 Les réactions et les conséquences de la crise constitutionnelle: l'Union Nationale.

Si la crise constitutionnelle de novembre 1960 s’inscrit dans la logique de l’affermissement des institutions, les événements s'étaient enchaînés à un rythme accéléré au point que l’Eglise resta muette officiellement. En un peu moins de cinq mois, les conflits entre le gouvernement et l'Assemblée, autrement dit entre Léon Mba et Paul Gondjout, avaient été résolus au profit de Léon Mba.

L'Eglise catholique, du moins la hiérarchie, ne porta pas une attention officielle aux événements et aux débats autour de la constitution de 1961. Elle était satisfaite de la nouvelle, comme des précédentes, car la liberté religieuse et les droits sociaux y étaient garantis 745 .

Malgrés ses doutes et sa méfiance envers Léon Mba, l'Eglise se contenta du fait que l'Etat, quel que soit son chef, garantissait les libertés fondamentales, notamment la libertét des religions.

D’après les témoignages du Père Sillard et du Père Emmanuel François 746 , il existait deux attitudes dans la communauté catholique gabonaise. Il y avait le point de vue dominant du clergé d’origine européenne qui ne voulait pas se mêler des problèmes des Gabonais, surtout après l’indépendance. Il y avait aussi le point de vue de quelques clercs gabonais dont les réactions n'étaient pas systématiques et organisées. Dans les deux cas la quiétude de Léon Mba ne fut nullement perturbée.

Il ne faut cependant pas croire que, malgré la résignation et le mutisme officiel des autorités religieuses et de toute la société civile non religieuse (associations et syndicats...), le peuple était resté insensible. En effet, l'élimination politique de Paul Gondjout, après son arrestation avait porté un coup sérieux à la popularité de Léon Mba et du BDG. Ce parti était une fusion du CMG de Léon Mba et du PDA de Paul Gondjout. De ce fait, l'étouffement politique de Paul Gondjout refroidissait ses supporters qui ne voulaient plus de Léon Mba et du BDG.

La mise à l'ombre de Gondjout éloigna Léon Mba, et le BDG et une partie de son électorat. Ayant dissous l'Assemblée en janvier 1961 pour convoquer des élections un mois plus tard, en février, Léon Mba et son parti, le BDG, face à l'UDSG de Jean Hilaire Aubame, ne pouvait escompter le moindre succès aux élections de février 1961 qui devait, justement, légitimer le régime présidentiel qu'il voulait mettre en place. C'est la raison pour laquelle Léon Mba choisit une tactique politique qui le rapprocha de Jean Hilaire Aubame, pour lui proposer la conclusion d'une entente entre les deux partis.

Cette « Entente cordiale et tacite 747  » se concrétisa très rapidement sous la forme de ce que les deux hommes avaient appelé « l'Union Nationale ». L'UDSG par le biais de son leader avait accepté cette entente pour éviter les attitudes susceptibles d'accentuer leurs différents avec le BDG de Léon Mba. Pour les responsables de l'UDSG, et son leader, l'Union Nationale était le seul moyen d'éclaircir l'horizon politique assombri par le débat constitutionnel.

Notes
745.

DOCGAB, JORG 1961, Constitution de la République Gabonaise du 17 février 1961.

746.

Témoignages oraux des pères Sillard et Emmanuel François Cssp. Entretiens de février et mars 2000 à Chevilly-Larue et du 1er octobre 2002 à Libreville.

747.

Nous utilisons cette expression à cause des conditions dans lesquelles avait été conclu cet accord. Il n’existe aucune trace écrite officielle. Il semble même qu’il s’agissait d’un accord verbal entre les deux hommes qui a été conclu sur la base des raisons extra politiques. Les deux hommes étaient de la même ethnie : fang. De plus Jean Hilaire Aubame avait été élevé par le grand frère de Léon Mba, l’abbé Jean Obame. A cela nous pouvons ajouté l’hypothèse vraisemblable d’une intervention des anciens de la communauté fang de Libreville qui avaient demandé à Jean Hilaire Aubame, plus jeune, de ne pas se présenter contre Léon Mba, son aîné. Dans tous les cas nous considérons, dans ces conditions que Jean Hilaire Aubame a péché par naïveté en comptant sur une loyauté de son adversaire politique de toujours. Dans le même temps nous pensons que l’attitude de Jean Hilaire Aubame avait permis d’éviter le chaos.