● Les causes de l’affaire MORENA

Les causes lointaines de l’affaire du Morena sont à rechercher dans la situation politique générale du pays depuis l’indépendance en 1960 1245 .

Les fondateurs du Moréna, en majorité acteurs politiques et cadres administratifs sous le régime de Léon Mba (1961-1967), n’avaient pas admis l’instauration du parti unique et la prééminence du PDG. Leur position fut bientôt confortée par les abus, les limites et les maux provoqués par le régime et son parti dans la société gabonaise.

Dans les lignes précédentes nous avons évoqué les abus qui ont encouragés « les morénistes » à poser une action politique contraire à la pensée unique proposée par les dirigeants du régime de la Rénovation. Aux dires de l’abbé Noël Ngwa, il s’agissait d’un « ras le bol ». Les fondateurs du Morena voulaient être les portes - parole d’une pensée contraire à celle du régime et du PDG 1246 .

Tant que le régime avait des moyens financiers, il poursuivait ses opérations de séduction pour attirer un maximum de contestataires. Il était alors difficile aux fondateurs du MORENA d’exprimer leur point de vue sans être mal vus par le peuple, et subir la contre – attaque du régime.

L’élément détonateur de l’affaire du Morena en 1981 fut un événement extérieur à la situation au Gabon. Il s’agit de l’arrivée des socialistes au pouvoir en France. L’élection de François Mitterrand, le 10 mai 1981, fit lever certains espoirs dans les anciennes colonies africaines où l’on estimait que les régimes monopartistes avaient été mis en place et soutenus par les réseaux gaullistes et la droite 1247 .

Dans les anciennes colonies africaines les opposants pensèrent que les régimes à parti unique devaient donc chuter avec la gauche. Cette analyse fit reprendre confiance aux opposants au régime. La presse d’Etat, elle-même ne manqua pas de souligner que ce changement en France était accueilli avec beaucoup de satisfaction et d’espoir au Gabon. En effet, le quotidien national gouvernemental « l’Union » avait publié un article titré : « L’élection de François Mitterrand pourrait ouvrir une ère de changement et de nouvelle amitié. 1248  »

C’est ainsi que certains Gabonais, animés par un esprit de lutte, de liberté et de vérité, se regroupèrent pour fonder le MORENA. Au moment de sa création, les morénistes restèrent discrets. Mais les vagues d’arrestations de novembre et décembre 1981, perpétrées par le régime de la Rénovation, révèlèrent au grand public ce qui est connu dans la conscience populaire comme étant « l’affaire du MORENA ». Ce sigle fut même transformé en langue vernaculaire Fang par « Mor ane » c'est-à-dire littéralement « il y a l’homme » 1249 . Une manière, certainement, pour les fondateurs de ce mouvement de répondre au régime en leur disant : « malgré tout ce que vous faitse, il y a encore des gens pour contester et proposer autre chose et pour redresser la situation ».

Notes
1245.

Cf. chapitres précédents sur la situation politique du Gabon depuis 1960, avec la crise constitutionnelle de 1960, le Coup d’Etat de 1964, le bâillonnement de l’opposition par le régime de Léon Mba.

1246.

Témoignage oral, entretien du 29 septembre 2002 à Libreville.

1247.

Metegue N’nah, Id. & Ibid.

1248.

Article signé Albert Yangari. Dans l’Union du 13 mai 1981. Après 1990, Albert Yangari qui avait été membre du gouvernement dans les années 1980, était devenu opposant en militant dans un parti le PGCI (Parti Gabonais du Centre Indépendant)

1249.

La plupart des fondateurs du MORENA appartenaient à l’ethnie Fang.