Sources: CAOM et ANG, Fonds Ansom.
Parmi les élus de 1957 on retrouve des européens de la colonie tous issus du colonat privé. Certains firent même partie du Conseil de Gouvernement 675 . Cette Assemblée était mixte. Bien qu'élue au collège unique, elle gardait une forte présence des élus, de l'ancien collège, européens issus du colonat privé (forestier) et candidats, de l'ancien second collège.
L’enjeu final des élections de 1957 étant la mise ne place d’un conseil de gouvernement, le scrutin fut très engagé. A l'issue des élections directes du 30 mars et du 5 mai, sur 40 sièges à pourvoir, les résultats définitifs donnèrent l’UDSG de Jean Hilaire Aubame vainqueur avec 14 sièges contre 8 pour le BDG de Léon Mba, le même nombre pour l'EDIG, 4 élus pour l'UTP et 3 élus respectivement pour la DIG et les indépendants 676 .
Après ce scrutin, le rôle de la nouvelle Assemblée fut d’élire un Conseil de gouvernement. La mise en place de celui-ci constitua, non seulement un tournant historique important, mais elle créa aussi une surprise. Elle peut être considéré ecomme « un drame » pour les vainqueurs du scrutin et comme une leçon de détermination pour les perdants.
L’élection du Conseil de gouvernement créa une surprise par rapport aux résultats des urnes au suffrage direct. 51 jours après le scrutin l'Assemblée Territoriale organisa une élection interne à deux tours, sur une liste, sans panachage préférentiel. Après plusieurs tractations liées au transfert de voix de certains conseillers, la liste BDG de Léon Mba l'emporta. 677 Ce dernier prit le titre de Vice-président du Conseil de Gouvernement et ses colistiers devinrent des Ministres. L’UDSG de Jean Hilaire Aubame, pourtant vainqueur, se retrouva battue. Que s’était-il passé ?
En six semaines plusieurs Conseillers changèrent de parti politique. Certains conseillers furent soupçonnés d'avoir changé de camps sous l'instigation des forestiers européens du Gabon dont le soutien à Léon Mba depuis 1952 ne faisait plus l'ombre d'un doute. Craignant, les idées de l'UDSG et de Jean Hilaire Aubame, et une éventuelle perte du monopole des affaires, les forestiers soutenus par d'autres milieux économiques, mirent tout en œuvre pour faire élire Léon Mba 678 . Cette attitude confirma leur ambition d’influencer la vie politique dont le point culminant fut atteint lors de l’élection du conseil de gouvernement.
Le Conseil de Gouvernement élu le 21 mai 1957 679 fut la première institution représentant le pouvoir exécutif. Mais il ne reflétait pas la configuration de l’Assemblée territoriale. Sa mise en place inaugura une crise ouverte entre le BDG et l’UDSG. La tension fut à son comble entre les deux hommes et les deux partis mais une solution de compromis fut trouvée, consistant à faire entrer dans le Conseil de Gouvernement toutes les tendances.
| Noms et Prénoms | Fonction | Tendance |
| Léon Mba…………….. Paul Flandre………….. Maurice Jourdan……… Gustave Anguilé………. Jean Marc Ekoh………. Yves Evouna…………. Eugène Amogho……… Stanislas Migolet……... Vincent de Paul Nyonda Edouard Duhaut……… Paul Marie Yembit…… Alexandre Bianguet…… |
Affaires Internationales et Fonction Publique Affaires Economiques et Financières Santé Publique et Population Production forestière Travail et Affaires sociales Plan Enseignement Jeunesse et Sport Affaires Intérieures Travaux Publics Affaires Economique et Commerce Production Agricole Attaché à la Vice Présidence du Conseil |
BDG BDG BDG BDG UDSG UDSG UDSG UDSG BDG BDG BDG BDG |
Source: ANG et CAOM
L’agitation autour de l'élection du Conseil de Gouvernement marque la consécration de la suprématie des forestiers dans l'influence de la vie politique gabonaise avant l'indépendance. Toutes les autres forces profondes se retrouvèrent en échec. Il n’y avait plus d’élus venant des Missions. A partir de 1957, les missionnaires fondèrent leur espoir sur les succès politiques de Jean Hilaire Aubame.
Pour le Père Gilles Sillard, il faut relativiser cet échec,
‘« La défaite du parti d'Aubame en 1957 n'avait pas porté un coup d'arrêt aux ambitions et projets de la Mission. Peut - être chez les protestants? Les ambitions politiques de l'Eglise n'étaient plus les mêmes en 1957 dans la mesure ou les Gabonais commençaient, eux mêmes, à s'initier à la gestion de leur destin politique... c'était le vœux de la Mission. 680 ».’En réalité c'est au milieu des années 1950 que les missionnaires catholiques abandonnèrent toute idée de participer directement au débat politique. Le Père Morel affirme « En 1954, les autorités spiritaines à Paris avaient refusé l'investiture à un abbé indigène 681 » Il ne fut plus question pour les missionnaires catholiques de s'afficher directement dans les événements politiques électorales. Il s'agissait pour eux de manœuvrer avec prudence et de prendre de la hauteur par rapports aux événements aussi bien sur le plan interne qu'externe. Une attitude qui était liée aux mutations internes de la Mission.
La mise en place du Conseil de Gouvernement et le renforcement des attributions de l'Assemblée Territoriale en 1957, étaient celles des grands choix pour ces deux institutions politiques locales.
Pour le Père François Emmanuel, arrivé au Gabon en avril 1959: « les deux institutions politiques locales fonctionnaient normalement et prenaient des décisions qui allaient dans le sens de l'émancipation des Gabonais ».
La Mission se réjouissait des décisions de ces deux institutions, surtout sur le plan social dans le domaine de l'éducation et de la santé. Les missionnaires étaient, cependant, inquiets de la montée politique de Léon Mba aux dépens de Jean Hilaire Aubame 682 .
Il s'agit de Maurice Jourdan, Edouard Duhaut, Paul Flandre et Pierre Mariani
CAOM, 20D 9,Télégrammes des résultats de élection à l’Assemblée territoriale du Gabon Scrutin du 30 mars 1957. Cf. aussi 20D 16.
CAOM, Fonds ministériel, Carton 2213 dossiers 2, Les délibérations de Assemblée territoriale, 1957
Léon Mba était considéré par les forestiers comme un leader modéré capable de défendre leurs intérêts parmi les autochtones. C'est la raison pour laquelle depuis 1952 ils lui accordèrent leur soutien. Tant que les forestiers pouvaient défendre directement eux même leurs intérêts avant 1956, Léon Mba ne bénéficiait que d'un soutien partiel. En 1957 la vie politique devenant de plus en plus autonome, les forestiers s'appuyèrent sur Léon Mba
ANG, JOAF, Arrêté portant composition du conseil du gouvernement du territoire du Gabon. P.902.
Témoignage du Père Gilles Sillard. Déjà cité
Témoignage du Père Gérard Morel, Spiritain. Entretien du 28 novembre 2001 à Libreville
Témoignage du Père François Emmanuel, Entretien du 1er octobre 2002 à Libreville