● L'implantation sur la côte 1844-1876

La première mission fondée au Gabon fut celle de Sainte-Marie (voir photo), le 29 septembre 1844. Cette mission constitua le "pôle du christianisme" en Afrique et au Gabon. En 1945, cette mission avait déjà essaimé. C'était à partir de Sainte-Marie que tout le Gabon fut touché par la vague déferlante de l'évangélisation par les missionnaires français.

Une première chapelle avait été bâtie en planches par les premiers missionnaires, sur le site du Fort d'Aumale. Mais elle fut incendiée le 24 décembre 1848, suite à une malveillance du chef Akanda. Après ce sinistre, les missionnaires songèrent à faire une église en dur. Au moment de la reconstruction, tous les corps de bâtiments de la mission (église, résidence, écoles, ateliers) furent construits avec des murs épais de latérite. La chaux provenait des bancs de roches calcaires de la plage qui jouxtait la mission. Cette nouvelle église fut terminée en 1864 et fut bénite le 5 août par Mgr Bessieux 135 .

Photo 4: L'évolution de la mission mère du Gabon : Sainte Marie
Photo 4: L'évolution de la mission mère du Gabon : Sainte Marie

Source: Naissance d'une Eglise

Au moment de sa construction, la mission Sainte-Marie était un véritable monument long de 30 mètres sur dix, réalisée par les frères et leurs apprentis, sous la direction du Père Dupraz. Sur la photo ci dessous on aperçoit l'église au fond de la seconde image.

Les missionnaires catholiques ne se contentèrent pas seulement de Sainte-Marie. Pour enrayer l'action grandissante des missionnaires protestants américains, installés non loin de là à Baraka, les missionnaires catholiques décidèrent d'ouvrir des stations sur la côte, non loin de Sainte-Marie.

En 1848, une station fut fondée en pays Bengas, grâce au Père Lossedat, au Cap-Estérias. Il s'agissait de la station Saint-Joseph des Bengas, qui fut abandonnée dix ans plus tard, reprise en 1878 elle ferma définitivement en 1904. En 1850, une nouvelle station vit le jour dans l'Estuaire du Gabon. Il s'agissait de Saint-Jacques de Chinchoua. Une station à laquelle Mgr Bessieux attachait une grande importance car elle marqua la première étape de la pénétration à l'intérieur du pays 136 .

En dépit des efforts consentis par les missionnaires pour la maintenir, la station ferma ses portes à causes des malentendus entre Mgr Bessieux et les habitants de Chinchoua. Deux ans plus tard en 1852, les missionnaires de Sainte-Marie ouvrirent une communauté à la Pointe-Denis, sur la rive gauche de l'Estuaire.Mais cette communauté ferma l'année suivante en 1853.

Les échecs de fondations, constatés dans la mouvance de l'arrivée missionnaire, étaient dûs, en grande partie, à un manque d'organisation des missionnaires, à la non croyance en un nouveau Dieu par les autochtones. Mais aussi, et surtout à la méconnaissance des langues locales par les missionnaires qui n'avaient même pas encore dix ans de terrain. Un autre élément, non négligeable, fut la pratique du commerce par ces populations de la côte, qui avaient acquis le goût du luxe et accordaient, apparemment, peu d'intérêt au sacré, surtout venant des Européens, " les Blancs " 137 , qu'ils voyaient depuis le XVè siècle.

Autement dit, pour les populations de la côte (les Mpongwé, les Benga et les Sékiani), le commerce, introduit depuis des générations, était plus rentable que le christianisme, nouveau et abstrait.

Ces échecs servirent de leçons. Les missionnaires cessèrent momentanément toute fondation sur la côte pendant dix ans. Cependant, avant de prendre cette décision, ils avaient créé, en 1852, deux petits postes missionnaires, au lieu même de ce qui allait devenir plus tard l'agglomération de Libreville. Ces postes étaient: Saint-Pierre sur le Plateau, près du village des esclaves libérés à Montagne Sainte, et Saint-Benoît de Glass dans la zone protestante.

Ces deux postes missionnaires devinrent, par la suite, prospères. Dans les années 1860, sur les conseils du Père Thierard, Mgr Bessieux plaça définitivement les Sœurs bleues de l'Immaculée de Castres à Saint-Pierre. Pour contrer définitivement les efforts d'occupation du terrain, au Sud de Libreville, des missionnaires presbytériens, les missionnaires de Sainte-Marie transformèrent le poste Saint-Benoît de Glass, qui devint la station Saint-Michel.

En 1876, donc, l'implantation des missions n'avait guère dépassé les limites de la future agglomération de Libreville. Elle n'avait pas atteint tout l'estuaire du Como. Les missionnaires ne comptaient que trois véritables fondations: La mission Sainte-Marie (1844), siège du Vicariat Apostolique du Gabon, Saint-Pierre et Saint-Michel qui devint quelques années plus tard Notre Dame des Victoires 138 .

Les différents noms donnés à la mission située à Glass traduisent l'état d'esprit de la lutte pour l'occupation du terrain entre les missionnaires catholiques 139 et les missionnaires protestants 140 . Les catholiques avaient installé une station, au village de Glass, qu'ils appelèrent Saint-Benoît pour traduire certainement l'esprit pèlerin du Saint. Au moment de transformer cette station en poste, ils lui donnèrent le nom de Saint-Michel pour implorer ce saint dans le combat d'occupation face aux protestants.

Après l'installation définitive et avérée des catholiques dans cette zone acquise, au début, par les protestants, les missionnaires catholiques baptisèrent la nouvelle église du nom de "Notre Dame des Victoires" pour symboliser, peut être, leur victoire sur les protestants qui n'avaient pas réussi à installer même un poste dans les zones d'influence catholique comme au Plateau, à Quaben.

Tableau 3: Récapitulatif des fondations sur la côte de 1844 à 1876
Nom de la mission Année de fondation Lieu
Sainte Marie 1844 Libreville (Fort d'Aumale)
Saint Pierre 1852 Libreville (Plateau)
Notre dame des Victoires 141 1852 Libreville (Glass)

Notes
135.

DOCATGAB, Gérard Morel et Jacques Hubert, dans Naissance d'une Eglise ...et Album souvenir du 150è Anniversaire, 1994.

136.

DOCATGAB, Gérard Morel, Naissance d’une Eglise, 1994.

137.

Les Mpongwé, peuple de la côte furent les premiers à être évangélisé au Gabon. Habitants l'Estuaire du Como ils désignent les Européens, comme tous les autres peuples du Gabon, par le termes " Otangani" c'est- à - dire "l'Homme Blanc". A ce terme principal, chaque peuple agrège un qualificatif. Par exemple les Fang, habitants le Nord du Gabon, disent: " N'tang mwane man" c'est à dire l'Homme Blanc enfant de la mer. Une façon de désigner la provenance.

138.

Gérard Morel, entretien du 29 novembre 2001, à Libreville Paroisse Saint-André.

139.

Les missionnaires catholiques à leur arrivée au Gabon en 1844 s'installèrent dans une zone d'influence totalement française au Fort d'Aumale au village du Roi Dowé, près du village du Roi Kaka Rapono dit Roi Louis, sur la rive droite de l'Estuaire.

140.

Les missionnaires protestants presbytériens américains à leur arrivée au Gabon en 1842 s'installèrent dans l’ancienne zone d'influence anglaise, au village du Roi Ré Ndama dit "Glass". Ce dernier aurait signé le Traité d'occupation française de sa zone après avoir bu quelques verres d'alcool.

141.

Cette mission ne s'appelait pas Note Dame des Victoires à sa fondation, mais Saint-Benoît puis saint-Michel.