● L’installation des missions près des centres administratifs et économiques

Au début des années 1940, la priorité était d’installer des missions dans les centres où le développement économique et le regroupement humains étaient importants 360 . Toutes les missions fondées au Gabon après 1945 recoupaient systématiquement des centres administratifs. Par cette disposition géographique on peut penser que l'administration influençait les missionnaires. Il n'en était rien, affirment les Pères Morel et Sillard: l'objectif était d'ouvrir une mission à proximité d'un grand regroupement humain.

Même s'il est vrai que ces regroupements humains étaient la cause des activités économiques et administratives et non des activités religieuses. Ce sont "les missionnaires qui étaient à la recherche des gens et non le contraire" 361 .

Au Gabon, les grands centres qui s'étaient développés et qui n'avaient pas de missions se trouvaient généralement dans le Sud du pays: Tchibanga, Ndendé, Okondja. La croissance de ces centres s'explique par les efforts considérables qui avaient été déployés au Gabon pour l'équipement et la mise en valeur du pays par l’administration coloniale française. Ces centres étaient devenus de grands carrefours, pour les échanges commerciaux, qui attiraient de plus en plus de personnes.

Avant 1945, les populations dans ces zones se consacraient traditionnellement à l'agriculture, à l'élevage et à l'artisanat, selon des méthodes surannées. Mais peu à peu se développa un effort de modernisation de ces activités qui nécessitaient une abondante main d'œuvre et conduisaient à la formation de nouveaux centres.

Les missionnaires en profitèrent pour porter leur message et pour créer des communautés chrétiennes. La création de ces communautés chrétiennes ne concernait pas uniquement l'ouverture de nouvelles missions, mais aussi les anciennes missions implantées à proximité des grands regroupements humains. En effet, les Pères Gilles Sillard, Gérard Morel et François Emmanuel 362 précisent, avec insistance, que les missionnaires, après 1945, et même avant, n'étaient pas des bâtisseurs d'églises mais « des bâtisseurs de communautés ». Des communautés vivantes qui devaient poursuivre l'évangélisation. De ce fait, les premiers missionnaires arrivées au Gabon avant 1945 avaient plus mis l'accent sur la construction de missions en terme d'édifice et ils voulaient couvrir tout le territoire. Entre 1945 et 1959, l'accent fut mis sur l'ouverture de véritables communautés chrétiennes et humaines 363 .

Cette attitude coïncide avec les nouveaux objectifs missionnaires et explique aussi pourquoi après 1945 la construction des églises n'est plus primordiale. L'accent est mis sur le regroupement religieux des Gabonais. En d'autres termes, au moment de leur arrivée au Gabon, au XIXè siècle, les missionnaires s'installaient en un point précis. Ils effectuaient des tournées à l'intérieur du territoire. Par la suite les chrétiens étaient obligés de parcourir des distances considérables pour accéder aux missions.

Dans ces conditions, il était difficile aux missionnaires du Gabon de créer de véritables communautés chrétiennes. Après 1945, il ne s'agissait plus pour les missionnaires de faire parcourir des kilomètres aux chrétiens. Ainsi la fonction de catéchiste fut, plus que jamais, revalorisée. Il était devenu un véritable auxiliaire des Pères.

Dans l'ensemble les missionnaires du Gabon, entre 1945 et 1960, avaient fondé les dernières missions pour faire en sorte que chaque Gabonais habite à proximité d'un lieu où il y a une église. Le déplacement des populations ou l'exode rural, le changement de mentalité, l'urbanisation avaient conduit les missionnaires à la création de véritable communauté pour pérenniser l'évangélisation.

Notes
360.

Témoignage du Père Sillard. Entretien du 2 mars 2000 à Chevilly.

361.

Témoignages oraux, entretien avec les Pères Gérard Morel et Gilles Sillard à Libreville le 28 novembre 2001 et à Chevilly le 3 mars 2000.

362.

Témoignages oraux recueillis lors des enquêtes de terrain au Gabon et en France.

363.

Témoignage du Père Sillard. Entretien du 2 mars 2000 à Chevilly.