● Les conséquences et les réactions àprès la conversion

A la suite de son pèlerinage à La Mecque, il visita certains pays arabes majoritairement musulmans. Ces derniers étaient invités à venir au Gabon pour le soutien des investissements, la construction des infrastructures et encourager la pénétration de l’Islam au Gabon.

La conversion du Président de la République à l’Islam a donc eu pour conséquence, sur le plan politique et économique, l’ouverture du Gabon vers d’autres pays que ceux de l’Occident chrétien. Elle élargit les relations diplomatiques initiées dans les années 1960 avec la France, l’Allemagne les Etats-Unis, l’Angleterre, l’Espagne et les Nations unis.

Dans les années 1970, le Gabon a initié des relations diplomatiques avec plusieurs pays pauvres et non alignés. Du reste l’ouverture des relations diplomatiques, durant cette période, était tout azimut. Le régime de la Rénovation, dirigé par Omar Bongo, a établi des relations avec tous pays de tous les continents, les pays arabes musulmans y compris les pays socialistes et communistes, du fait du non alignement. Le 15 octobre 1973, le Gabon a établi des relations diplomatiques avec l’URSS, en janvier 1974 avec la RDA, la Yougoslavie et Cuba, enfin le 19 avril 1974 avec la République populaire de Chine 1209 .

La conversion du Président Bongo sous le parti unique triomphant a eu pour autre conséquence un suivisme de certains dignitaires, cadres et militants du régime de la Rénovation. Il témoigne lui-même « D’ailleurs, je n’ai demandé à personne de me suivre, même si quelques-uns l’ont fait (…)  1210 ». Mais malgré ce suivisme, les Gabonais sont restés un peuple majoritairement chrétien et animiste, souvent les deux à la fois

La conversion du Président Bongo n’avait pas trop choqué l’opinion nationale. Les commentaires venaient surtout de la France, dans les milieux politiques et économiques où l’on pensa que le Président Bongo, jadis, - dans sa jeunesse - écolier turbulent, syndicaliste actif et rebelle francophile, était devenu musulman pour marquer ses distances avec la France. Au Gabon, par contre, on émit l’hypothèse selon laquelle  le Président Bongo était devenu musulman pour être polygame.

Dans l’ensemble, surtout en France, on pensa qu’il s’agissait d’une conversion particulièrement opportuniste et stratégique 1211 . Mais Omar Bongo s’en défend, affirmant que ce n’est pas sa conversion à l’Islam qui était opportuniste mais c’est plutôt son baptême dans l’Eglise catholique. Il s’appuie aussi sur la constitution qui garantit la liberté de culte à tous les Gabonais 1212 .

Nous faisons l’hypothèse que les deux conversions successives du Président Bongo, au catholicisme et à l’Islam, relèvent de plusieurs logiques. Nous ne dénions pas la véracité de la conversion de cœur. Mais au regard de ses témoignages, Omar Bongo fait preuve d’un certain relativisme religieux qui caractérise, du reste, tous les Gabonais, surtout les hommes politiques.

Il confirme ce relativisme lorsqu’il déclare:

‘« Dans le domaine religieux comme dans le domaine politique aucune doctrine, aucun système n’est parvenu à instaurer le règne de Dieu sur terre. Le christianisme n’y est pas parvenu, l’islam non plus, ni les autres religions.  1213 » ’

Mêlant convictions politiques et religieuses, Omar Bongo affirme en définitive que le plus important est le compromis et la tolérance. Ils sont la suprême expression de la sagesse et du progrès humain. Des mots qui sont justement les fondements politiques du régime de la Rénovation et la devise du PDG : «le dialogue, la tolérance et la paix ».

Cette attitude religieuse du Président Bongo a été, dans l’ensemble, celle des Gabonais sous le parti unique. Une attitude et une conception entretenues pour les besoins de la cause : la légitimation du pouvoir, le triomphe du parti unique PDG sur tous les plans étaient tempéré par l’affirmation d’une tolérance en matière religieuse.

Finalement, le Président Bongo semble avoir embrassé les deux religions pour légitimer son pouvoir et le régime de la Rénovation sur le plan religieux. S’appuyant sur le fait que le peuple gabonais est un peuple profondément croyant, majoritairement chrétien surtout catholique, il se fit d’abord baptiser dans cette Eglise. Déçu et contestant l’autorité de l’Eglise catholique du Gabon où il ne pouvait pas jouer le rôle de chef religieux, qu’il voulait être, il choisit l’Islam.

L’Islam religion minoritaire au Gabon dans laquelle Bongo pouvait s’imposer sans risque de contestation de la hiérarchie comme pouvaient le faire les catholiques. Cela est d’autant plus vrais qu’a la fin des années 1990 à la suite d’une réorganisation de l’organisme qui regroupe les musulmans du Gabon, « le Conseil Supérieur des musulmans du Gabon », on donna au président de la République Omar Bongo, des titres religieux distinctifs comme celui de Calife général ou commandant des croyants.

De toutes les façons, même si la conversion du Président Bongo à l’Islam a été une conversion sincère, elle est restée, dans la mémoire collective, profondément politique et stratégique.

Notes
1209.

Ces nouvelles relations diplomatiques, du fait de la situation mondiale et de la guerre froide, de l’évolution du mouvement des non alignés et de la conversion du Président à l’Islam conduisaient le Président Bongo à visiter ces pays notamment la Chine, la Roumanie et surtout les pays d’Afrique non Francophone fortement islamisés. Dans le continent et dans la sous région d’Afrique centrale, le Gabon tenta de jouer un rôle de premier plan dans le règlement de plusieurs conflits comme au Tchad et par un prise d’initiatives comme la création de la CEAC (communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale) et du CICIBA (Centre International de Civilisation Bantou), en 1983. Libreville est devenue de ce fait une plaque tournante de la diplomatie africaine accueillant de nomùbreux chefs d’Etat en visite officielle ou lors des conférences. L’intensification de ces ouvertures diplomatiques, dès octobre 1973, avec la conversion du Président Bongo, eut aussi pour conséquence dès octobre 1973 après la guerre du Kippour, la rupture des relations diplomatiques avec Israël, par solidarité avec tous les pays de l’OUA, surtout les pays de l’Afrique du Nord et de l’ouest fortement islamisés.

1210.

Blanc comme nègre, op.cit. p. 106.

1211.

C’est le point de vue le plus répandu en France, dans la presse nationale et internationale française, dans les milieux chrétiens gabonais. Cf. Par exemple, document vidéo, Les mercredis de l’Histoire, « affaire Elf », diffusé sur ARTE en mai 2000. Dans son propos d’introduction, le Présentateur Yves Calvi, confirme cette assertion.

1212.

Omar Bongo, Blanc comme nègre, Ibidem

1213.

Omar Bongo, Blanc comme nègre, ibidem