● L’Eglise du Gabon, un engagement au nom de la promotion de la dignité humaine

N’ayant pas de solutions en tant que telles à offrir aux difficultés politiques et sociales qui secouaient le Gabon en 1990, l’Eglise catholique accorda une grande importance au respect de la dignité des Gabonais dans toutes ses dimensions. Pour ce faire l’Eglise catholique du Gabon s’appuya sur cet extrait de Gaudium et Spes. « Le caractère social de l’homme fait apparaître qu’il y a une interdépendance entre l’essor de la personne et le développement de la société […]. La personne humaine […] est et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes institutions 1457 »

En promouvant dans son discours la dignité et la primauté de la personne, l’Eglise du Gabon donna un véritable sens au devenir des mutations politiques et sociales de 1990 et à l’avenir des Gabonais. Cette idée de respect, de la dignité et de la primauté de la personne s’adressait surtout aux acteurs de tout bord engagés dans le débat politique démocratique et dans l’amélioration des conditions sociales. L’Eglise ne voulait pas qu’ils se départissent de ce principe garant, selon les évêques, de la réussite des mutations.

L’Eglise rappela à tous que tout combat pour l’homme gabonais et sa dignité devait avoir une assise spirituelle : un fondement divin, car la « mort de Dieu » favorisée, par les habitudes sociales et politiques du parti unique, par une partie de Gabonais, eut pour corollaire « la mort de la dignité et la primauté de l’homme gabonais 1458 . »

La promotion de la dignité et la primauté de l’homme gabonais signifiait pour l’Eglise du Gabon le respect de la loi générale inscrite dans la conscience de chacun : « Tu ne tueras pas… Tu ne voleras pas… tu aimeras ton prochain… ». L’Eglise voulait que, dans ces moments particuliers des mutations, tous les Gabonais n’oublient pas ces principes. En le faisant, elle révélait l’Homme gabonais à lui-même et elle l’avait introduit, une fois de plus, dans la vérité sur lui-même et son destin par ricochet celui de la Nation gabonaise toute entière.

Mais ce qui gênait certains Gabonais, parfois des chrétiens et surtout les non chrétiens et les non croyants, c’est que l’Eglise du Gabon insistait un peu trop sur les idées chrétiennes. Ils trouvaient ce discours abstrait et détaché de la réalité. L’Eglise ne lâcha pas prise. Son discours demeura le même à propos du respect de la dignité et la primauté de l’homme gabonais. Nous en avons pour preuve un message des évêques en 1992 qui insistait à nouveau sur cette idée. En effet, par la promotion de la dignité et la primauté de la personne, l’Eglise du Gabon entendait, non seulement apprendre, à l’homme gabonais, à éviter le péché, mais aussi l’aider à découvrir « la dignité de l’intelligence, de la vérité, de la sagesse, de la conscience morale et la grandeur de la liberté » 1459 qu’il recherchait justement. Pour le clergé, le respect de la dignité et la primauté de la personne reposaient au début des années 1990 sur « la liberté et la vérité ». Des mots qui ont justement servi de base aux combats politiques de l’abbé Noël Ngwa et du Père Paul Mba Abessole.

Pour faire passer ce message, le clergé et les laïcs engagés insistaient sur les formes que devaient prendre la dignité et la primauté de l’homme gabonais: « l’accès à certains droits et devoirs universels inviolable, le droit de tous les Gabonais à une vie vraiment humaine par exemple nourriture, vêtement, habitat, droit de choisir librement son état de vie et de fonder une famille, droit à l’éducation, au travail, à la réputation, au respect, à une information plus convenable, droit d’agir selon la droite règle de sa conscience, droit à la sauvegarde de la vie privée et à une juste liberté. » 1460 Cette forme de discours plus concret intéressa davantage les Gabonais qui étaient dorénavant plus attentifs aux messages de l’Eglise catholique sur les problèmes de la société gabonaise.

Notes
1457.

Gaudium et Spes. N° 25-1. Cité dans le Rapport de la CEG de mars 1992.

1458.

DOCATGAB, Rapport de la CEG, mars 1992, in Paroles d’Eglise N°2.

1459.

DOCATGAB, Message de la CEG sur « le respect et la promotion de la dignité de la personne » avril 1992, in Paroles d’Eglise N° 2. Cf. aussi G.S

1460.

Gaudium et Spes, N° 26-2, cité par le Rapport de la CEG de mars 1992, in Paroles d’Eglise N° 2.