La Grande Guerre n'épargna pas le Gabon. Les combats se déroulèrent même au Cameroun, voisin, jusqu'au Nord du Gabon, entre août 1914 et février 1916 146 . Le relief accidenté et la forêt avaient contribué à rendre cette campagne du Cameroun, plus longue que prévue. La nature avait permis aux troupes allemandes de retarder l'échéance face a un énémis supérieur en nombre (Britanniques, Français et Belges). Cette campagne du Cameroun laissa plusieurs missions sans pasteurs et elle mobilisa les plus jeunes( indigènes) à qui l'évangélisation s'adressait en premier, car les combats, meurtriers, virent s'opposer soldats noirs contre soldats noirs 147 .
A l'issue de la campagne, le Sud Cameroun, région fortement protestante, avait tout de même été marqué par le travail des missionnaires catholiques allemands (notamment les Pères Pallotins), et le Nord Gabon, légèrement touché par cette vague protestante, étaient revenus à la France. Les missionnaires français travaillèrent donc, de part et autre de la frontière, pour effacer le souvenir de l'instruction religieuse allemande.
Au Cameroun, par exemple, les missionnaires s'activèrent à supprimer les traces du passage des missionnaires allemands (images pieuses légendées en allemand ou les cantiques de Jean Sébastien Bach et Georg Friedrich Haendel) 148 .
Cette francisation de l'ancienne zone d'occupation allemande amena dès 1917 à la suppression des zones de privilège, réservées aux catholiques et protestants. De cette façon, les catholiques purent s'implanter partout, y compris dans les régions où les protestants américains étaient prépondérants comme le Nord Gabon frontalier au Cameroun.
Au regard de ce qui précède, il apparaît donc que deux facteurs furent à l'origine de la pénétration missionnaire dans le Nord du Gabon. La francisation de la zone allemande qui s'étendait jusqu'au Nord du Gabon et la volonté de conter la pénétration protestante dont les signes d'installation étaient déjà très visibles, même jusqu'au centre du Gabon, avec la construction du célèbre hôpital du Docteur Albert Scheiwtzer à Lambaréné dès 1913 149 . A ce facteur il faut ajouter le désir d'évangéliser les Fangs donc la Migration se terminait à peine. Un peuple également jugé hostile à la pénétration Européenne, notamment française au Gabon.
L'œuvre d'implantation de l'Eglise catholique dans le nord du Gabon fut conduite par le Vicaire apostolique Louis Tardy qui avait servi entre 1909 et 1920 à Ndjolé dans une zone peuplé par les Fang. Mgr Tardy " évêques des Fang" avait une excellente connaissance de cette zone jusqu'au Cameroun où il fut mobilisé pendant la Guerre de 1914-1918 et il connaissait bien la langue des Fang.
Avant de s'attaquer à l'implantation dans le Nord, Mgr Tardy encouragea une fondation en 1928, sur la côte, à Port gentil. En souvenir De Mgr Tardy on donna à cette mission le nom de Saint Louis de Port-Gentil. Une mission dans laquelle le catéchisme commençait à se faire en plusieurs langues locales et étrangères.
C'est en 1929, que débuta l'implantation de l'Eglise dans le Nord avec la fondation de Sainte-Thérèse d'Oyem à Angone à 5 km de la ville, au Nord, à l'inverse des protestants installés, eux aussi, à 5 km au Sud d'Oyem. Les trois premiers prêtres affectés dans cette paroisse venaient directement de France. Ils étaient, justement, arrivés à Oyem en passant par le Cameroun à Ebolowa. Un an plus tard, en 1930, allant plus au Nord, les missionnaires fondèrent la mission Sacré-Cœur de Bitam, à 75 km d'Oyem. Cette mission prospéra grâce aux catéchistes qui, pour contrer les protestants Presbytériens, allaient de village en village.
Les missionnaires catholiques n'avaient pas oublié les autres régions, en 1930, dans le Sud de la colonie, ils fondèrent la mission Notre-Dame de Lourdes de Ndenga. Cette mission avait été aaussi fondée grâce à l'activisme des catéchistes notamment Cyprien Mwanda 150 .
