● Les tentatives d’indépendance des missionnaires

Les missionnaires dès leur installation voulaient se rendre indépendants. Mgr Bessieux fut le « pionnier » de cette attitude vis-à-vis de la Marine. Dans les premières lettres, à ses supérieurs, il affirme ceci: " Nous avons commencé à vivre en commun malgré tout ce qu'on fit pour nous engager à manger au blockhaus." 226 Le terrain de Sainte-Marie, au Fort d'Aumale, ayant été offert par la Marine, Mgr Bessieux fit acquérir à la Mission du Gabon ces propres terrains.

Mgr Bessieux écrit dans une autre lettre, en 1845: " J'ai loué ou acheté trois maisons, une chez Kringer, une chez Quaben, une chez Dowé." 227 . La détermination de Mgr Bessieux ternit quelques peu les relations entre les missionnaires et la Marine. Il y eut quelques frictions sans provoquer de grands dommages.

Le Père Bessieux apparaissait aux yeux des marins comme « un prêtre doué d'une foi intrépide, mais étroite et combative ». Les Rapports fait par les commandants de la marine, en poste au Gabon, ne furent pas toujours tendres à l'égard des missionnaires, surtout du Père Bessieux. Les marins reprochaient aux missionnaires leurs désirs de faire des populations locales du Gabon des chrétiens parfaits avant d'en avoir fait des hommes 228 .

Les premiérs démêlés entre les missionnaires et l'administration de la Marine survinrent quelque temps après l'arrivée des missionnaires. Le Père Bessieux en faisait à sa guise sans demander l'autorisation des autorités de la Marine. Il avait fondé la Station Saint-Joseph des Bengas au Nord du Fort d'Aumale, plus précisément au Cap-Estérias, malgré les exigences de la Marine.

Dès lors une tension commença à régner entre les missionnaires et les marins. Au départ elle se limitait à des médisances et à l'envoi des lettres dénonciatrices au Commandant particulier à Gorée, au gouverneur et à l'Amiral 229 .

En réalité, les missionnaires et les autorités de la Marine passaient alors une partie de leur temps à écrire à beaucoup de gens sur toute espèce de sujet et d'une manière souvent peu véridique, mais pouvant compromettre leurs relations 230 . Le Commandant Brisset, par exemple, reprocha au Père Bessieux, à ce sujet, son « zèle agressif » 231 .

Les mauvaises relations entre les missionnaires et les marins au moment de l'installation choquaient le père Libermann, d’autant plus qu'il incitait les missionnaires et le commandant du poste à la conciliation 232 , au même titre que le Gouverneur des colonies, installé à cette époque à Dakar au Sénégal. Ces mauvaises relations créaient parfois des tensions entres les missionnaires eux mêmes

En effet, devant les correspondances incessantes et face à des commentaires de toutes sortes, au moment de la fondation de la Station de Saint-Pierre, en 1852, au lieu appelé " le plateau", en dehors du Fort d'Aumale, les rapports entre Mgr Bessieux et Mgr Kobes, son coadjuteur avec résidence à Dakar, se brouillèrent. Les Pères, appuyés par quelques autorités de la Marine furent d'avis que Mgr Bessieux devait être écarté de la Communauté 233 .

La cause profonde de la mésentente entre les missionnaires n'est pas bien connue. Il s'agit vraisemblablement de l’entêtement de Mgr Bessieux à fonder une mission malgré les premiers échecs du Cap Estérias et de Chinchoua. Mgr Bessieux avait voulu agir sans tenir compte de l'avis des marins qui en profitèrent pour convaincre certains missionnaires de demander son départ.

Notes
226.

Archives CSSP, Lettre du Père Bessieux du 25 octobre 1845.

227.

Archives CSSP, Lettre du Père Bessieux du 14 août 1845.

228.

Fontana Jean, Op. Cit. P. 79.

229.

Brasseur Paule. « Les Missions catholiques et l'administration sur la côte d'Afrique de 1815 à 1870 ». RFHOM, Op. Cit. P. 431.

230.

Gollnhoffer Otto, Noël Bernard et Sillans Roger, « L’historicité des paroles attribuées au premier évêque du Gabon à propos du maintien du comptoir entre 1871 et 1873 », in RFHOM, Op. Cit. P. 630

231.

Hubert Deschamps, Quinze ans de Gabon, les débuts de l'établissement français 1839-1853, Paris, Société Française d'Histoire d’Outre-mer, 1965. Cf. aussi Fontana Jean « L'implantation du catholicisme au Gabon », Id. & Ibid.

232.

Piolet Jean Baptiste, Les missions catholiques françaises au XIXè Siècle. Tome V, Missions d’Afrique, Paris, Armand Colin, 520 p Op. Cit. P. 220.

233.

Gollnhoffer, Noël et Sillans, Op. Cit. P. 627.