● Absence de relations avec les autres groupes chrétiens indépendants

Les mutations socio-économiques dans la société gabonaise à partir de 1970 ont eu pour corollaire, surtout après 1985, une naissance de petites Eglises ou associations religieuses éparses se réclamant soit du catholicisme, soit du protestantismes ou encore des religions traditionnelles. Ces structures, appelées sectes par les catholiques gabonais et « églises éveillées » 1060 , par leurs fidèles posent indubitablement le problème de la liberté religieuse.

La multitude de ces Eglises a amené l’Eglise catholique à ne pratiquer l’œcuménisme qu’avec l’Eglise protestante qui était représentative. La crainte des autorités catholiques venait aussi des critiques systématiques et acerbes que l’Eglise catholique subissait de la part de ces Eglises qui présentaient l’Eglise catholique, auprès de leurs fidèles, comme une « Eglise morte ».

Pour les autorités religieuses catholiques, cette émergence d’« églises indépendantes » 1061 n’était pas un signe d’échec comme voulait le faire croire les pasteurs de ces églises à la population. Elle posait, par contre, un problème de nivellement des religions et des Eglises dans la société gabonaise qui voulait les mettre toutes au même rang.

L’essor des « églises indépendantes » était tout de même réel car le phénomène était indubitablement lié à un effort de remise en valeur des cultures gabonaises dans le cadre d’une nouvelle évangélisation dont ces Eglises indépendantes voulaient être les seuls acteurs.

Ce phénomène était aussi lié à un des dissidences nées au sein de l’Eglise catholique mais surtout l’Eglise Evangélique du Gabon. En effet, nombres de responsables et fidèles de ces Eglises indépendantes, qu’ils soient Gabonais ou expatriés, étaient au départ des catholiques ou protestants qui n’avaient pas été d’accord avec les exigences hiérarchiques et canoniques 1062 .

A la fin des années 1980, les autorités politiques voulurent prendre des décisions pour endiguer le phénomène des Eglises indépendantes. En juin 1989, par exemple, un décret présidentiel, en effet, interdisait, les groupes chrétiens suivants : « La communion des hommes du plein Evangile et l’Association d’Evangélisation Béthanie », deux organisations évangéliques d’origine protestante. Cette décision porta à sept le nombre de groupes religieux frappés d’interdiction dans le pays, à l’exemple « des Témoins de Jéhovah, The way international, les Enfants de Dieu et l’Armée du Salut ». La décision fut publiée dans les médias et au Journal officiel, indiquant que ces organisations ne pouvaient tenir de réunions de prières ou autres rassemblements sur le territoire 1063 . Ce fut sans grand succès car les mutations politiques de 1990 avaient amené un vent de liberté, de sorte que les autorités politiques durent laisser faire. Finalement les groupes visés purent d’exercer leurs activités.

Les décisions d’interdiction avaient reçu l’assentiment des autorités catholiques qui ne pouvaient cependant demander plus puisque la constitution de mars 1991 garantissait la liberté de religion pour tous. L’Eglise catholique, soucieuse de préserver sa place de première force religieuse, décida donc de ne pas nouer de relations œcuméniques avec les groupuscules dont l’attitude vis-à-vis de l’Eglise catholique était par ailleurs hostile.

Notes
1060.

Par opposition à l’églises morte qu’incarnerait l’Eglise catholique. C’est une expression très répandue dans la population chrétienne. Elle est utilisée aussi bien par les fidèles de ces églises que par les chrétiens catholiques

1061.

Nous préférons le terme « Eglise indépendantes » pour désigner ce types d’Eglises. Au Gabon, on en distingue plusieurs types : celle qui se réclame de la branche évangélique, de la branche pentecôtiste, celles qui sont spécialisées dans la guérison…

La présence de ces Eglises est réelle. Une de leur particularité qui a fait l’objet d’une étude de la part d’un psychologue, Steeve Mvé, est « la nuisance sonore ». La prolifération des Eglises éveillés à Libreville : un problème de société à propos de leur nuisance sonore, Mémoire de Licence, UOB, 1997.

1062.

Mgr Basile Mvé, interview de Philippe Essomba in Bingo, N° 334, 1980.

1063.

DOCOPM, « Libreville, le Président de la République Omar Bongo interdit officiellement au Gabon.. » in Revue DIA du 7 juin 1989. Cf. aussi, DOGAB, JORG 1989. Décret du 23 mai 1989 portant interdiction de certaines sectes religieuses