● Des difficultés économiques à la misère sociale à partir de 1979

La débauche d’investissements initiée depuis 1973 et son corollaire, la dette, ont mis à mal le pays à partir de 1979 avec de sérieuses difficultés qui se sont transformées en 1979 et 1985 en crise économique puis en 1989 en crise sociale. Ce sont ces difficultés économiques qui, au firmament du triomphe du parti unique au milieu des années 1980, ont fait naître les premiers signes de doute dans le pays. (Voir production pétrole et prix de vente)

Ces difficultés économiques étaient liées à la chute conjuguée des cours du dollar et du prix du pétrole. Devant cette situation le régime de la Rénovation ne pouvait plus faire face convenablement à ses dépenses d’investissements. Entre 1979 et 1990, surtout après 1985, les conditions de vie des Gabonais se détériorèrent.

La prospérité pétrolière ayant essentiellement profité à l’élite du régime, les quelques retombées auxquelles la population avait eu droit n’avaient pas été assez importantes pour améliorer le sort des démunis, des pauvres, des sans voix 1140 .

Les Gabonais redécouvraient ainsi la stratification sociale des individus qui semblait avoir disparu dans les années 1970. Dans la conscience populaire la notion de « pauvres et de riches » ressurgit avec force. Des expressions, pour qualifier ces clivages sociaux, furent inventées. Par exemple, le pauvre était désigné par « Makaya » et le riche appelé « Mamadou ou ponte ». Ces expressions correspondaient à une réalité sociale bien connue de tous les Gabonais que le parti unique empêchait de s’exprimer 1141 .

A partir de 1985, le financemrnt des projets grandioses et ambitieux, comme « le Transgabonais » dont les travaux débutèrent le 30 décembre 1973, devint difficile à cause de la crise économique et surtout du remboursement de la dette. Du coup quand les autorités du régime demandaient de l’aide et faisaient rééchelonner sa dette c’était pour ces projets et non pour des programmes sociaux 1142 . Mais le triomphe du parti unique et le climat social s’altéraient en même temps.

Alors qu’au Gabon, dans les années 1970, on ne parlait presque pas de pauvre et qu’on ne dénonçait pas les conditions de vie, il n’était plus rare dans les années 1980 de trouver des familles de dix personnes ou plus vivant dans un espace inférieur à 30 m2. Malgré la politique des grands travaux, du régime de la Rénovation, surtout en 1977, à Libreville, lors du sommet de l’OUA, la plupart des habitations n’avaient pas d’électricité et les prix étaient inabordables. Les conditions de salubrité et d’hygiène laissaient à désirer. Dans tout le pays, les mesures sociales populaires étaient quasi inexistantes ou pas du tout respectée. Les conditions de vie devenaient de plus en plus rudes pour certains Gabonais.

L’exode rural conduisait toujours une grande partie de la population vers, Franceville, Moanda, Lambaréné, Port-Gentil – la capitale économique - et surtout à Libreville qui, à cette époque, arrivait au quatrième rang des capitales les plus chères du monde. Tandis que les salaires n’augmentaient pas, le coût des denrées ne cessait de croître au grand désarroi de la population, suscitantl’inquiétude latente du régime de la Rénovation et sa machine le parti unique PDG.

Photo 29: les bidonvilles côtoient parfois de beaux immeubles
Photo 29: les bidonvilles côtoient parfois de beaux immeubles

Source : DOCOPM

Janot Poulin, une missionnaire laïque, arrivée à Libreville en 1986 témoigne :

‘«  On retrouve maintenant au Gabon la même pauvreté que celle qui existe dans les autres pays de l’Afrique centrale. Si on ne mourait pas de faim au Gabon il y a quelques années, ce n’est plus le cas. Il y a toujours de magnifiques hôpitaux et d’excellents médecins, mais il n’y a plus rien pour soigner les malades… dans les écoles primaires, la situation est alarmante : des classes de 100 à 130 élèves, pour un seul instituteur démuni de matériel didactique, et placé dans une salle prévue pour une quarantaine d’élèves.  1143 » ’

C’est dans ce contexte des difficultés économiques et sociales liés au mirage du développement que se sont engagées les mutations politiques de 1990 ouvrant le chemin de la démocratisation. En d’autres termes les facteurs qui avient favorisé le triomphe du PDG devenaient les germes de sa propre destruction.

Mais il ne faut pas croire que le régime de la Rénovation et le PDG étaient insensibles à ces difficultés. Le PDG, lors de ses rencontres nationales comme les Congrès, les réunions du Bureau politique et celles du Comité central, ne manquait pas de tirer la sonnette d’alarme, pour déplorer la situation économique et sociale du pays

Notes
1140.

Noël Ngwa Nguema, Choisir de dire la vérité, 1991(témoignage)

1141.

En 1984, ces expressions ont été interdites officiellement par le régime

1142.

DOCOPM, Dossier 347 « Fiche technique sur le Gabon », in Mission, N° de janvier 1985.

1143.

Janot Poulin, « L’Eglise qui est au Gabon » in Univers N° de mars avril 1992.