En 1995, le Gabon comptait 4 évêques dont un en retraite, Mgr Cyriaque Obamba ancien évêque de Mouila qui avait été remplacé provisoirement par Mgr Basile Mvé, évêque d’Oyem, en qualité de d’administrateur apostolique. Mgr Anguilé et Makouaka continuaient de présider aux destinés de l’archidiocèse de Libreville et du diocèse de Franceville.
La seconde fonction, la plus importante dans les activités de l’Eglise au Gabon, entre 1969 et 1995 était celle de prêtre. En 1995, le Gabon comptait 90 prêtres dont 27 Gabonais, un peu moins de 180 sœurs et 31 frères 936 . On avait ainsi en moyenne un prêtre pour 10.000 habitants, un frère pour 35.000 habitants et une sœur pour 6000 habitants.
Comparativement aux pays voisins, le nombre de prêtres n’avait cessé de décroître au Gabon depuis la fin des années 1960. Une régression quantitative qui se faisait sentir sur le terrain. C’est ainsi que, dès 1970, huit paroisses, au Gabon n’avaient pas de prêtres résidents 937 , alors que ces paroisses se trouvaient à des dizaines de kilomètres, pour certaines et à des centaines de kilomètres pour d’autres, de la paroisse la plus proche.
Le clergé, dans l’ensemble, entre 1969 et 1995, était non seulement en diminution mais il était aussi dispersé et souvent isolé, surtout dans les zones rurales des diocèse de Mouila et Oyem. Cette situation était surtout remarquable chez les prêtres diocésains qui vivaient parfois seuls dans les paroisses urbaines. L’isolement était accru du fait que la totalité des prêtres, sœurs et frères religieux, appartenaient à des congrégations différentes. En 1992 par exemple, on comptait 22 formes différentes de vie consacrée au Gabon. Par conséquent les communautés étaient toujours petites 938 . Un autre caractéristique du personnel religieux était l’inégalité persistante par nationalité. Le tableau ci-dessous permet d’apprécier les effectifs et cette caractéristique.
Années | origines | 1970 | 1975 | 1980 | 1985 | 1990 | 1995 | ||||||||||||||
Prêtres |
|
||||||||||||||||||||
Sœurs |
|
172 |
|||||||||||||||||||
frères |
|
31 |
|||||||||||||||||||
Total | 323 | 278 | 303 | 284 | 292 | 293 |
Source: DOCOPM, Annuaire de l'Eglise catholique, 1998
Deux constats se dégagent de ce tableau.
D'autre part, on peut constater que le personnel religieux féminin a toujours été presque égal au personnel religieux masculin, grâce à l'arrivée massive de congrégations féminines dans les années 1960 (voir chapitre Ier).
Ce personnel religieux est réparti dans les quatre diocèses. Le tableau ci dessous nous donne la répartition par diocèse, par année et par nationalité.
Diocèse | Libreville | Mouila | Oyem | Franceville | ||||||||
Années | GAB | EXP | TOTAL | GAB | EXP | TOTAL | GAB | EXP | TOTAL | GAB | EXP | TOTAL |
1970 | 74 | 98 | 172 | 24 | 94 | 94 | 8 | 35 | 43 | - | - | - |
1975 | 44 | 85 | 129 | 12 | 50 | 50 | 8 | 42 | 50 | 3 | 32 | 34 |
1980 | 52 | 102 | 154 | 15 | 40 | 40 | 11 | 42 | 53 | 1 | 36 | 37 |
1985 | 47 | 112 | 159 | - | - | 12 | 37 | 49 | 2 | 33 | 35 | |
1990 | 45 | 169 | 214 | 9 | 35 | 35 | 11 | 30 | 41 | 2 | 38 | 40 |
1995 | 48 | 152 | 200 | 10 | 37 | 37 | 13 | 35 | 48 | 7 | 35 | 42 |
Source: Annuaire de l'Eglise catholique, 1998.
Ce tableau permet de constater que l'archidiocèse, très peuplé et très vaste, se taille la part du lion avec plus de la moitié des effectifs. Les clercs étrangers sont les plus nombreux dans tous les diocèses. Mais le diocèse de Mouila présente une situation contraire à tous les autres car ses effectifs sont décroissants de 1970 à 1995, alors que ceux des jeunes diocèses d'Oyem et Franceville augmentent.
La situation du diocèse de Mouila entre 1970 et 1995 est très particulière. Non seulement, il a été divisé en 1974 mais il a aussi vécu difficilement le passage de la Mission à une Eglise diocésaine. Evangélisé dès le XIXè siècle avec la fondation des premières missions dans la région de la Ngounié 940 , le diocèse de Mouila et l'ensemble du Sud Gabon a souffert de l'hostilité des peuples des ces régions à accepter le christianisme. La présence d'un évêque missionnaire dans ce diocèse jusqu'à la fin des années 1970 témoigne de l'immensité du travail d'évangélisation qui restait à accomplir.
En ce qui concerne le mode de vie, entre 1969 et 1995, la situation du personnel religieux est misérable surtout dans le clergé diocésain, ce qui entraîne la démission de certains. Les témoignages de certains prêtres et laïcs gabonais confirment cette assertion. En effet en plus du ministère dominical, les clercs étaient aussi responsables de l’enseignement, de la catéchèse dans les écoles et de l’évangélisation de leurs concitoyens.
