 Les opérations militaires : l’intervention de l’armée française

Dans la nuit du 17 au 18 février 1964 769 , six jours avant les élections, Léon Mba fut destitué par l'armée. Tous les membres du gouvernement et certaines autorités furent arrêtés à l'exception de Gustave Anguilé, qui se rendit aux mutins par solidarité, et de Paul Marie Yembit qui se trouvait à l'intérieur du pays. A la tête de ce mouvement de rébellion dans l’armée se trouvait un comité révolutionnaire composé des Lieutenants Jean Essone, Jacques Mombo et des sous-Lieutenants Daniel Mbéné et Daniel Ondo Edou.

Le coup d'Etat, sur le plan militaire, s'était déroulé sans accroc. Les mutins occupèrent la présidence de la République, la maison de la Radio et certains autres lieux stratégiques sauf l'aéroport. Le 18 février et la nuit suivante (du 18 au 19 février) tout le pays et la capitale étaient restés très calmes. Il n' y eut aucune réaction des chrétiens ou du peuple. Dans la journée du 18 février certains commerces et administrations avaient même ouvert.

Les pères Sillard, Morel et Emmanuel François 770 affirment qu'ils n'avaient pas lu de signes d'inquiétude tout de suite chez les chrétiens, au contraire ils vaquèrent normalement à leurs activités paroissiales et civiles.

Le coup d'Etat prit des proportions dramatiques et populaires avec l'intervention militaire française. Contrairement a ce qui s'était passé dans les autres anciennes colonies françaises où avait eu lieu des coups d'Etat, la France avait décidé d'intervenir au Gabon pour rétablir Léon Mba. Elle le fit sur une décision directe du Général Gaulle.

Photo 19: L'amitié franco gabonaise ou l'amitié Mba de Gaulle ?
Photo 19: L'amitié franco gabonaise ou l'amitié Mba de Gaulle ?

Source : DOCOPM

‘«  Etant donné les accords que nous avons avec le Gabon, nous ne devons pas laisser quelques militaires mutinés se saisir du Président de la République dès lors que nous avons des troupes sur place et dans la région [...] Nos forces, avec le concours ou l'appui d'éléments militaires gabonais restés dans le devoir (il y en a certainement), doivent assurer la sécurité du président Léon Mba et, d'abord, le libérer. 771  »’

Cette note du Général de Gaulle à Jacques Foccart, secrétaire général de l'Elysée chargé des affaires africaines et malgaches, montre l'implication, au plus haut niveau, de la France lors du Coup d'Etat au Gabon en 1964. Néanmoins, le gouvernement français avait besoin d’une requête du régime avant d’intervenir militairement. C’est Paul Marie Yembit que les putschistes oublièrent d’arrêter qui signa cette demande. Ainsi, les troupes françaises, placées sous le commandement du Général Kergavarat et arrivant des bases françaises de Brazzaville, Bouar et Dakar, débarquèrent à Libreville dans la nuit du 18 février.

Le 19 février au petit matin, les troupes françaises lancèrent l'assaut contre les positions des putschistes. L'affrontement militaire fut surtout rude au camp Baraka où les mutins commandés par le Sous Lieutenant Ondo Edou 772 avaient tenu tête aux troupes françaises.

Les mutins enregistrèrent de lourdes pertes avant de déposer les armes et libérer les prisonniers politiques qu'ils détenaient en otages. Le 19 février vers 17 heures les mutins positionnés à la présidence de République commandé par le Lieutenant Jean Essone se rendirent aussi. L’affrontement entre militaires français et putschistes gabonais se déroula en une journée. Au total, d'après les différentes sources il y eut 18 morts chez les mutins et un du côté français 773 .

Léon Mba, qui avait été conduit, par les mutins, à Lambaréné fut ramené à Libreville dans la nuit du 19 au 20 février. Tous les prisonniers politiques du BDG furent libérés et ils retrouvèrent leur fonction. Ils furent remplacés en prison par les mutins, notamment les 3 membres du comité révolutionnaire restés en vie et par les membres du gouvernement provisoire et éphémère dirigé par Jean Hilaire Aubame.

Notes
769.

Nsolé Biteghe, Echec aux militaires au Gabon en 1964, Cf. aussi, François Gaulme, le Gabon et son ombre, karthala, 1988

770.

Témoignages oraux.

771.

Charles De Gaulle, Lettres, notes et carnets, janvier 1964-juin 1966, Paris Plon, 1987, Op. Cit. P. 37.

772.

Il était mort pendant le putsch. Certaines sources affirment qu'il a été exécuté après les combats au moment ou les troupes putschistes se rendaient. Maurice Robert, Le ministre de l’Afrique, Paris seuil, 2004, le présente même comme la seule victime des opérations militaires. Il fut victime d’une balle tiré par un de ses partenaires.

773.

Metegue N'nah, Nicolas, Le Gabon de 1960 à 1990, UOB, FLSH, 1999. Cf. aussi Moise Nsolé Biteghe, Echec aux militaires, 1990. Cf. aussi, Louis Barthélemy Mapangou (dir.), Mémorial du Gabon, Tome I, les années de l'indépendance 1960-1964, article sur " le putsch ".