● Le passé religieux du Président Bongo avant 1968

On ne sait presque rien du passé religieux du Président Bongo avant sa conversion à l’Islam en 1973. Les seuls témoignages émanent de lui-même 1195 . Mais on peut subodorer, au regard d’autres témoignages sur sa vie, la véracité de ses propos. Le Président Bongo affirme qu’il n’est pas né chrétien. Même s’il avait appris à prier dans les langues vernaculaires du Congo (Lari et Lingala), Albert Bernard Bongo n’a jamais été baptisé malgré les tentatives, toujours avortées, de son grand frère alors qu’il vivait encore à Brazzaville au Congo. Adolescent il était « athée, sans foi ni loi. Et provocateur 1196 ».

En tant que provocateur et subversif, il aurait entretenu une relation un peu particulière avec les religions, notamment le catholicisme et surtout avec les prêtres missionnaires 1197 . Albert Bernard Bongo était anticlérical et luttait contre les missionnaires qui, affirme t-il, étaient « au service de la coloniale » 1198 .

Comme certains Gabonais, Albert Bernard Bongo croit fondamentalement aux rites et croyances traditionnels pour lesquels il souhaite « la conservation et la transmission. » Il affirme aussi qu’il a toujours été franc-maçon. Il aurait découvert la franc-maçonnerie d’un certain Naudy 1199 qui lui enseigna les principes et les symboles 1200 .

A la différence de Léon Mba, qui avait été baptisé dans l’enfance, ancien élève des missions, catholique mais peu soucieux du respect des principes chrétiens, et « bwitiste », Albert Bernard Bongo, au moment de son accession au pouvoir, n’était pas chrétien catholique. Il était croyant (foi des ancêtres) et franc-maçon. Ce n’est qu’en 1968, alors qu’il était déjà Président de la République qu’il se fit baptiser parce qu’il devait aller rencontrer le Pape Paul VI au Vatican.

Mgr Adiwa avait demandé au Président Bongo de le faire car il ne pouvait rencontrer le Pape dans le statut qui était le sien : « Albert (…), tu n’es pas baptisé, tu n’es pas catholique, tu n’es même pas chrétien » lui avait-il déclaré 1201

En dehors de ce préalable, lié à la rencontre du Pape au Vatican, les raisons du baptême du Président Bongo en 1968 sont quelques peu opposées. D’une part, d’après le Président Bongo, il n’a pas reçu le baptême par pure convenance, mais parce que en 1968, il n’était plus athée ni provocateur comme dans sa jeunesse. Il était devenu croyant bien que non pratiquant. Il affirme

‘« (…) je crois à l’existence de Dieu, un Dieu unique pour tous les hommes. C’est cela qui compte, c’est cela le fondement de la foi et non toutes les manifestations plus ou moins réelles de la présence de Dieu parmi les hommes, le plus souvent d’ailleurs par personne interposée.  1202 » ’

D’autre part, il affirme qu’il était devenu catholique parce que la colonisation a importé la religion catholique en Afrique. Sa conversion au catholicisme était donc « dans l’ordre naturel des choses » 1203 . Mais cette affirmation est quelque peu contradictoire par rapport à ses convictions et ses actions dans la jeunesse.

Bongo, qui se déclarait anticlérical et combattait justement les missionnaires qui encourageaient la colonisation, vraisemblablement avait changé. Il était devenu modéré au point d’accepter le baptême chrétien. Mais dans tous les cas, il n’a été catholique que pendant cinq ans, de 1968 à 1973 et semble- t- il sans grande conviction.

Notes
1195.

Le plus récent des témoignages et le seul que nous ayons pu consulter, est son ouvrage, Omar Bongo, Blanc comme nègre, Grasset, 2001, 310 p. Rédigé sous la forme d’un entretien avec Airy Routier, cet ouvrage permet à Omar Bongo de commenter les moments de sa vie tant privée que publique. C’est un témoignage précieux car sur treize pages et sur 25 questions il parle de ses convictions et de sa conversion à l’Islam. Même si on peut regretter le manque de précision chronologique.

1196.

Omar Bongo, Blanc comme nègre, p.107. Il affirme, par exemple : « Un jour, j’ai demandé à l’aumônier du lycée quels étaient les diplômes requis pour devenir aumônier. Au lieu de me répondre gentiment que le principal était d’avoir la foi, de croire en Dieu et de vouloir porter la parole divine, il est devenu tout rouge et m’a foutu à la porte. Je lui ai dit que c’était injuste et que s’il renvoyait tous les élèves qui lui posaient ces questions, il n’aurait bientôt plus grand monde à qui prêcher la parole de Dieu. » op.cit. p. 107

1197.

Omar Bongo, Blanc comme nègre, p 107 et 108. Il témoigne sur les problèmes qu’il avait eu avec le Père de la Moureyre qui a été évêque du diocèse de Mouila de 1959 à 1977. Il s’agissait d’une affaire de vol de montre qui n’en était pas une et qui tentait de démasquer le Père missionnaire.

1198.

Omar Bongo, Blanc comme nègre, ibid.

1199.

Dans son témoignage Omar Bongo ne donne pas les indications sur cet homme. Vraisemblablement, il s’agissait d’un colon qui travaillait à Brazzaville.

1200.

Omar Bongo, Blanc comme nègre, p. 117.

1201.

Omar Bongo, Blanc Comme nègre, p. 109. Il rapporte les propos de Mgr Adiwa, ancien abbé indigène à l’époque des missions, qui, en 1968, était déjà retraité.

1202.

Blanc Comme nègre,. p.110.

1203.

Omar Bongo, Blanc comme nègre, Id. & Ibid.