A la veille de l’indépendance, l’éducation était déjà l’apanage de l’Etat. En 1959, le conseil de gouvernement dirigé par Léon Mba, soucieux de développer l’enseignement, avait, par une loi promulguée le 22 juin 1959, étendu jusqu’à 16 ans la scolarité obligatoire des jeunes gens et des jeunes filles 448 . L’Eglise s’était réjouie de cette loi qui, une fois pour toute, régla une difficulté principale de l’enseignement missionnaire depuis 1845, à savoir l’âge de la scolarité et la situation préoccupante de la jeune fille qui était exclue de l’instruction à l’école.
Le gouvernement retint un pourcentage de 18% pour évaluer la population scolarisable de 6 à 16 ans par rapport à la population totale du pays estimée à 400.000 en 1959. Un nouveau calcul permit d’établir le taux de scolarisation de la jeunesse gabonaise à 81,8% en 1960 449 . Ce taux était le résultat d’un effort considérable de l’Eglise et de l’Etat pour mettre l’enseignement de base à la portée de tous, ruraux comme urbains. Les chiffres des effectifs scolaires et du nombre d’établissements au Gabon entre 1961 et 1963 font apparaître un progrès général. En effet, l’enseignement officiel ou laïc et l’enseignement privé (catholique et protestant) se partageaient à peu près la moitié des écoles, des élèves et des enseignants (voir tableau ci après).
Les tableaux ci-après permettent de mesurer les efforts de l’Etat et des Eglises surtout catholique dans la promotion de l’éducation au Gabon au lendemain de l’indépendance. Ces chiffres comparent l’enseignement officiel et privé.
ENSEIGNEMENT |
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PRIMAIRE Nombre d’écoles |
206 244 450 |
230 287 517 |
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COMPLEMENTAIRE Nombre d’écoles |
9 6 15 |
7 9 16 |
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PEDAGOGIQUE Nombre d’écoles |
1 3 4 |
3 8 11 |
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TECHNIQUE Nombre d’écoles |
1 1 2 |
4 3 7 |
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SECONDAIRE Nombre d’écoles |
1 1 2 |
3 3 6 |
Source : Annuaire statistique du Gabon
ENSEIGNEMENT |
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PRIMAIRE Garçons…………… Filles………………. Total |
18.233 9.427 27.660 |
16.952 12.442 29.394 |
35.185 21869 57.054 |
17.505 10.934 28.489 |
17.836 15.007 32.843 |
35.341 25.991 61.332 |
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COMPLEMENTAIRE Garçons……………. Filles……………….. Total |
679 165 844 |
273 206 479 |
952 371 1.323 |
740 134 874 |
525 196 721 |
1.265 330 1.595 |
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PEDAGOGIQUE Garçons…………. Filles……………. Total |
199 3 202 |
215 21 236 |
414 24 438 |
274 - 274 |
386 - 386 |
660 - 660 |
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TECHNIQUE Garçons…………… Filles………………. Total |
163 2 165 |
- 35 35 |
163 37 200 |
570 50 620 |
40 115 155 |
610 165 775 |
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SECONDAIRE Garçons…………… Filles……………….. Total |
423 154 577 |
296 - 296 |
719 154 873 |
771 102 873 |
437 229 666 |
1.208 331 1.539 |
Source : Annuaire statistique du Gabon
En 1963, année qui inaugure le déclin de l’enseignement privé 450 , le Gabon comptait dans l’ensemble du pays : 517 écoles primaires, 16 cours complémentaires, 6 établissements secondaires, 7 établissements d’enseignement technique, 3 écoles spécialisées dans l’agriculture, les forêts et l’art vétérinaire, dont l’ensemble était fréquenté par plus de 67.00 élèves, dont 26.000 filles.
La présence d’un grand nombre de filles dans l’enseignement, d’une manière générale, reposait sur une vaste politique de promotion féminine de l’Etat à laquelle était favorable l’Eglise catholique. En 1961, une des préoccupations du gouvernement était « de promouvoir la femme gabonaise afin de lui permettre de contribuer à l’édification de la Nation en l’associant à l’homme gabonais dans sa lutte pour le progrès du pays » 451 .
