Le deuxième gabonais à être nommé évêque fut l'abbé André Fernand Anguilé. En effet, à la suite de la démission du premier Archevêque de Libreville, un spiritain, missionnaire, Mgr Jean Jérôme Adam, Rome confia l'Archidiocèse de Libreville à un autochtone.
Mgr Anguilé, originaire de Libreville du village d'un ancien Roi côtier " Quaben ", était né le 15 mai 1922. Il fut ordonné prêtre le 2 juillet 1950 en même temps que son cousin l'abbé Jean Marie Rapotchombo. A la différence de Mgr Ndong, la vocation de Mgr Anguilé fut précoce mais sa famille hésita car il était fils unique. Il effectua ses études sacerdotales au séminaire Saint-Jean de Libreville puis à Brazzaville
Source : La Semaine Africaine
Après son ordination sacerdotale il servit dans les missions de Brazzaville, Port-Gentil puis Saint-Pierre de Libreville. Il fut par la suite envoyé en France poursuivre les études en compagnie d'un autre futur évêque l'abbé Cyriaque Obamba. A son retour au Gabon l'abbé Anguilé fut nommé Directeur de l'enseignement Privé Catholique de 1960 à 1969. En 1968, il occupa le poste de Vicaire Général de l'Archidiocèse jusqu'à sa nomination comme Archevêque de Libreville le 29 mai 1969.
Mgr Anguilé fut sacré le 1er août 1969 à Kampala par le Pape Paul VI et intronisé le 15 août en la Cathédrale Sainte-Marie de LIbreville. Lors de son sacre à Kampala, Paul VI avait dit: « Vous êtes désormais vos propres missionnaires ». Cette phrase devint un véritable Credo pour le nouvel évêque.
La nomination d’un archevêque suppose celle d’évêques suffragants. En 1969, Mgr Anguilé en avait deux: à Mouila Mgr de la Moureyre sacré en 1959, un spiritain; à Oyem Mgr François Ndong sacré en 1961. Il ne s'agissait plus de Vicaires Apostoliques, encore moins de Préfets Apostoliques, mais bel et bien d'évêques résidents de plein droit.
Par conséquent ces évêques étaient libres de prendre leur personnel où ils le désiraient. De nouvelles congrégations commencèrent à s'installer et les évêques acceptaient les prêtres venus d'autres diocèses. En 1969, le temps des missions étant terminé, les Pères du Saint-Esprit, au Gabon depuis 1844, n'étaient plus responsables de l'évangélisation n devant la Congrégation romaine pour l'évangélisation des Peuples. La période de transition institutionnelle ouverte depuis 1958 était arrivée à son terme. En 1969, sur deux diocèses et un archidiocèse que comptaient le Gabon, deux étaient dirigés par des Gabonais. L'indépendance religieuse était en marche, même si les spiritains restaient omniprésents.
Les deux premiers évêques gabonais, ordonnés en 1961 et 1969, étaient originaires de la Région de l'Estuaire. Ils revenaient de deux vielles missions de la côte: Saint-Paul de Donguila pour Mgr Ndong et Sainte-Marie de Libreville pour Mgr Anguilé.
La nomination de François Ndong et André fernand Anguilé parait stratégique dans le choix des individus (les plus dociles), il en a été de même sur le plan politique 329 . Ce sont les peuples de la côte, qui sont entrées en premier en contact avec les européens. De ce fait ils furent les premiers à recevoir l'instruction et la culture européenne, surtout française. Dés lors, il paraît logique qu'au moment de confier les responsabilités aux Gabonais, le choix se porte sur les chrétiens de la côte surtout de l'Estuaire, qui les premiers avaient été évangélisés dès 1844.
Mgr Anguilé natif du village du Roi Quaben, était un Mpongwè, une sous branche de l'ethnie Ngwèmyèné qui avait permis l'installation française au Gabon et Mgr Ndong était un Fang de la côte, une ethnie qui était jugée redoutable par l'administration. Mais les missionnaires s'étaient rapidement rendus compte de leur disposition à se convertir et à accepter le nouveau Dieu chrétien, surtout après la première Guerre Mondiale. Une ethnie dans laquelle l'évangélisation (à en juger par le nombre de convertis, le rythme des implantations) avait été beaucoup plus rapide que chez les autres ethnies du Sud Gabon quelque peu réfractaires au christianisme.
