● La période des Eglises diocésaines depuis 1955

Depuis 1955, l’Eglise du Gabon n’est plus de statut missionnaire. Elle a obtenu, sous le contrôle de Rome, son « indépendance religieuse » avec l’érection de nombreux diocèses (trois), l’ordination des évêques gabonais, la création des paroisses et autres centres de formations confiés aux nationaux. Les chrétiens sont de plus en plus émancipés et confrontés à d’autres réalités. Du point de vue des missionnaires et de la hiérarchie romaine, il s’agit d’une avancée significative même si cela est insuffisant pour certains Gabonais.

Les Eglises diocésaines du Gabon se sont construites à partir de 1958, surtout à partir de 1970. Les évêques ont crée une Conférence Episcopale (CEG), en 1973, pour discuter ensemble des problèmes de vitalité de cette Eglise. Elle a accueilli le Pape en 1982. Une visite mémorable qui a renforcé moralement la présence catholique au Gabon. Depuis 1994, le Grand Séminaire National « Saint Augustin » forme des prêrtres diocésains, et la Congrégation Nationaledes Sœurs de Sainte Marie a retrouvé une certaine vitalité par le nombre de professions de foi et les entrées au noviciat.

Depuis le début des années 1970, les Eglises diocésaines du Gabon ont repris à leur compte la notion de l’Eglise « peuple de Dieu » énoncée dans la constitution conciliaire Lumen Gentium. C’est à ce titre que le concile Vatican II a eu des répercussions au Gabon. En effet, pour rompre avec l’image de « l’Eglise-carcan » de la période missionnaire, les évêques du Gabon ont fait évoluer les rapports clercs-laïcs afin de mieux rendre compte de la réalité de l’Eglise comme « communauté humaine » de sorte que les chrétiens gabonais, homme ou femme, laïc ou religieux, bénéfiièrent d’une dignité égale même si les fonctions ne sont pas identiques. Cette vision a largement contribué à la mise en place de « Communautés chrétiennes de base » dans les paroisses qui animent véritablement la vie de l’Eglise sur le terrain. Ces communautés de bases constituent désormais les épines dorsales de la vie et de l’action de l’Eglise.

Du point de vue de l’organisation, les évêques et les prêtres demeurent les clés de voûte de l’organisation. Les évêques réunis en Conférence Episcopale qui n’a pas d’autorité hiérarchique propre. Un autre pilier demeure le prêtre, qui est le personnage le plus typé et caricaturé de la vie sociale. Les conditions de vie du prêtre évoluent sans cesse au point de susciter des intérrogations. Contrairement à la situation dans les pays occidentaux ou de vieille chrétienté, son statut social et surtout moral, malgré quelques difficultés matérielles, n’a pas été dévalorisé. Il a conservé, comme à l’époque missionnaire, un capital de sympathie et de respect.

L’Eglise du Gabon fait partie des plus jeunes Eglises de la planète. Elle a fêté 150 ans en 1994. Mais comparativement à ses consoeurs africaines elle fait office de vieille Eglise car elle est la plus ancienne du continent au Sud du Sahara. Le Gabon, selon un titre de la revue Pentecôte sur le monde en 1959, a été la porte d’entrée du catholicisme dans le monde noir. Cette ancienneté contraste cependant avec le vécu de cette Eglise qui la rend jeune et fragile. Depuis 1955 elle alterne phases d’espoir et de désillusion. Le grand espoir repose sur son dynamisme démographique en compagnie d’autres Eglises d’Afrique centrale comme celle du Centrafrique, et du Congo. Le Gabon a l’un des plus fort taux de baptisés d’Afrique centrale derrière le Congo Démocratique. Malgré une résistance du « paganisme », le Gabon est un pays très catholique numériquement.

Mais les désillusions vécues par cette Eglise sont nombreuses. Il y a d’abord la crise des vocations qui a fragilisé le passage de l’Eglise missionnaire aux Eglise diocésaines. La carence en personnel religieux, surtout de natioanlité gabonaise, fait que les Eglises diocésaines du Gabon restent dépendantes de Rome, des Oeuvres pontificalee missionnairee, des anciens pays missionnaires comme la France, et des congrégations religieuses, surtout celle du Saint-Esprit qui fournissent presque la moitié du personnel religieux.

Malgré des efforts pour « gaboniser » l’Eglise, cette dépendance freine encore le désir d’émancipation totale et véritable. Le clergé gabonais progresse mais demeure minoritaire. En 1995, l’objectif fixé dans l’appel de Paul VI, à Kampala en 1969« Soyez vos propres missionnaires », n’avait pas encore été atteint au Gabon. L’Eglise comptait 27 prêtres nationaux contre 63 étrangers. Sur 293 membres du personnel religieux il n’y avait que 80 gabonais. Ce qui n’est pas le cas au Congo et Cameroun voisins dont de nombreux ressortissants exercent au Gabon.

L’Eglise du Gabon rencontre aussi d’autres problèmes comme l’inculturation de l’Evangile, le dialogue avec l’islam et l’œcuménisme. Ces difficultés, certes moins visible, constituent des enjeux importants de cette Eglise en ce début du XXIè siècle. Ils ne sont pas encore une priorité mais, aux dires des évêques et des clercs, ils sont essentiels pour un enracinement définitif du catholicisme dans la société gabonaise.

L'Eglise catholique est devenue, au fil du temps un pilier de la société gabonaise. Son organisation est claire et hiérarchisée, son influence est grande, et le fait qu'elle soit la « religion la plus répandue » lui confère un rôle public plus important que celui des protestants et des musulmans. En 2003, pour une population de 1.226.000 habitants le Christianisme représentait 77.93% soit : Catholicisme: 54.24 % Protestantisme: 9.83 % Musulmans: 6.50 % Religions traditionnelles: 13.48 %. Depuis l'indépendance religieuse à la fin des années 1950, cette prédominance est contestée. La position privilégiée et institutionnelle de l'Eglise catholique au Gabon, au regard de l’histoire, est menacée par des velléités de laïcisation, le retour vers les cultes ancestraux et par des petits groupes religieux comme ceux du réveil protestant, les Eglises indépendantes ou pentecôtistes.

L’histoire de l’Eglise catholique au Gabon est une partie de l’Histoire de ce pays. On ne peut la relire sans penser à ce qu’elle apporte aux mœurs, aux idées, à la vie politique et sociale. Ces deux histoires se caractérisent par un mimétisme (comme une jeu de miroirs) qui est important pour connaître et comprendre la contribution de l’Eglise à la construction nationale au Gabon.