I- 1945-1969: LA FIN DE LA MISSION ET LA NAISSANCE DES PREMIERS DIOCESES DE L'EGLISE DU GABON.

La fin institutionnelle de la Mission au Gabon et la création des premiers diocèses eut lieu en même temps que le processus de décolonisation qui déboucha sur l'indépendance politique le 17 août 1960.

1- La fin institutionnelle de la Mission catholique du Gabon (1945 -1958)

Pendant un peu plus d’un siècle, de 1844 à 1958 il n’existait pas d’Eglise locale, en tant que telle au Gabon. Il s’agissait d’une Mission, qui était placée sous la tutelle du Pape, et dirigée par des vicaires apostoliques. C’est la raison pour laquelle durant cette période, il n’existait pas de diocèses, mais un Vicariat. Lorsque, le premier diocèse fut crée en 1955, on parla de la fin de la Mission, qui se confirma en 1958 avec la création d’un Archidiocèse. Ces dates marquèrent la fin du régime juridique de la Mission car toutes les conditions n’étaient pas réunies pour passer à une Eglise vraiment locale. Pourquoi les missionnaires du Gabon ont-ils accepté ce passage ?

  • Pour suivre l'exemple des protestants

Contrairement à leurs confrères protestants, l'idée « d'indépendance religieuse » chez les missionnaires catholiques du Gabon n'est, véritablement, apparue qu'au milieu des années 1950. Cette différence de conception de « l'indépendance religieuse » entre missionnaires protestants et catholiques du Gabon, est le fruit d’une longue histoire.

La hiérarchie des missionnaires catholiques du Gabon était plus forte que celle des missionnaires protestants qui ne dépendaient pas d'autorités hiérarchiquement supérieures à leur société 278 .

André Roux, que cite Marcel Merle, confirme, du reste, une omniprésence d'une idée d'autonomie religieuse chez les protestants par rapport aux catholiques qui n'étaient qu'au stade des principes: « La forme même de leur Eglise les a habitués à une forme démocratique de gouvernement… » 279 Les missionnaires catholiques du Gabon possédaient au contraire une autorité hiérarchique: la congrégation du Saint-Esprit et une autorité suprême le Saint-Siège en la personne du Saint-Père. Ce rapport avec une hiérarchie très présente explique que l'idée d'autonomie religieuse ait accusé un retard chez les missionnaires catholiques du Gabon.

Entre 1945 et 1958, l'idée d’une Eglise gabonaise ressurgit chez les missionnaires catholiques. Les spiritains du Gabon se remémorèrent la doctrine missionnaire de François Libermann pour lequel le but de la Mission était la fondation d'un clergé autochtone qui devait s'établir solidement en vue de la formation d'une Eglise locale. 280 . Mais le rennocement au régime de Mission fut beaucoup plus perceptible dans les paroles que dans les actions, à la grande différence, là aussi, des protestants. Pourtant la nécessité et l'urgence d'une autonomie religieuse n'échappaient à personne. Les missionnaires catholiques du Gabon en étaient pleinement conscients. Il suffit de parcourir leurs rapports et les documents émanant du Saint-Siège pour s'en convaincre. Les missionnaires catholiques du Gabon voulaient, cependant, retarder les échéances de la fin de la Mission prétextant un manque de moyens pour un passage de témoin efficace.

Ces obstacles venaient, selon les missionnaires, de la pénurie, de la faiblesse des ressources matérielles, financières, et surtout en personnel. Au milieu des années 1950, cet argument perdit de sa pertinence. Les missionnaires du Gabon furent dans l'obligation de s'adapter ce qui, du reste, avait toujours été leur devoir.

Cette adaptation était imposée par des circonstances extérieures à la Mission: l'évolution de la situation politique du Gabon. Le Père Bouchaud estima qu'il était indispensable que l'évangélisation allât du même pas 281 , c'est à dire au pas de l'évolution politique. Entre 1945 et 1960 le Gabon voit la naissance d'une vie politique moderne et au même moment à l'évolution de l'évangélisation. Les missionnaires étaient donc quelques peu obligés de se conformer aux mouvements pour ne pas être déphaseés. Alors que le pays était en pleine mutation politique, les missionnaires engagèrent aussi des réformes.

La fin de la Mission fut donc marquée par deux objectifs, la volonté de faire accéder aux responsabilités le clergé indigène et les laïcs ainsi que la réorganisation progressive du Vicariat apostolique de Libreville.

Notes
278.

Les missionnaires protestants du Gabon dépendaient jusqu'en 1960 de la Société des Missions Evangélique de Paris: La SMEP.

279.

André Roux, " Les protestants français " cité par Marcel Merle, Les églises chrétiennes et la décolonisation, Paris, 1967, A. Colin, Cahiers de la fondation nationale des sciences politiques, pp. 217 à 248, Op. Cit. p. 217.

280.

Kören Henri, Les spiritains: Trois siècles d'histoire religieuse et missionnaire, Paris, Beauchesne, 1982, 633p. Op. Cit. p. 288.

281.

Bouchaud (J.), L'Eglise en Afrique noire, Genève et Paris, La Palatine, 1958, 189p. Op. Cit. p. 169.