● Les mésententes entre les missionnaires et les marins

Dans les années 1860, malgré les efforts consentis de part et d'autre pour calmer la situation et mettre un terme aux mauvaises relations, il régnait une atmosphère de suspicion de la part des marins du Fort d'Aumale qui reprochaient aux missionnaires de recevoir les Noirs dans leur église 234 .

L'instigateur de ces accusations avait surtout été le Commandant Parent qui reprochait aux missionnaires de prêcher l'insubordination et la désobéissance 235 .

Les missionnaires du Gabon, par la voix de leur responsable, Mgr Bessieux, adressèrent une réponse à propos de la présence des Noirs à la messe. Pour Bessieux, les missionnaires ne voulaient pas s'opposer aux intérêts matériels de la patrie en s'occupant des intérêts spirituels des noirs. Mgr Bessieux, répondant au Commandant Parent estima que:

« … Le missionnaire s'occupe de religion, et s'il s'est forcé de s'occuper des choses matérielles indispensables, il ne s'occupe certainement pas de vos noirs; Vous avez donc au moins bien du danger d'être injuste en mettant sur la tête [des missionnaires] les sottises du Maire de Libreville et son adjoint. » 236

En réalité, les relations entre les missionnaires et la Marine se détérioraient au Gabon parce que les marins croyaient que les missionnaires étaient contre les " Blancs " du Comptoir de Libreville, fondé en 1849.

Il est vrai que les missionnaires reprochaient aux autres Européens du comptoir leur mauvaise conduite vis-à-vis des " Noirs ", notamment des femmes, car Libreville devenait de plus en plus un village de femmes de mauvaise vie. Il est encore plus vrai que les marins, connus pour leur détachement du christianisme, ne comprenaient pas du tout l'attitude des missionnaires dont ils interprétaient mal les paroles. Et Mgr Bessieux précisait, justement au Commandant Parent, que:

‘«  Vous avez mal interprété mes sentiments en croyant que j'ai de l'aigreur dans l'âme et de la haine contre les Blancs. C'est une Grande erreur, car j'aime les Blancs (…) Je ne déteste que le désordre et l'irréligion. »237

La crainte des missionnaires devant ce mauvais comportement des Européens du comptoir de Libreville était de voir les Noirs refuser la conversion, et suivre le " mauvais exemple"car la conversion des indigènes, pour devenir des chrétiens, ne pouvait se faire que dans l'association de bonnes mœurs de tous les habitants.

Les mauvaises relations entre les missionnaires et la Marine agissaient parfois sur le respect des Conventions signées par les deux entités. Ce fut le cas dans les années 1870 à propos de la Convention signée pour le financement de la mission Saint-Pierre.

Signée en 1871, les travaux traînèrent, à cause des petites querelles entre les missionnaires du Gabon et le Gouverneur, Masson, capitaine de frégate, à tel point que Mgr Le Berre avait saisi les instances supérieures, en l'occurrence l'Amiral Mottez, pour que bon ordre y soit apporté. Le successeur de Masson, le Capitaine de frégate Cornut-Gentille donna l'ordre de reprendre les travaux et de les activer. Ce n'est que le 14 septembre 1884 qu'eut lieu la bénédiction de la nouvelle mission 238 .

Notes
234.

Gollnhoffer, Noël et Sillans, Op. Cit. P. 630.

235.

Piolet Jean baptiste, L’Eglise catholique dans le continent noir, Paris, Bloud et Gay, 1908, 64 p.Op. Cit. pp. 56 et 57.

236.

Cadier Charles, sauvons les Païens du Gabon, Paris 1924, Op. Cit. P. 80. Il cite Mgr Bessieux. Cf. aussi Archives CSSP, Boite 173, Dossier A.

237.

Archives CSSP, Boite 173, Dossier A, Lettre de Bessieux au Commandant Parent. Cf. aussi Gollnhoffer, Noël et Sillans, Op. Cit. P. 640.

238.

DOCATGAB, Jacques Hubert, Album souvenir, Op. Cit. P. 23.