● Les facteurs économiques : la chute du prix du pétrole et la crise économique.

Les changements démocratiques de 1990 se sont opérés sous l’action des facteurs économiques. Il s’agissait de la chute du prix du pétrole de près de 50% qui eut un impact néfaste sur l’économie gabonaise. A cette époque, l’économie nationale était une économie de rentes dépendant très largement des revenus de l’exportation de l’or noir 1364 . La chute, subite, du prix du baril entraîna une crise immédiate.

La reprise économique qui s’affirma à la suite du deuxième choc pétrolier de 1979 fut de courte durée. Certes, pendant quelques années, de 1979 à 1984, l’Etat avait renfloué ses caisses et donnait l’impression d’un retour à la prospérité, mais la situation demeura fragile. Avec ce semblant de reprise, « les vieux démons » des années d’euphorie, 1973-1977, réapparurent.

Le train de vie de l’Etat continua à peser sur les finances publiques, notamment le financement du second tronçon du Transgabonais entre Bouée et Franceville. Les détournements persistaient, par exemple dans les grandes entreprises nationales comme PIZO Energie (secteur pétrolier) et SONAGAR (Société Nationale d’Assurance de Garantie et de Réassurance).

Aussi, lorsqu’en 1985, il se produisit une baisse concomitante du prix du pétrole et du cours du dollar, la crise réapparut et les Gabonais la touchèrent du doigt à partir de 1986. Le budget de l’Etat fut considérablement réduit passant de 796 milliards en 1986 à 360 milliards en 1987 et à 264 milliards en 1988. Les salaires des travailleurs furent diminués. Certaines entreprises firent faillites d’autres privatisées comme la SONAGAR qui fut reprit par l’UAP et PIZO par SHELL.

L’économie gabonaise était désormais en crise comme le montre le tableau ci après.

Tableau 37: la crise économique gabonaise en chiffre de 1985 à 1991
Années 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991
Recettes gouverne-mentales (% du PIB) 39,1 41,9 25,3 21,6 21 25,1 28,9
Croissance annuelle du PIB (%) -2,5 -0,9 -17,1 13,5 6,6 3,6 6,6
Déficit /bénéfice gouvernemental (% du PIB) 0,1 -14,5 -12,4 -11,2 -4,8 3,4 -1,6

Cette crise, à partir de 1985, fut d’autant plus importante que le gouvernement accepta un programme d’ajustement structurel du FMI qui demanda  une baisse des dépenses budgétaires et d’autres mesures d’austérité tendant à réduire le train de vie de l’Etat, très élevé depuis les années d’euphorie de 1970.

Si ces mesures étaient de nature apolitiques et elles pouvaient avoir des conséquences néfastes sur l’avenir du régime. Car l’élite du Régime de la Rénovation et du parti unique PDG, qui était responsable de la crise financière et économique, devait d’abord organiser et adopter elle-même le programme du FMI.

Les mesures d’austérité touchèrent une grande partie de la population, surtout les démunis ou les pauvres. Tout le monde ou presque les ressentit. Le nombre d’emplois baissa de 25% dans le secteur public et de 50% dans le secteur privé formel 1366 donnant ainsi naissance à une phénomène nouveau et inconnu au Gabon jusque là, celui du chômage.

Les jeunes furent les plus touchés par cette suppression d’emplois 1367 . Mais les fonctionnaires subirent aussi une baisse des salaires et de nombreux licenciements qui touchèrent surtout la classe moyenne urbaine alors que l’élite du régime et du parti unique conservait un train de vie luxueux.

Dans le cadre de l’application des mesures préconisées par le FMI, le gouvernement enfonça le clou avec des mesures tendant à diminuer le pouvoir d’achat des travailleurs, entre 1987 et 1989. L’emprunt exceptionnel obligatoire, en 1987, passa à un prélèvement exceptionnel de solidarité 1368 . De nombreux avantages accordés aux agents furent aussi supprimés mais la « bourgeoisie gabonaise » s’accrochait aux fonctions publiques et avait peur de laisser recueillir ce que laissait produire l’Etat.

Pendant que la crise touchait une majeure partie des Gabonais, le prix des produits de première nécessité augmenta, et fut même multiplié par deux. A cela, il fallait ajouter l’insuffisance et la dégradation du système scolaire et sanitaire, la détrérioration des routes. Toutes ces difficultés n’étaient pas de nature à maintenir les Gabonais dans le calme à la veille des années 1990. La conjugaison de toutes ces difficultés les avait rapidement conduits vers une agitation sociale qui à son tour fut un facteur de la revendication de la démocratie au Gabon.

Notes
1364.

Elle l’est toujours car d’après un rapport de la Banque mondiale en 1996, par exemple, 79% des exportations, 58% des revenus de l’Etat et 42,5% de l’investissement brut dépendait du secteur pétrolier. The World Bank: Republic of Gabon, poverty in a rent-based economy, Report N° 16333-GA, Washington D.C, 27 juin 1997.

1365.

The World Bank: African development indicators 1994-1995, Washington D.C., 1995, p. 33, 172 et 191.

1366.

World Bank, Rapport de 1997, op.cit. p. 8

1367.

World Bank, Id & Ibid.

1368.

Metegue N’nah, Le Gabon de 1960 à 1990, cours de maîtrise, FLSH, UOB, 1999.