● Les premiers collèges catholiques du Gabon à partir de 1948.

En 1949, les Spiritains, avec le Père Jacquard, ouvrirent les portes du Collège Bessieux. A sa fondation, le Collège Bessieux était le plus important établissement du second degré qui était tenu en Afrique centrale par les Pères du Saint-Esprit 442 . Moins de dix ans plus tard, en 1957, les Sœurs de l'Immaculée, sous la direction de la Mère Jean Gabriel, ouvrirent, à leur tour, le premier collège d'enseignement général pour les filles qui porte aujourd'hui le nom d’ Institut Immaculée Conception.

A la suite de la première école primaire fondée en 1845 par le père Bessieux, l'ouverture de ces collèges d'enseignement secondaire constituait, selon le personnel religieux une véritable « œuvre d'amour ». Elle était aussi un enjeu décisif. Si l'Eglise voulait maintenir son influence sur la population gabonaise, y compris les élites, elle savait que l'ouverture des collèges était devenue d'une importance capitale. Cette influence, à travers les établissements secondaires, devait être beaucoup plus durable et solide que celle exercée auparavant sur les humbles 443 .

Après 1960, de nouveaux collèges d'enseignement secondaire virent le jour au Gabon grâce à l'Eglise. En 1963, les Sœurs Trinitaires installées dans le diocèse de Mouila ouvrirent dans cette ville le collège Trinitaire Le Val-Marie. En 1967, lorsque le Frère Macaire, figure mythique de l'enseignement catholique au Gabon, rentra définitivement en France, l'école Montfort, fondée par les Frères de Saint-Gabriel, auxquels appartenait le Frère Macaire, avait déjà essaimé. Les Frères de Saint-Gabriel dirigeaient en ce temps sept établissements secondaires: outre le collège Montfort à Libreville, ils comptaient six établissements secondaires à l'intérieur du pays à Port-Gentil (Collège Raponda) à Lambaréné ( Collège Adiwa) à Mouila ( Collège Saint-Gabriel) à Moanda (Collège Saint-Dominique) à Oyem (Collège d'Angone) 444 .

L'ouverture de ces établissements secondaires avait permisde maintenir après l'indépendance l'enseignement de la religion parmi les jeunes Gabonais. Les responsables religieux et de l'enseignement catholique défendaient avec détermination la position selon laquelle: "Un enseignement où Dieu est absent, même s'il n'est pas positivement antireligieux, est néfaste…" 445 Il était anormal pour les enseignants catholiques de ne pas faire allusion à Dieu en toutes choses. Les païens et les catéchumènes recevaient une éducation dépourvue d'enseignement religieux, cela semblait intolérable aux missionnaires. Dans l'enseignement de la philosophie, de l'Histoire, de la littérature, des sciences de la nature, autrement dit toutes les disciplines où entre en jeu le destin de l'Homme, des allusions étaient toujours faites à la foi. Le visage du Christ apparaissait toujours en filigrane derrière toutes explications de Platon ou une mise au point d'histoire.

Les premiers collèges d'enseignements secondaires catholiques au Gabon avaient confirmé la prépondérance de l'enseignement catholique. Ils ont également assuré la permanence de la culture française au Gabon. Une culture que les enseignants présentaient explicitement à travers la foi séculaire de la société française et qui’ilsmontraient jusque dans les erreurs et les injustices contre l’Eglise attribuées à des " vérités devenues folles". Le corps enseignant, très majoritairement composé d'expatriés français, ne cherchait pas à imposer par la force l'amour de la France. Mais implicitement, il montrait ce qu'il y a d'universel dans la civilisation française et catholique 446

Le corps enseignant faisait des jeunes gabonais des petits français de l'équateur. Le plus important était justement, comme l'affirme le Père Vallery-Radot, que les jeunes Gabonais s'approprient inconsciemment la culture française. Il affirme dans son témoignage que les résultats étaient probants car du temps où il était enseignant au Collège Bessieux il lui était arrivé de lire souvent dans les cahiers de dissertations des élèves gabonais:

‘« …pour désigner la littérature française, ces mots écrits de leur propre plume et d'un mouvement naturel: " Notre littérature"…Usurpation qui fait sourire, non d'ironie, mais de tendre joie, devant cette conquête pacifique et consciente » 447
Notes
442.

Archives CSSP, Boîte 351, Dossier A , Témoignage des Pères du Saint-Esprit sur le Collège Bessieux. DOCOPM, Dossier N° 347, François Vallery-Radot C.s.sp. Témoignage dans Jeunesse Africaine, octobre 1961

443.

DOCOPM, Dossier N° 347: extrait du témoignage du Père François Vallery-Radot sur la Collège Bessieux et l'enseignement au Gabon, dans jeunesse africaine, Octobre 1961

444.

DOCATGAB, GEG, Affermis tes frères dans la foi, 1982, « Rapport des évêques sur la situation de l’enseignement privé catholique ». Ces collèges portaient les noms d'illustres personnages religieux indigènes et missionnaires: Collèges Raponda et Adiwa en souvenir du premier prêtre Gabonais et du premier responsable Gabonais des pères indigènes. Collèges Saint-Dominique et Saint-Gabriel du nom de Dominique Fara, Frère décédé en 1932 qui passa 30 ans à faire classe à Sainte Marie. Seule le collège d'Angone n'avait pas de nom et portait celui du village, à proximité d 'Oyem, dan lequel il avait été construit.

445.

DOCOPM, Dossier 347, Témoignage du Père François Vallery-Radot, Id. & Ibid.

446.

Témoignage oral,Entretiens avec le Père Gilles Sillard Février et mars 2000 à Chevilly-Larue

447.

DOCOPM, Témoignage du Père Vallery-Radot, Id. & Ibid.