● L’activisme de l’opposition et la volonté du pouvoir

Une des causes immédiates de la Conférence nationale est la détermination de l’opposition, surtout le MORENA qui paya cette détermination par des divisions internes 1472 . En effet, à partir du mois de janvier 1990, les opposants bravaient vents et marées pour organiser des manifestations publiques malgré les interdictions formelles du régime de la rénovation.

Le premier opposant à défier ces interdictions fut le Père Paul Mba Abessole en janvier 1990, au firmament de l’agitation sociale 1473 . Quelques jours après son adhésion à l’idée de "l’Union pour la majorité présidentielle" préconisée par les rénovateurs du PDG, le Père Mba organisa un meeting le 27 janvier 1990 dans le « bois de Sibang » qui était la propriété du moréniste Obiang Etoughe et qui devint peu à peu le siège du « MORENA Mba Abessole ou des bûcherons. »

Ce meeting politique du 27 janvier 1990 était le premier organisé par un opposant au Gabon depuis 1968. Il s’agissait avant tout pour le Père Paul Mba de briser le mur de la peur. Ce meeting permit aux Gabonais de retrouver une certaine liberté d’expression et de pouvoir se réunir publiquement en dehors du cadre du parti unique. Ce jour - là, malgré une information diffusée de bouche à oreille, il y avait foule. Par vagues successives les Librevillois s’étaient déplacés, plus par curiosité que par conviction. Ils allaient au contact d’un langage tout à fait nouveau qui leur fut tenu par le Père Paul Mba dont le charisme populaire commençait à être reconnu à cause de ses qualités d’orateurs.

Lors de ce meeting, il aborda plusieurs points et déclara : « Nous devons nous consacrer à une profonde réflexion sur l’avenir de notre pays qui est aujourd’hui entravé par l’échec du régime PDG. Nous devons nous mobilisés pour cela. 1474  ». L’engouement des participants se manifesta par leurs applaudissements et leurs cris, inquiétant les policiers qui avaient été dépêchés sur les lieux au point que leur nombre fut renforcé avant la fin du meeting.

Pour calmer très certainement la foule très excitée, lors de ce meeting, le Père Paul Mba osa même une légère digression au sujet des policiers, en disant : « N’ayez pas peur de ces agents, ils sont là pour nous protéger et ce que nous disons ici doit aussi les intéresser. 1475 »

Un mois plus tard ce fut autour des autres morénistes, de la branche de l'abbé Noël Ngwa, de braver l’interdiction en organisant leur premier congrès le 3 mars 1990 à Libreville. Ces manifestations publiques de l’opposition, ajoutées aux multiples réunions privées avaient eu pour conséquence de faire fléchir le régime. Car le 9 mars 1990, le bureau politique du PDG, dans un communiqué public, annonça le rétablissement des libertés démocratiques fondamentales du citoyen : « la liberté d’association, la liberté d’expression, la liberté de réunion, la liberté d’opinion. » Le bureau politique du PDG supprima même l’autorisation de sortie du pays et il fixa la tenue de la Conférence nationale du 23 mars au 30 mars 1990 1476 .

Ces décisions étaient motivées par le fait que la Conférence nationale devait d'abord et uniquement valider le RSDG. De ce fait les associations participantes aux travaux avaient besoin d’une reconnaissance et d’une petite marge de temps, de une à deux semaines, pour s’organiser et d’une semaine pour participer à la conférence à l’issue de laquelle elles devaient disparaître pour appartenir au RSDG.

A la suite de ces mesures, des groupuscules politiques commencèrent à s’organiser dans le pays, entre autres le PGP (Parti Gabonais du Progrès) et l’USG (Union Socialiste Gabonaise). Avant l’ouverture de la conférence nationale le 23 mars, une huitaine de ces groupuscules se rapprocha du MORENA, de la tendance de l’abbé Noël Ngwa, en vue de constituer un Front unie de l’opposition le FUAPO (Front Unie des Associations et Partis d’Opposition).

Dès le 15 mars 1990, le FUAPO, sous la houlette du MORENA originel, aboutit à la mise en place d’une stratégie pour la Conférence Nationale. Le FUAPO fit même sa première apparition le 26 mars 1990 par l’organisation d’un meeting qui rassembla une vingtaine d’association. Entre temps, le 17 mars 1990, le Père Paul Mba Abessole tenta d’organiser un second meeting au stade de Libreville pour expliquer le bien fonder du RSDG et de la Conférence nationale. Mais ce meeting eut du mal à se tenir dans de bonnes conditions, à l’endroit prévu, à cause d’un sabotage de l’électricité et du verrouillage des lieux.

C’est dans cet esprit de détermination de l’opposition que s’ouvrit le 23 mars 1990 la Conférence nationale, accompagné par un regain de l’agitation sociale populaire presque dans tout le pays. Mais le début effectif des travaux contribua à calmer cette agitation car le peuple gabonais était suspendu à la tenue et surtout aux conclusions des travaux.

Notes
1472.

Il faut se référer au point concernant le MORENA et l'idée du RSDG: la division entre le Père Paul Mba Abessole et l'abbé Noel Ngwa.

1473.

Nous n’occultons pas l’action des autres opposants, surtout avant 1990. Ici nous utilisons les événements de janvier 1990 comme point de départ de l’ouverture politique.

1474.

Propos du Père Paul Mba Abessole, lors du meeting du 27 janvier 1990, rapporté par Essone Ndong, Le Père Paul Mba Abessole. Au non de la Liberté, op.cit. p. 106.

1475.

Propos du Père Paul Mba Abessole, lors du meeting du 27 janvier 1990, rapporté par Essone Ndong, Ibid, op.cit. p. 107

1476.

Communiqué radio - télévisé du Bureau politique du PDG, Libreville le 9 mars 1990 voir aussi dans le journal l’Union.