● Le train de vie de la population gabonaise à partir de 1973.

Le mirage du développement économique au Gabon a eu pour conséquence des mutations sociales indéniables. L’enrichissement du pays était suivi d’une course frénétique à l’enrichissement individuel. Gaspillage et détournement de fonds prirent alors une ampleur véritablement effrayante au point de modifier considérablement le train de vie de certains.

Dans le pays, comme à l’extérieur, on ironisait sur le « Gabonais ». Les Gabonais étaient présentés globalement comme des nouveaux riches et des paresseux. Ce train de vie, d’après certains religieux et plusieurs missionnaires, rappelait le train de vie des indigènes côtiers au moment de leur arrivée. Cela peut paraître anachronique et la comparaison osée mais la réalité était bien que le Gabonais voulait travailler dans le tertiaire, estimant que les tâches dans d’autres domaines incombaient aux étrangers et aux non diplômés, aux non instruits

Le train de vie de la population du Gabon devint attractif au point de provoquer une immigration et un exode rural sans précédent. Hors des frontières on s’intéressait énormément au Gabon : « un pays non seulement riche mais où l’on pouvait devenir rapidement riche, un pays vide donc en manque de main d’œuvre, un pays vers lequel il  était intéressant d’émigrer. », témoignent certains étrangers au Gabon 1130 .

Dans le pays, trois villes bénéficièrent de ce mirage de développement économique, les autres localités n’avaient presque pas changé et s’étiolaient sous l’effet d’un exode rural plus important que les précédents depuis la période coloniale, au profit de la capitale Libreville, et Port-Gentil la ville du pétrole. Entre 1969 et 1995, ces deux villes, symboles du mirage du développement économique et social, contrastaient de plus en plus, entre le centre ville, les quartiers résidentiels bourgeois d’une part et les vastes bidonvilles tentaculaires d’autre part 1131 .

C’est dans cette situation économique et sociale florissante que le régime de la Rénovation et le parti unique PDG se sont imposés. Le bien être économique et social passager du Gabon détourna les Gabonais de la vie politique, dans les années 1970 et au début des années 1980, contribuant ainsi à paralyser toute réflexion critique sur l’action du régime et du parti unique. La majorité des Gabonais se sentait solidaire de ceux - ci. Tout le monde se sentait véritablement Gabonais et fier du pays. Dans ces conditions, les autorités politiques puvaient penser avoir réalisé l’unité nationale.

Les recettes pétrolières et les richesses du pays, selon une propagande habilement menée, semblaient profiter à tous les Gabonais. Mais après cette euphorie du milieu des années 1970, les Gabonais ne tardèrent pas à faire face à la réalité, à cause du gaspillage mais aussi et surtout à la suite des crises économiques qui secouèrent le pays entre à la fin des années 1970 et au milieu des années 1980. Ces crises économiques, doublées d’une dérive sociale, vont accompagner le régime de la Rénovation et le parti unique jusqu’à son déclin.

Notes
1130.

DOCSSP, voir aussi DOCOPM, Le Gabon « L’heure de vérité », in Pentecôte sur le monde, N° d juin 1994.

1131.

DOCOPM, Janot Poulin, « l’Eglise qui est au Gabon » in Univers de mars avril 1992