Dans le but, d'évangéliser et d'implanter des missions dans le Nord, les missionnaires de Sainte-Thérèse fondèrent une Station à Mitzic, en 1931, sur la route de Libreville. Cette mission de Mitzic fut baptisée Saint-Joseph. Toujours pour faire opposition aux protestants plus de 300 catéchistes sillonnaient les villages allant d'Oyem à Mitzic ou d'Oyem à Bitam puis d'Oyem à Minvoul où fut justement créée, en 1935, la mission Saint-Jean l'Evangéliste. En peu de temps, les missionnaires catholiques avaient évangélisé et implanté des missions dans tout le nord du Gabon, un record!
Cette détermination ne fit pas oublier le Sud, surtout le Sud-Est, qui avait été légèrement évangélisé à la fin du XIXè siècle, notamment les Nzébi du Sud Ngounié. Dans cet état d'esprit les missionnaires fondèrent, juste avant la Guerre de 1940-1945, la mission Saint-Odile de Zanaga, en 1937, grâce au Père Adam Jean Jérôme futur Vicaire Apostolique de Libreville, et la mission Notre Dame de Lourdes de Dibwangui, en 1940. Vœu officiel des Nzebi « Nous voulons une mission comme à la Côte » 151 , la mission de Dibwangui est située sur une très belle terre, entourée d'un côté par la rivière Louétsi et de l'autre par un ruisseau.
Pendant la Guerre, juste avant 1945, le Nord-Est du Gabon, jusque là presque pas touché par l'évangélisation, ne fut pas oublié. Les missionnaires songèrent à y implanter une mission. En 1938, la région de Makokou dépendait de la mission de l'Okano (situé au Centre-Ouest du Pays). Les missionnaires installèrent une mission au pays des Bakota, à Kemboma-Batouala. Mais les Fang trouvaient cette mission trop éloignée de Makokou (à plus de 100 km). C'est pourquoi, en pleine guerre, les missionnaires ouvrirent une mission au centre de Makokou, en 1942. Elle fut baptisée Notre-Dame des Victoires. Cette fondation est officiellement la dernière avant 1945.
| Nom de la mission | Année de fondation | Lieu |
| Saint Louis | 1928 | Port-Gentil |
| Sainte-Thérèse (d'Angone) | 1929 | Oyem |
| Sacré-Cœur | 1930 | Bitam |
| Notre-Dame de Lourdes* | 1930 | Ndenga |
| Saint-Joseph | 1931 | Mitzic |
| Saint-Jean l'Evangéliste | 1935 | Minvoul |
| Sainte-Odile | 1937 | Zanaga |
| Notre Dame de Lourdes* 152 | 1940 | Dibwangui |
| Notre-dame des Victoires | 1942 | Makokou |
On peut tout de même remarquer que si la plupart des fondations entre 1914 et 1945 se font dans le Nord du pays, cinq sur neuf, les missionnaires confortent leur position dans d'autres régions. C'est le signe que l'implantation des missions avait touché tout le Gabon.
Cette action était accompagnée d'une œuvre d'évangélisation des autochtones. Les missionnaires ne pouvaient évangéliser sans entrer en contacts avec les populations locales. Leurs relations avaient des dimensions diverses et elles se caractérisaient dans l'ensemble par un mouvement: de la conversion à l'émancipation en passant par la soumission et l'oppression des autochtones.
Elikia M'bokolo, Afrique Noire Histoire et Civilisations. Tome II, XIXè-XXè siècles, Op. Cit. P. 338.
Elikia M'Bokolo, Afrique Noire, Id. & Ibid.
Louis Ngongo, Histoire des forces religieuses au Cameroun de la première guerre mondiale à l'indépendance, Paris, karthala, 1982.
Schweitzer Albert, A l'orée de la forêt vierge. Récits et réflexions d'un médecin en AEF, Paris, Albin Michel, 1952, 220 p. Schweitzer Albert, Histoires de la forêt vierge, Paris, Payot, 1941, 174 p.
Jacques Hubert," l'Historique des missions" Document dactylographié remit lors d’un entretien en 1999.
DOCATGAB, Jacques Hubert, Album souvenir, Op. Cit. P. 43.
Ces deux missions ont été fondées chez les Nzébis et elle porte le même nom.