● La richesse n’a pas rimé avec la prospérité : 1973-1980, gaspillage et endettement.

Selon certaines sources 1132 , la richesse du Gabon pouvait assurer son développement et fournir à toute la population un niveau de vie convenable. La prospérité pétrolière des années 1970 a même donné au Gabon la réputation d’être « l’émirat africain ».

Elle a été amplifiée par les dignitaires du régime de la Rénovation, du PDG, et relayée par la majorité des Gabonais eux mêmes. Le pouvoir politique, s’appuyant sur le parti unique PDG a ainsi projeté au monde entier une image de prospérité qui, tendait à exclure le Gabon des pays en voie de développement.

Cette propagande ne tenait pas compte de la réalité car aux années fastes ont succédé très rapidement des années de crise, d’endettement et de misère sociale à partir de 1979. Par conséquent,’au Gabon, « la richesse » n’a pas rimé avec la prospérité du pays. Ce qui constitua le premier échec du parti unique.

A cause des rentes pétrolières, le Régime de la Rénovation a initié des projets ambitieux et amené les Gabonais à un train de vie qui favorisait le mépris des valeurs morales (la gabegie, la corruption, les meurtres, les vols). Cette attitude a eu pour conséquence de faire vivre le pays au- dessus de ses moyens. L’ampleur des projets attirait les entrepreneurs du monde entier. Mal préparé et voulant tout réaliser le régime de la Rénovation s’engagea en fait dans un endettement sans issue pour financer ses projets 1133 .

Le financement de certains projets ressemblait à du gaspillage. Par exemple, le Palais de la Rénovation (Présidence de la République), de l’aveu même de son constructeur, avait coûté 72 milliards de francs CFA. D’autres projets n’ont même pas vu le jour, par exemple la construction d’une grande unité de fabrication de pâtes à papier (250.000 tonnes par an) SOGACEL 1134 –la société gabonaise de cellulose,- qui, selon la formule du Président Bongo était le plus ambitieux des investissements du 3è plan, en 1979 1135 .

La réalisation de « ces débauches d’investissements », le maintien du train de vie de l’Etat et de certains Gabonais se faisaient au prix d’un endettement continu.

Se fondant sur la croissance qui fut particulièrement vive de 1974 à 1977, le budget d’investissements 1976-1977 prévoyait par exemple 200 milliards de francs CFA mais 600 furent dépensés. En 1977 la dette du Gabon représentait près de 4 ans de recettes pétrolières de l’Etat.

En 1978, le budget de l’Etat qui s’élevait à 314 milliard de francs CFA prévoyait seulement 80,7 milliards pour les dépenses de fonctionnement, 86,8 milliards pour les investissements ; et 107,5 milliards pour le service de la dette publique contre 40 milliards pour le remboursement d’entreprises de travaux publics non payés. Il ne fut pas étonnant, dans ces conditions, que le PIB commença à régresser 1136 .

La dette était devenue une gangrène pour l’économie gabonaise. Elle freina la prospérité économique et sociale du pays. Dans l’immédiat, le régime de la Rénovation ne fut pas inquiété mais dans son discours officiel il fit de la dette son «  cheval de bataille » 1137 . Malgré la rigueur financière préconisée la situation ne changea pas tellement car en 1979 l’endettement s’élevait à 506 milliards de francs CFA. Où allait tout cet argent ?

Au regard des travaux effectués, on peut supposer que cet argent disparaissait aussi à cause du vol et de la corruption. Chaque mois, après 1977, le quotidien national l’Union ne manquait pas de relater dans ses lignes les faits d’un vol, d’un détournement ou de corruption. Ce vol était presque légalisé puisque les auteurs étaient très rarement punis 1138 . Il était aussi justifié dans les discours, parfois officiel : « Le mouton broute là où il est attaché » ou encore « Quand un fils du village va à la chasse tout le village en profite. » 1139

Notes
1132.

La presse française, par exemple le journal Le Monde, cite certaines études. Cf. aussi les documents rédigés par les opposants au régime et leurs témoignages qui étaient surtout diffusés par la presse indépendantes après 1990 à travers les journaux de partis politiques et satiriques comme Le Progressiste, le Bûcheron,et la Griffe, la Clé, le Scorpion, l’Effort

1133.

DOCOPM, « Le Gabon endetté après une débauche d’investissements », in Le Monde du 13 février 1979.

1134.

Elle devait être la plus grande du monde à cette époque selon les responsables. Cf. aussi Le monde du 13 février 1979.

1135.

DOCOPM, « Le gabon endété… » in le Monde du 13 février 1979

1136.

DOCOPM, Dossier sur le Gabon N° 347, Document BIM, situation économique du Gabon en 1979. Cf. aussi journal Le Monde du 13 février 1979 ou Rolland Pourtier, Le Gabon, Histoire Espace et société, Tome II, 1989.

1137.

Omar Bongo, Principaux discours et message, « discours d’ouverture du 2è Congrès extraordinaire du PDG » le 24 janvier 1979

1138.

Noël Ngwa Nguema (abbé), Choisir de dire la vérité, Anne sigier 1992. C’est un témoignage de l’abbé sur la situation du Gabon sous le parti nique.

1139.

Témoignage personnel, il s’agit des phrases que nous entendions à la télévision lors des émissions du parti qui les dénonçaient et dans les discussions publiques entre adultes.