● Le point de vue des autochtones

Les autochtones ne comprenaient rien à ces conflits. Ce qui les intéressait, en premier, c'était les biens matériels que leur apportaient les commerçants protégés par les marins. Mais les missionnaires étaient plus proches des autochtones. Dans ces conditions le dilemme était plus grand pour ces derniers. Il fallait choisir entre la religion et les biens matériels. En quelque sorte entre Dieu et César. Mais les marins et les commerçants, plus éfficaces sur le plan commercial et économique, apportaient davantage. Par conséquent, les autochtones furent souvent favorables à leurs pratiques tout en demeurant attentif sà ce que leur proposaient les missionnaires qui apportaient un message religieux.

En somme, les autochtones voulaient gagner sur tous les tableaux. Ils considéraient que les marins incarnaient l'autorité, et que missionnaires étaient des auxiliaires auxquels les marins avaient fait appel pour les aider dans des domaines où ils n'étaient pas compétents. Même si, à cette époque, il n’était pas très évident pour les autochtones d'établir une différence entre les marins et les missionnaires. A leurs yeux tous étaient des blancs susceptibles de leur apporter des biens. En acceptant les biens matériels plutôt que les biens spirituels, les autochtones préparèrent le terrain à l’administration coloniale.

Le but et la volonté des missionnaires du Gabon n'étaient pas de coopérer ouvertement à l'installation française au Gabon. Au contraire ces derniers, dès leur arrivée, placèrent leur action sous le signe de la responsabilisation des autochtones. Ils s’attachèrent immédiatement, mais sans grand succès à la formation d'un clergé locale. Ils voulaient servir leur Eglise pour son implantation au Gabon. Mais en tant que citoyen français ils servirent consciemment ou pas, leur patrie engagée à cette époque dans une politique impérialiste.

Au début, des relations entre missionnaires et marins, de 1844 à 1870, chacun voulait se servir de l'autre. La conséquence a été l'installation définitive de la Mission et de la France au Gabon ouvrant ainsi une longue histoire d’intérêt. Ce lien est si fort que, moins de trente ans après leur arrivée au Gabon, les missionnaires ont été au centre de l’affaire sur l'échange du Gabon contre les établissements de la Gambie, en 1871.

Cette affaire, sur laquelle nous revenons dans les lignes qui suivent, a ouvert en quelque sorte les relations entre les missionnaires et l’administration coloniale. Et elle constitue un fondement lointain des implications de l’Eglise dans la vie politique au Gabon.