Mgr Ndong devait justement être le symbole du progrès de l’évangélisation chez les Fang. En nommant un fils qui parle la même langue qu'eux, les Fang devaient plus facilement se convertir au catholicisme en lutte dans le Nord et sur la côte avec le protestantisme. Sur ce plan l'objectif des missionnaires était assez clair. Il fallait rapidement et au maximum introduire dans la culture Fang plusieurs éléments de la religion catholique.
Mgr François Ndong était très favorable à l'acculturation religieuse 330 d'après le Père Gilles Sillard 331 . Ce qui peut justifier, par ailleurs, dans une moindre mesure, le fait qu’il ait été choisi pour diriger le Diocèse d'Oyem à sa création en 1969 pour appliquer certainement cette politique. Mais aussi et surtout parce que, en tant que Fang lui même, il était le plus apte. Il avait déjà servi dans cette région en tant que prêtre à Bitam et Mitzic. Il faut aussi noter que le Diocèse d'Oyem jusqu'à nos jours bénéficie de l'unité linguistique: trois- quart de sa population est Fang. Un évêque gabonais qui ne parle pas le fang aurait certainement eu des problèmes de langues pour diriger ce diocèse. Surtout pendant ces années où venait de s'achever le Concile et où l'on parlait de l'introduction des langues africaines dans la liturgie.
En 1969, pour respecter cette logique, Mgr Anguillé fut placé à la tête de l'Archidiocèse peuplé de Ngwèmyèné certes, mais avec une population plus cosmopolite venant d'horizons divers dont la principale langue de communication était le français. Et Mgr François Ndong fut affecté dans le Diocèse d'Oyem.
Des sources invérifiables, notamment dans l'opinion publique, parlent d'une possible nomination de Mgr Ndong à la tête du diocèse d'Oyem pour l'éloigner de la capitale Libreville et des affaires politiques car il était, après 1960, très critique sur la politique de Léon Mba et son régime au point d'être surnommé "Ndong Makarios" 332 par les militants du Parti de Léon Mba, le BDG, qui pensaient que Mgr Ndong était animé par les même intentions.
La nomination des premiers évêques gabonais entre 1961 et 1969 semble surtout avoir obéi aux « critères internes » de la Mission du Gabon pour pérenniser l’œuvre chrétienne. Mais l’opinion laïque a retenu d’autres critères à tendances ethniques et régionalistes. Cette pensée a prévalu jusqu'à nos jours. Cela est d'autant plus vrai qu'en 1980, lorsqu'il s'est agi du départ en retraite de Mgr Ndong, une frange de la population du Diocèse d'Oyem avait revendiqué la nomination d'un natif du diocèse 333 .
La fin institutionnelle de la Mission, la création des premiers diocèses et l'ordination des premiers évêques eurent aussi pour corollaires les mutations du personnel religieux. Qu’en était-il de ce personnel?
Les principaux animateurs de la vie politique au Gabon, sur le plan national, étaient originaires de la région de l’Estuaire. Il s’agit de par exemple de Léon Mba, Jean Hilaire Aubame et Paul Gondjout. Nous en parlons dans le Chapitre II. Les premiers évêques du Gabon étaient aussi originaires de cette région.
L'acculturation religieuse c'est le fait d'introduire dans la culture des peuples indigènes des éléments religieux du catholicisme. En convertissant les gabonais, les missionnaires pratiquaient de l'acculturation religieuse. Ce phénomène est le contraire de l'inculturation religieuse. Le fait d'introduire dans le rite catholique romain des éléments de la culture des indigènes. L'inculturation religieuse est encore au stade des balbutiements au Gabon.
Ecrits privés du Père Sillard sur Mgr François Ndong. Ils nous ont été remit lors des entretiens de mars 2000 à Chevilly-Larue.
Archives CSSP, Fond Pouchet, Boite 1002. Ce nom est contenu dans un tract contre Mgr François. Ndong Makarios du non de l’archevêque président chypriote. Mikhail Mouskos (1913-1977) archevêque de Chypre en 1950 sous le non de Makarios III.
Témoignages oraux, entretiens collectifs à Oyem, septembre 2002.