 L'influence ethnique et clanique

Un autre élément non négligeable de la vie électorale au Gabon, entre1945 et 1960, est « l'influence ethnique ». L'habitude des colons, des missionnaires, de classer les populations gabonaises par groupes ethniques allait, à partir de 1945, marquer la vie politique moderne.

Les nombreuses cartes de géographes, anthropologues, ethnologues et autres dessinaient avec précision les zones de chaque ethnie. Ainsi à l'issue de chaque élection des parallèles étaient tirés quant au nombre de voix obtenue par tel ou tel candidat dans une zone précise. Par exemple, lorsque Jean Hilaire Aubame arrivait en tête dans les régions fortement peuplées de Fang les observateurs pensaient immédiatement à un vote ethnique.

Cette habitude du déchiffrage ethnique des élections s'est renforcée progressivement entre 1945 et 1960 au point de créer des a priori dans les mentalités des Gabonais qui vivaient dans des zones de mélanges comme Libreville et Lambaréné. Les candidats battus et les colons privés confortaient aussi ces idées d'un vote ethnique, et le dénonçaient comme étant une survivance du passé. Mais avec quelles preuves? Cette analyse ethnique du vote avait donc engendré des pressions sur des électeurs, sans aucune culture politique, dont la connaissance du monde ne dépassait pas le cadre de l'ethnie et parfois du clan.

Les missionnaires ne se prononçaient pas sur cette vision ethnique des élections. Il s'agit d'un phénomène que certains missionnaires considéraient comme naturel et irréversible, dans la mesure ou cela permettait à chacun d'affirmer son identité. D'autres missionnaires pensent qu'il était difficile de combattre cette vision du vote ethnique. Il fallait plutôt régler le problème du droit de vote pour éviter que des Gabonais votent automatiquement pour des candidats qu'ils connaissent ou qui parlent leur langue. C'est en ce sens que certains étaient favorables à la restriction du droit de vote.