● L’Eglise et les « sectes »

La situation des sectes au Gabon après 1970, n’est pas bien connue ¹⁰⁸⁰ . Une certaine habitude voulait d’abord que tout ce qui n’est pas catholique, protestant ou musulman, fut désigné par secte. Mais à la fin des années 1980, surtout à partir de 1990, la confusion devient plus grande, à cause de la prolifération des Eglises. Durant ces années, il est difficile d’évaluer la présence des sectes au Gabon dans la mesure où elles opéraient en toutes discrétions et dans l’ombre.

Le foisonnement des sectes au Gabon est inséparable de la situation économique et sociale, voire politique, car les sectes recrutaient surtout parmi les cadres administratifs et politiques, moyennement parmi les plus démunis. S’il est vrai que la présence des sectes au Gabon est antérieure à 1970, car les rapports des missionnaires signalent déjà la présence des Témoins de Jéhovah et du mouvement Watch Tower depuis 1945 ¹⁰⁸¹ , elles ne constituaient pas une menace de grande envergure pour les chrétiens et pour l’Eglise au Gabon.

Les Rapports et autres documents épiscopaux n’en disent pas plus. Ils se contentent de signaler la présence de tel ou tel groupe, sans décrire leur influence ou leur activité. Entre 1969 et 1995, les évêques et le personnel religieux citent comme exemples de secte : la Rose croix, la franc - maçonnerie, le maikari, le christianisme céleste.

Si la plupart de ces sectes sont d’origine européenne et asiatique, certaines sont d’origine africaine. Pour le catholicisme, le danger venait essentiellement de la morale qualifiée de « douteuse » qu’elles répandaient dans la société : « le goût du luxe, l’esprit de concurrence, la renommée, l’ascension sociale, la hantise des assassinats  ¹⁰⁸² ».

Plusieurs crimes ont été attribués aux pratiques des sectes. Pourtant à l’exception de sectes chrétiennes comme les Témoins de Jéhovah, les sectes au Gabon ne critiquent pas ouvertement l’Eglise catholique, ses dirigeants et ses prêtres. De son côté l’hostilité de l’Eglise vis-à-vis des sectes vise surtout « l’esprit agnostique » qu’elles contribuaient à répandre dans la société gabonaise ¹⁰⁸³ .

Les sectes installées au Gabon agissant discrètement, il est presque impossible aux autorités religieuses de mener des campagnes d’explication contre telle ou telle secte. Quelques fascicules ont été publiés comme « la foi catholique et les sectes », « catholique et maikhari ». Mais la tribune la plus utilisée pour mettre en garde les fidèles reste l’homélie pendant la messe. Les témoignages macabres ¹⁰⁸⁴ sur les pratiques exercées dans ces sectes par quelques chrétiens et anciens adeptes contribuent à entretenir dans la population chrétienne un climat de peur à leur égard.