Les clercs, surtout les Gabonais, éprouvent ainsi certaines difficultés à être présents auprès du peuple alors qu’ils passent leur temps à assurer leur existence matérielle. Dans ces conditions, leur tâche est presque inhumaine dans certains cas. Voici le témoignage d’une laïque sur la vie des prêtres, à Libreville.
‘« L’abbé Jean Mbeng (curé de la paroisse Saint Jean Baptiste à Nzeng Ayong dans la périphérie de Libreville) habite dans le quartier Sainte Marie 941 . Une paroissienne vient lui apporter des repas et il doit compter sur l’argent que lui donnent des prêtres enseignants pour acheter des vêtements. Pourtant chaque matin, il célèbre sa messe comme si c’était la première fois. Dans ses vêtements sacerdotaux qui datent sûrement de l’époque coloniale, il sait garder la jeunesse de sa prière » 942 . Tandis que, le jeune abbé Paul Ibouanga, ordonné en 1989, «… lui, la plupart du temps sans un sou pour mettre de l’essence dans sa vielle voiture rouillée, doit se rendre à pied aux nombreuses réunions de jeunes dont il a la responsabilité » 943 . ’Pour vivre, les prêtres Gabonais doivent enseigner pour subvenir à leurs besoins vitaux et gagner leur pitance, car au Gabon entre 1969 et 1995, les prêtres ne sont pas pris en charge par l’Eglise. Ces conditions de vie misérable de certains clercs gabonais fait dire à Janot Poulin, une laïque québécoise arrivée au Gabon en 1986, que : « Malheureusement, lorsque le sacerdoce est exercé par un Gabonais, il y a bien des chances qu’il s’agisse d’un pauvre… » 944 . Le personnel religieux d’origine gabonaise, entre 1969 et 1995, est, en effet, issu dans sa grande majorité des milieux pauvres.
De ce point de vue, le personnel religieux d’origine étrangère membre des congrégations n’est pas logé à la même enseigne. Supportés par leur communauté, ils n’ont pas à gagner leur vie en plus d’exercer leur ministère. Cette précarité de la vie cléricale est aussi une cause de la crise des vocations dont nous parlons dans les lignes qui suivent.
Le tableau suivant met l’accent sur une réalité incontournable. Entre 1970 et 1995, le personnel religieux en poste au Gabon reste très largement expatrié.
Années | Gabonais | expatriés | total |
1970 | 104 | 219 | 323 |
1975 | 67 | 211 | 278 |
1980 | 69 | 234 | 303 |
1985 | 65 | 219 | 284 |
1990 | 77 | 215 | 292 |
1995 | 80 | 213 | 293 |
Source : Annuaire de l'Eglise catholique, 1998
Si nous insistons sur cet aspect, c’est que la présence massive d'un personnel religieux expatrié pose le problème de l’autonomie religieuse et celui de l’inculturation de l’évangile. Comparativement à tous les pays voisins, comme le Cameroun et le Congo, entre 1970 et 1995, le Gabon accuse un important retard dans la constitution d'un « clergé national » capable d'assumer les responsabilités au sein de l'Eglise, d’enraciner véritablement la culture chrétienne dans les mentalités et d’adapter les valeurs traditionnelles ancestrales à l’Evangile. Les missionnaires du Gabon affirmaient depuis les années 1960 la ferme volonté de confier l'Eglise du Gabon aux autochtones mais ce passage n'a pus se faire véritablement à cause de la grave crise de vocation qu'a connue le Gabon entre 1970 et 1990.
DOCOPM, Annuaire de l’Eglise catholique, 1995.
Archives Archidiocèse de Libreville et du Diocèse de Mouila. Les Rapports quinquennaux de 1970.
DOCOPM, voir aussi DOCSSP et DOCATGAB, Janot Poulin, « L’Eglise qui est au Gabon », in Univers de mars-avril 1992.
En réalité cette congrégation nationale des frères de Saint Joseph avait disparu. Les derniers membres étaient tous retraités dont le Frère Martin Yeno que nous avons connu à la cathédrale Sainte Marie entre 1991 et 1995. En 1991, le 17 mars, il avait fêté le 50éme anniversaire de sa profession.
Sainte Croix des Eshiras et Notre Dame des Trois Epis de Sindara et Saint Martin des Apindjis
Ce prêtre n’habitait pas dans le territoire de sa paroisse. A cause d’un maque de logement appartenant à l’Eglise, à proximité de la paroisse, il habitait à Sainte Marie à l’Archevêché à la maison des prêtres et religieux Gabonais atteint par l’age de la retraite.
Témoignage de Janot Poulin dans son Dossier « L’Eglise qui est au Gabon » in Univers, N° de mars avril 1992.
Témoignage de Janot Poulin dans son Dossier « L’Eglise qui est au Gabon » in Univers, N° de mars avril 1992. L’abbé Paul Ibouanga était chargé de la pastorale des jeunes dans l’Archidiocèse de Libreville.
Témoignage de Janot Poulin, Id & Ibid.