Le crépuscule (1960-1968)

Durant ces années, l'Eglise, observe un silence prudent dans les débats autour de la Constitution en novembre 1960 et, ne réagit pas face à l’absence de son « poulain » aux élections présidentielles de février 1961. Elle ne coordonne pas ses interventions, en 1964, lors du coup d’Etat. Celles-ci sont un échec qui compromet sa parole et son autorité dans la vie politique. Après le procès de Lambaréné ,n’ayant plus de représentant politique, ne pouvant soutenir Léon Mba hostile à ses points de vues, ni les opposants, dans l’ensemble pro communistes, l'Eglise est évincée du champ politique.

Au début des années 1960, les ambitions politiques de l'Eglise catholique sont en effet anéanties par la défaite de Jean Hilaire Aubame « son poulain » face à Léon Mba soutenu par les anticléricaux (les forestiers). Les duels politiques entre les deux hommes, de 1945 à 1957, avaient toujours tourné à l'avantage de Jean Hilaire Aubame, permettant à l'Eglise catholique de caresser le rêve d'une société politique dans laquelle les bases et les fondements sont chrétiens.

La victoire politique de Léon Mba ou des anticléricaux sur l’Eglise sonne le glas de ces ambitions missionnaires. En soutenant implicitement Jean Hilaire Aubame, la hiérarchie chrétienne ne pensait pas à une République cléricale où des clercs pouvaient accéder au pouvoir suprême comme ce fut le cas au Congo avec l'élection de l'abbé Fulbert Youlou à la Présidence de la République ou en Centrafrique avec l’abbé Barthélemy Boganda. Les victoires politiques et électorales de Léon Mba en juin 1957 et surtout en février 1961, signent la fin du rêve d’une société politique imprégnée des principes et de la morale chrétienne.

Cette situation est confirmée en 1963 et 1964 avec l’échec de l’Union nationale et le retablissement au pouvoir de Léon Mba au pouvoir après le coup d’Etat. Dès lors, l'Eglise se consacre essentiellement à son œuvre sociale, surtout éducative qui souffre, plus que jamais, de la concurrence de l’enseignement public.

Malgré ses déboires, l'Eglise reste confiante dans sa mission et convaincue de son rôle social dans la société gabonaise. A partir de 1960, elle bénéficie d'une certaine stabilité grâce à la liberté religieuse reconnue par les différentes Constitutions de la République et grâce aux accords qu'elle passe avec l'Etat notamment dans le domaine éducatif. Le plus bel exemple est la loi 30/63 qui organise les nouveaux rapports entre l'Eglise et l'Etat en matière d’éducation. Du point de vue de l’Eglise elle a pour but de sauver et de maintenir l'enseignement privé catholique.

Les années 1960 à 1968 marquent surtout le début des transformations des relations entre l’Eglise et l’Etat au Gabon, assez loin du modèle entre la Mission et l’administration coloniale. L’Eglise, en pleine mutation, est à la recherche de l'affirmation définitive de ses lettres de noblesse dans le domaine spirituelle et social. Elle bénéficie de l'appui de l'Etat qui continue de subventionner son œuvre éducative malgré quelques difficultés persistantes.

L'Etat, tout en reconnaissant la religion catholique comme celle de la grande majorité des Gabonais, applique cependant, au grand désarroi de l'Eglise, tous les principes d'un Etat laïcs qui ne permettent pas à l’Eglise d’insuffler dans la sphère politique une morale chrétienne nécessaire. L’Eglise défend ses écoles en perte de monopole. La situation ne lui est pas totalement favorable car l’Etat ne tient pas totalement ses promesses de soutien scolaire. La laïcisation et la gabonisation de l’enseignement contraignent encore plus l’Eglise au silence voir à l’effacement, dès lors commence à la fin des années 1960, une traversée du désert sur la scène politique.