Le gouvernement, par décret du 26 décembre 1961, institua, auprès du Ministère des Affaires Sociales un Conseil National des Femmes Gabonaises 452 . Ce Conseil contribua essentiellement à la définition d’une politique à l’égard de la femme et indirectement de la jeune fille, afin d’assurer leur promotion personnelle, éducative, social dans le cadre de la famille et de la Nation. Ce décret fut suivi par un certain nombre de faits ou de mesures qui avaient des répercussions sur la vie politique, tels que l’élection de femmes comme députés à l’Assemblée Nationale, la nomination de femmes comme assesseurs près de chaque tribunal de droit local et de deux membres féminins dans chacun des conseils de gestion des collectivités rurales.
A partir de 1961, par exemple, l’intégration de femmes dans la Police et les Forces Armées fut la conséquence de la forte scolarisation de la jeune fille gabonaise depuis 1945. Toutes les mesures et les actes en leur faveur contribuèrent à déclencher un vaste mouvement d’intérêt pour le progrès moral, intellectuel, matériel de la jeune fille et des femmes gabonaise, pour leur accession à un état correspondant à leur importance et à leur rôle dans la société et la Nation gabonaise.
Dans l’ensemble, les efforts consentis par les autorités politiques pour la scolarisation des Gabonais au début des années 1960 reposaient essentiellement sur l’œuvre éducative des missions. Le jeune Etat gabonais voulut poursuivre cette œuvre dans un esprit républicain et laïc. En 1965, par exemple les effectifs étaient en perpétuelle croissance puisque les écoles primaires comptaient 73.000 élèves, dont 45% de filles.
La moitié des enfants fréquentaient toujours les écoles des Eglises catholique et protestantes. Les établissements secondaires, publics et privés laïcs comptaient 4600 élèves, soit plus de la moitié qu’en 1960 et les filles y étaient six fois plus nombreuses.
De 1945 à 1969, l’enseignement privé demeura prépondérant au Gabon, non seulement à cause des effectifs mais aussi et surtout à cause de la qualité de l’enseignement et de la formation dispensée. Une des grandes figures de l’enseignement privé catholique au Gabon entre 1945 et 1969 était le Frère Macaire Clemenceau.
Le Frère Macaire a servi de janvier 1936 à 1963 comme directeur de l’école Montfort, donc comme premier responsable de l’enseignement catholique au Gabon. Malgré sa retraite, le Frère Macaire continua à visiter les écoles catholiques au Gabon jusqu’en 1967 453 . En quarante ans de présence au Gabon, le Frère Macaire contribua à l’élaboration des ouvrages scolaires pour l’enseignement catholique. Il publia son premier ouvrage didactique adapté aux réalités gabonaises en 1939. D’autres suivirent et sont toujours utilisés de nos jours comme « Mon livre unique de français » et le « Syllabaire », fameux livre d’initiation à la lecture dans les écoles catholiques, au cours préparatoire première année 454 . La détermination du Frère Macaire pour défendre l’enseignement privé a été telle qu’il fut élu dans le premier conseil représentatif du Gabon en 1947 en compagnie de pasteurs protestants.
Source : DOCOPM
DOCGAG, (Documentation Gabonaise), Journal Officiel de la République Gabonaise (JORG), 1960
DOCOPM, Dossier N° 347, "L'enseignement au Gabon", 1965
Nous en parlons dans les lignes qui suivent à propos du « déclin à cause de la laïcisation et la nationalisation de l’enseignement »
DOCOPM, Dossier N° 347, « l’enseignement au Gabon », 1965. Cf. aussi JORG, Décret portant création du CNFG
DOCGAB, JORG 1961, Décret présidentiel portant création du Conseil National des Femmes Gabonaises
Raponda Walker, Souvenirs d’un nonagénaire, 1993, Op. Cit. p. 173.
Témoignage oral du Frère Hubert Guérineau, entretien du 22 juin 1999 à Libreville, à la fondation Raponda Walker