du culte, ils implantaient: les bâtiments de l'école, les bâtiments des internats. Derrière la propriété ou sur le reste du terrain, ils faisaient les plantations et plantaient les arbres fruitiers. Ils prévoyaient aussi, dans chaque propriété, un emplacement pour le cimetière de la mission. Les dimensions de ces structures variaient d'une mission à une autre. Nous n'avons pas consulté de documents donnant avec précisions les mesures de ces établissements dans une mission du Gabon. (Voir croquis de la mission)

Entre 1845 et 1945, le Vicariat du Gabon disposait donc d'énormes biens immobiliers et propriétés. Les missionnaires du Gabon achetaient des terrains pour construire et planter. Cette volonté avait été insufflée par Mgr Bessieux en 1845 qui acheta des portions de terres chez les Rois Mpongwé de la côte 129 . Au fil des ans la Mission avait fini par possédé des bien matériels " nécessaire au bon déroulement de l'évangélisation".

Dans les Rapports établis par le Vicaire Tardy, on trouve quelques chiffres des biens du Vicariat: en 1933, par exemple, la valeur des biens du Vicariat était estimée à 2.500.000, d'anciens Francs pour les biens immeubles et à 450.000 pour les capitaux. Quelques années plus tard, en 1937, ces valeurs n'avaient pas évoluées: elles étaient identiques 130 .De quoi s'interroger sur le mode d'évaluation.

Jusqu'en 1930, le Vicariat jouissait en paix de ses biens matériels (terrains, plantations, biens immobiliers…). Mais ce n'était qu'une simple tolérance de fait. La Mission n'ayant pas de capacité civile puisque la Loi française ne la lui reconnaissait pas. Toutes les propriétés et concessions qui avaient été obtenues dans le passé, avant 1930, n'avaient pas de fondements juridiques. De plus, le Vicariat du Gabon devait, au terme de la loi domaniale de 1899, pour bénéficier pleinement d'un titre juridique définitif et inattaquable, être soumis à la procédure de l'immatriculation.

Pour régulariser cette situation, plusieurs scénarios furent envisagés par les autorités du Vicariat. Il fut envisagé d'obtenir du gouvernement français en métropole la capacité civile, constituer une société civile. Aucune de ces solutions n'ayant aucune chance d'aboutir dans l'immédiat et ne paraissant même possible avant 1930. Les autorités du vicariat s'adressèrent au gouvernement de la colonie du Gabon.

Profitant des bonnes dispositions et des facilités que donnait la direction des domaines à cette époque, les autorités vicariales entreprirent de faire immatriculer, peu à peu, au nom de personnel du Vicariat, toutes les concessions et propriétés. Mais, en 1930, seules trois propriétés avaient déjà été immatriculées d'après le rapport quinquennal.

Il faut dire que l'inconvénient de la procédure d'immatriculation était qu'elle exposait à des droits de succession à la mort du Vicariat apostolique. Heureusement pour les missionnaires, ces droits, contrairement à ceux de la métropole, étaient très peu élevés dans la colonie. Pour assurer la possession définitive et juridiquement inattaquable des possessions du Vicariat, les autorités décidèrent " de courir le risque de quelques droit à acquitter." 131

Après 1935, la question des propriétés de la Mission, longtemps en suspens fut résolue, du moins en partie, à cause de la magnanimité du gouvernement de la colonie et des facilitées de la direction des domaines 132 .

Notes
128.

Terme employé par Elikia M'bokolo, Afrique Noire Histoire et Civilisations, 1994, Op. Cit. P396.

129.

Archives CSSP, Boite 146, Dossier A, Lettres du Père Bessieux (Lettres de 1945)

130.

Archives CSSP, Boite 271, Dossier A, Status missionis, Rapports annuel de la Mission du Gabon.

131.

Archives CSSP, Boîte 271, Dossier A, Extrait du Rapport quinquennal de 1930,

132.

Archives CSSP, Boîte 271, Dossier A, Rapport Quinquennal de 1935,