● L’œcuménisme avec l’Eglise Evangélique du Gabon

La volonté d’œcuménisme entre 1969 et 1995 se traduit sur un plan purement relationnel. L’Eglise catholique, pendant cette période, entretient des relations avec l’Eglise Evangélique du Gabon. Ces relations deviennent effectives après le passage du Pape Jean Paul II au Gabon en 1982. Avant cette date elles se limitaient essentiellement à une collaboration dans le domaine de la radio et de la télévision. Elles ne pouvaient à cette époque être plus étroites car l’Eglise Evangélique du Gabon, après son indépendance en 1961 était aux prises avec de graves difficultés internes 1054 .

En effet, les postes de direction de l’Eglise ayant été confié à des Gabonais, cette situation provoqua des rivalités, d’ordre ethnique, régional, clanique, mais avant tout personnelles, entre les Pasteurs Nang Essono (originaire de Bitam) et Sima Ndong (originaire d’Oyem).

La compétition entre les groupes dirigés par les deux pasteurs a conduit cette Eglise à une dissidence sans fondement à caractère théologique.

Jusqu’à la fin des années 1980, précisément en 1988, un synode de réconciliation confia la présidence de l’Eglise au Pasteur Emmanuel Mba Nzue. Cette longue crise troubla, pendant de longues années, la vie de l’Eglise Evangélique du Gabon sans pour autant affecter la foi des chrétiens protestants.

L’amorce d’une nouvelle phase des relations œcuméniques entre ces deux Eglises a été inaugurée par la visite du Souverain Pontife en février 1982. Jean Paul II réaffirme dans son discours, lors de la cérémonie œcuménique au stade à laquelle assistèrent massivement les protestants, la volonté de voir « exister entre les frères chrétiens épars (du Gabon) une collaboration particulière » 1055 . Les deux groupes chrétiens les plus importants du Gabon intensifièrent alors leurs relations, par des échanges concrets dans le cadre de la semaine de l’unité des chrétiens.

Entre 1983 et 1995, ces semaines de l’Unité des chrétiens se caractérisaient essentiellement par la célébration de cultes et messes œcuméniques dans l’une ou l’autre des paroisses, en début et en fin de semaine. Les cultes et messes se déroulaient entre paroisses voisines et l’échange se faisait autour de la liturgie par le chant et la parole. Ces liens se matérialisaient parfois par des échanges de présents. En 1990, par exemple, une communauté chrétienne de base de la paroisse Saint Michel de Nkembo à Libreville avait offert un important lot de matériel à la paroisse protestante de Gros Bouquet 1056 .

Les conséquences de ces rencontres œcuméniques sont surtout remarquables pour les rencontres inter chorales chrétiennes et parfois entre jeunes (même si les autorités n’ y étaient pas très favorable). Chaque fin d’année scolaire donnait lieu à de grands concerts entre chorales protestantes et catholiques. Mais aussi et surtout elle favorise une abondante importation des cantiques populaires protestants en langue vernaculaire fang dans les chorales catholiques.

En 1995, face à la montée des « églises indépendantes », et face à l’application tout azimut des principes de l’Etat laïcs et des libertés préconisées par la nouvelle constitution de mars 1991, les relations entre les catholiques et les protestants avaient permis de dénoncer une situation délicate liée au traitement de ces deux Eglises dans les médias d’Etat.

Le « Dimanche chrétien », une émission qui diffusait les activités de l’Eglise catholique et de l’Eglise Evangélique, fut remplacé par le « Dimanche religieux » une émission où l’on mettait côte à côte et sur un pied d’égalité les catholiques et les protestants des Eglises historiques avec les groupuscules qui apparaissaient au jour le jour.

Les catholiques et les protestants s’étaient donc unis pour réclamer un rétablissement de la situation antérieure 1057 . La Conférence Episcopale du Gabon répéta cette réclamation quelques mois après en précisant :

‘« La mise en place d’émissions religieuses dans un pays démocratiques doit obéir à un certains nombres de critères pour remplir sa mission d’éduquer les consciences dans le respect mutuel. Ces critères sont par exemples : la laïcité de l’Etat, le poids réel des diverses confessions religieuses, les moments et les lieux significatifs pour les croyants. » 1058

Cependant, entre 1969 et 1995, les relations entre catholique et protestants au Gabon sont restées au stade des balbutiements, car l’interprétation différente de la Bible par lz population catholique et protestante, qui subit pourtant les mêmes mutations socio-économiques et politiques (pauvreté, misère, fanatisme politique et religieux), a constitué un handicap sérieux à une collaboration franche et constructive. Un handicap que le Pape Jean Paul II, lors de sa visite à Libreville en 1982 mentionna, en déclarant : « le constat est amer car toutes les divergences ne sont pas encore surmontées » 1059 .

Notes
1054.

DOCOPM, Dossier 347, Document BIM « Gabon », janvier 1975.

1055.

DOCATGAB, Discours du Pape Jean Paul II au Gabon lors de la cérémonie œcuménique au stade en février 1982, in Affermis tes frères dans la foi, mai 1982

1056.

Journal l’Union, quotidien gabonais d’information. N° du 2 décembre 1990.

1057.

DOCATGAB, CEG, Discours de l’Archevêque de Libreville lors de la cérémonie de présentation des vœux au Président de la République en Janvier 1995.

1058.

DOCATGAB, CEG, « L’urgence d’un sursaut patriotique », 1995 Paroles d’Eglise N° 4

1059.

DOCATGAB, Discours du pape Jean Paul II à Libreville lors de la cérémonie œcuménique, février 1982, in Affermis tes frères dans la foi, CEG, mai 1982.