● Le déclin à cause de la laïcisation et la nationalisation de l’enseignement

L’essor et la prépondérance de l'enseignement privé catholique furent secoués par la montée des premières difficultés liées à l'environnement national, notamment l'accession du pays à l'indépendance. Mais, jusqu'en 1963, malgré la loi n° 30/63 qui organisa les nouveaux rapports entre l'Etat et l'Eglise au Gabon 464 , les statistiques prouvent la supériorité numérique de l'enseignement privé en général sur l'enseignement laïc, qu'on appelait désormais l'enseignement officiel.

En 1961, par exemple, sur 557 établissements scolaires que comptaient tout le Gabon, 239 étaient du ressort de l'Eglise catholique. Du reste, en 1961, les autorités religieuses parlaient de "compréhension mutuelle". Ils reconnaissaient encore la cordialité des rapports et l'aide apportée par l'Etat pour soutenir l'enseignement privé. A la fin de l'année scolaire 1961 le ministre de l'Education nationale dans un discours lors de la remise des prix au collège Bessieux déclara:

"Le président Léon Mba a donné l'assurance qu'il entend encourager, dans la limite du possible, les efforts des apôtres de Jésus-Christ, dans le cadre de leurs activités scolaires et culturelles." 465

Les autorités religieuses se réjouissaient alors de cette volonté du chef de l'Etat qui se trouvait exprimée dans la constitution qui affirmait « la responsabilité morale du peuple gabonais devant Dieu ». Pour ces derniers, cet extrait du préambule de la constitution engageait les pouvoirs publics à donner aux établissements privés la charge d'enseigner, toute possibilité nécessaire à leur développement. Ils estimaient enfin que cela était "un privilège rare, dont certains peuples dans le monde sont privés" 466 .

Mais à partir de 1963, l'écart entre l'enseignement privé et officiel se réduisit. On comptait 32.842 élèves pour l'enseignement privé général 467 contre 28.489 pour l'enseignement officiel 468 . L'enseignement officiel prit plus d'importance à cause de la nationalisation de l'enseignement à laquelle les responsables de l'enseignement privé, surtout catholiques, étaient réfractaires. Ce qui restait comme le seul grand terrain de collaboration entre l'Etat et l'Eglise au Gabon après l'indépendance s'effrita considérablement. Cependant, jusqu'en 1968, l'enseignement privé catholique demeura très largement en tête des taux de réussite aux examens officiels comme le CEPE, le BEPC et le Baccalauréat.

Dans l'ensemble la loi de 1963 469 , sur les nouveaux rapports entre l'Eglise et l'Etat au Gabon dans le domaine éducatif, amorça le déclin de l'enseignement privé au Gabon, en particulier de l'enseignement privé catholique. Après avoir tenu quelques années, grâce à l'aide venant des anciens pays de Mission comme la France, l'enseignement catholique au Gabon connut à partir de 1968 une crise dont les conséquences furent vraiment perceptibles après 1970. Désormais, les élèves des écoles et des collèges catholiques devaient acheter eux - mêmes leurs fournitures scolaires et verser une caution pour avoir le droit d’utiliser des livres dans leurs établissements 470 .

Notes
464.

DOCATGAB, Jacques Hubert, Id. & Ibid. DOCGAB, JORG 1963, Loi portant sur les rapports entre l’Etat et l’Eglise.

465.

AAL, Rapport annuel de 1961, Les rapports avec le gouvernement, Archidiocèse de Libreville.

466.

AAL, Rapport annuel de 1961, Ibid

467.

C'est à dire l'enseignement catholique et l'enseignement protestant.

468.

DOCGAG (Documentation Gabonaise), Annuaire Statistique du Gabon 1965.

469.

DOCGAB, JORG de 1963.

470.

Témoignages des anciens élèves de l'enseignement catholique entre 1960 et 1970. Entretiens collectifs. Enquêtes de terrain de novembre 2001 et septembre 2002 à Libreville.