 Les conséquences des interventions dans la vie politique et sociale en 1964

Le silence de l'Eglise en 1967 et 1968 est donc en premier lieu lié aux événements de 1964 au cours desquels l’Eglise sortit amoindrie à cause, justement, des divisions et du manque de cohésion dans les interventions du personnel religieux et des chrétiens. La parole de l'Eglise lors de ces événements avait été mal parçue par l'opinion, que ce soit le pouvoir ou l'opposition 891 .

Le manque de cohérence dans les interventions du clergé missionnaire conduisit ensuite ces derniers à s’abstenir, à l'image de l'Archevêque missionnaire de Libreville dont la dernière grande déclaration sur la vie politique avait, justement, été prononcée lors des fêtes pascales de 1964.

Les critiques contre les autorités religieuses, la France, contre « l'homme blanc » en général exprimées en 1968 renforcèrent les missionnaires dans la conviction qu’ils ne devaient pas prononcer des paroles qui pouvaient être mal interprétées 892 .

Du côté des clercs gabonais, le silence de l’Eglise résulte del'exil de ses membres les plus virulents comme l'abbé Mintsa et l’abbé Rapontchombo. Mgr François Ndong qui émettait souvent des réserves sur la vie politique sous le régime de Léon Mba, était âgé, et il était souvent à l’intérieur du pays où de nombreuses charges pastorales le retenaient. Il qu’il fut affecté à Oyem pour s’occuper de ce diocèse à partir de 1969. Ses nouvelles responsabilités d’évêques l’avaient conduit à plus de réserve sur la vie politique. A cela il faut ajouter que les remarques de Mgr François Ndong sur la vie politique, tout comme celles de Mgr Raponda Walker, s’adressaient directement à Léon Mba qui n’était plus au pouvoir . Le choix de Mgr François Ndong en 1967 et 1968 fut aussi d’observer le nouveau régime pour le juger à l’action.

L’attitude de la nouvelle génération de prêtre ordonnée dans les années 1960 contribua également au silence de l’Eglise, car cette génération était réservée et discrète. L'Eglise du Gabon avec son organisation encore très cléricale et missionnaire ne pouvait s'exprimer.

Notes
891.

La plus grande intervention de l’Eglise catholique au Gabon dans la vie politique dans les années 1960 fut celle de 1964 lors du coup d’Etat. Avant, c'est-à-dire à partir de 1960, et après ces événements l’Eglise n’intervint presque ou pas directement dans les mutations politiques jusqu’en 1990. Les interventions directes de l’Eglise lors de ces événements peuvent servir à comprendre par la suite le silence du personnel religieux européen.

892.

Témoignage oral du Père Gilles Sillard, entretiens de février et mars 2000 à Chevilly-Larue.